cirKus - Laylow
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, approchez donc et ouvrez grand vos oreilles ! Le numéro musical sans filet auquel vous allez assister, longuement préparé à Londres et en Suède par ses quatre créateurs et interprètes, a certes profité de leurs expériences passées et de celles de nombreux prédécesseurs inspirés, mais ces multiples influences n’empêcheront pas la constante prise de risques, bien au contraire !
1. Laylow
2. Is What It Is What It Is What It Is
3. Cutting Out A Career
4. Failsafe
5. You Such An...
6. Time For The Whistle
7. Ruff Turf
8. Fuc All The Doh
9. Starved
10. Love Can
11. Born Again
12. Fools
13. Sunny Tuesday
Le come-back le plus inattendu de l’année s’avèrera peut-être bien le plus surprenant à l’heure des bilans. Car Neneh Cherry et son compagnon et collaborateur de toujours Cameron McVey (bassiste et bidouilleur crédité ici sous le pseudo de Burt Ford) n’ont pas oublié qu’ils ont fait partie il y a 15 ans des inventeurs de la musique moderne, en tant que piliers du Wild Bunch au même titre que les futurs fondateurs de Massive Attack (auquels ils prêtèrent main forte pour accoucher de Blue Lines, à une époque où Burt Ford se faisait appeler... Booga Bear).
Avec le concours de leurs deux nouveaux équipiers, Karmil (DJ, programmation et guitare acoustique), à l’origine du projet avec Cameron, et son amie Lolita Moon (au chant et aux claviers), ils forment un collectif qui justement ne peut manquer de rappeler celui de Blue Lines : inquiétude et révolte se mêlent, chez cirKus aussi, à l’humanisme le plus profond.
Enregistré à Londres et dans divers studios suédois, notamment à Stockholm et Göteborg, l’album n’en demeure pas moins un pur représentant du son de Bristol. Mais pas question d’anachronisme pour autant : pour Cameron McVey il s’agit une fois encore de faire avancer les choses.
Ainsi, partant d’influences aussi nombreuses que variées, allant de la musique de Bristol en général, donc, à la folk en passant par le r’n’b, le hip-hop anglais autant qu’américain, l’abstract, l’électronica, la musique jamaïcaine ou plus généralement sud-américaine, il parvient une nouvelle fois à les transcender, livrant un album toujours qualifiable de "trip-hop" mais au moins aussi métissé que les productions de Tricky (la comparaison s’impose, surtout à l’écoute d’un Fuc All The Doh hanté et vénéneux à souhait) ou des fers de lance du label Anticon, et aussi mouvant que celles de Massive Attack, tout en étant plus accessible. Le premier single extrait de Laylow, Starved, en est un parfait exemple, de même que Is What It Is What It Is What It Is, peut-être le sommet de l’album.
Autre influence évidente et avouée : Martina Topley-Bird, ex-femme et ex-égérie de Tricky justement, auteur en 2003 d’un magnifique album à l’ambition semblable, Quixotic. Mais contre toute attente, Laylow le dépasse largement en complexité comme en ampleur, tandis que son évidence mélodique touche au coeur encore davantage.
D’un autre côté, cirKus se pose également en alternative de qualité aux faiseurs soit-disant talentueux du r’n’b américain actuel (le très réussi Your Such An...) dont les productions squattent plus que jamais les charts et MTV. Et si l’album dans son ensemble est d’une tonalité plutôt mélancolique, lorsque nos amis se prennent à jouer sur le terrain dansant ou lascif cher à Timbaland et autres Neptunes (le génialement cosmique Cutting Out A Career ou même le plus posé et presque désespéré Ruff Turff), ces derniers peuvent filer direct au vestiaire la queue entre les jambes. Car contrairement à la musique des nouveaux messies d’une presse spécialisée trop occupée à justifier son dangereux accès de populisme, celle de cirKus n’est jamais artificielle : au contraire, la précision du travail sonore et les expérimentations mélangeuses de la petite troupe demeurent toujours au service de chansons profondément personnelles et émotionnelles, tantôt sombres, tantôt mélancoliques, tantôt lumineuses ou un peu les trois à la fois (Fools, sublime). Et même lorsque cirKus aborde son versant le plus pop (les beaux Failsafe et Time For The Whistle), le relief demeure escarpé à souhait.
Neneh, Cameron et Lolita se succèdent ou se soutiennent au chant tout au long de l’album, mariant leurs voix à la perfection. On pense là encore à Massive Attack, d’autant que le chant de Cameron n’est pas sans rappeler celui de son vieux copain Horace Andy, tandis que Lolita Moon fait preuve d’une belle maturité vocale pour son jeune âge. Quant aux interventions régulières de Neneh Cherry, que dire, si ce n’est qu’il faut vraiment l’entendre rapper avec cette défiance et cet enthousiasme communicatif. Et lorsqu’elle se met à chanter, c’est toujours le même mélange de chaleur et de mélancolie qui, à lui seul, pourrait symboliser l’album.
On en redemande, et on est verni : il se pourrait bien que le duo Neneh Cherry-Cameron McVey soit de retour pour de bon. Ainsi, à en croire la page myspace de Neneh, Cameron et elle travailleraient à un nouvel album solo de la belle, pour lequel du matériel aurait d’ores et déjà été enregistré avec les participations de Sheryl Crow, Nigel Pulsford (Bush), Huey (Fun Lovin’ Criminals) ou encore la chanteuse marocaine Najat Aatabou. Wait and see...
Pour découvrir des extraits de Laylow, rendez-vous sur la page myspace de cirKus, où vous attendent également le clip très original de Starved, et une version live du morceau d’ouverture éponyme de l’album qui donnera sans doute envie à plus d’un amateur d’aller voir le groupe en concert.
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