DJ Shadow - The Outsider
The Outsider porte bien son nom : malgré la mauvaise surprise du single 3 Freaks on ne s’attendait pas à telle déception de la part du grand DJ Shadow. Mais attention, tout est relatif...
1. Outsider Intro
2. This Time (I’m Gonna Try It My Way)
3. 3 Freaks
4. Droop-E Drop
5. Turf Dancing
6. Keep Em Close
7. Seein Thangs
8. Broken Levee Blues
9. Artifact (Instrumental)
10. Backstage Girl
11. Triplicate/Something Happened That Day
12. The Tiger
13. Erase You
14. What Have I Done
15. You Made It
16. Enuff
17. Dats My Part
18. 3 Freaks (Droop-E Remix)
Découvert par James Lavelle et son label Mo’Wax au milieu des 90’s, Josh Davis alias DJ Shadow, auteur du formidable et visionnaire Endtroducing en 1996, fut le premier musicien à pousser le sampling dans ses derniers retranchements, inventant une nouvelle façon de composer et par là-même de concevoir la musique. Propulsé metteur en son du Psyence Fiction d’UNKLE, l’ambitieux projet de Lavelle, il en avait fait un nouveau chef-d’oeuvre et lancé ensuite sur le label Ninja Tune son propre projet collectif, Quannum, réinventant la soul avec l’appui notamment de ses collègues de Blackalicious et Jurassic 5, avant de sortir un deuxième album studio en 2002. Brillant mais inégal, The Private Press commençait déjà à laisser entrevoir les limites créatives de Shadow, et l’on s’inquiétait quelque peu de la façon dont les choses allaient tourner pour ce pilier de la musique moderne.
Avec raison, malheureusement. Car si The Outsider, nouvelle livraison du DJ de San Francisco, ménage encore de beaux moments et même quelques éclairs de génie, ceux-ci ne sauraient contrebalancer le sentiment dominant de déception que l’on éprouve à la découverte de cet album à l’orientation incompréhensible, entre un rap/r’n’b mainstream flirtant dangereusement avec la laideur et de belles chansons plus atmosphériques et métissées mais un brin convenues. Ainsi 3 Freaks ou Dats My Part, déviants mais aussi creux que grandiloquents, font carrément penser à du Busta Rhymes, tandis que Turf Dancing ou même Enuff, malgré la présence au chant de l’excellent Lateef (moitié de Latyrx) et du leader mythique de feu A Tribe Called Quest, Q-Tip, évoquent les productions des Neptunes, exercices de style sans âme.
Dès le morceau d’intro on se croirait en pleine ouverture d’un show hip-hop à l’américaine, la finesse inversement proportionnelle à la débauche d’effets déployée. This Time (I’m Gonna Try It My Way), jolie chanson soul, fait encore illusion, mais on déchante vite une fois arrivé à 3 Freaks. On pensera encore à Busta Rhymes à l’écoute de Seein Thangs, même si de sublimes choeurs hantés parviennent à lui donner une autre dimension et lui insuffler un supplément d’âme. Et si Broken Levee Blues, avec ses "nobody cares", perpétue l’esprit de la musique de Shadow, ça reste du domaine de l’anodin par rapport à ses chef-d’oeuvres précédents. Il faut donc attendre Artifact, court instrumental à la fois punk et planant, pour retrouver un peu le créateur de formes musicales qui nous passionnait tant.
A partir de là l’album commence à rebondir, et passé Backstage Girl, OutKast du pauvre mou-du-genou et démonstratif, on a enfin droit à une petite merveille : Triplicate/Something Happened That Day, nouvel instrumental en deux temps cette fois, avec harpe et hautbois magnifiques, puis des cris assourdis d’enfants qui jouent, visiblement inconscients du triste destin qui semble les guetter. Rien de bien original mais au moins c’est du Shadow, du vrai.
La suite confirme ce second souffle que l’on n’espérait plus. The Tiger, blues-rock électro et bigarré, fait penser au guitariste argentin Gustavo Santaolalla autant qu’aux Black Keys, puis on retrouve enfin, sur l’excellent Erase You, le côté hanté et les rythmiques déréglées de Shadow, passant au crible cette chanson soul/pop d’une grande richesse instrumentale (guitare électrique cristalline mise en avant, flûte, cordes, sonorités électro) où la voix de Chris James fait merveille.
Christina Carter n’est pas en reste sur What Have I Done, peut-être le chef-d’oeuvre de l’album : elle y déclame de sa voix magique sur une ambiance de fin de monde, qu’elle illumine finalement en se mettant à chanter. Le patronage de Santaolalla est là encore évident : on ne dira jamais assez à quel point ce génie vénéré par Tortoise, fondateur d’Arco Iris (groupe des 60’s qui fusionna rock et folk latino-américain), auteur du sublime Ron Roco en 1998, compositeur de bandes originales mémorables ("21 grammes", "Carnets de voyage", "Brokeback Mountain" pour laquelle il remporta l’oscar) et producteur de l’excellent groupe folk-rock mexicain Cafe Tacuba, est décidément une influence aussi importante qu’Ennio Morricone sur la musique moderne, à commencer par le post-rock.
Enfin, Chris James reprend le chant sur You Made It, qui avant une médiocre clôture d’album vient enfoncer le clou des regrets : une chanson folk-rock à la guitare acoustique lumineuse et aux envolées lyriques appuyées par des arrangements de cordes parfaits et une rythmique capable à tout moment de reprendre sa liberté. Il eut fallu que tout soit dans cette veine.
Chaque dimanche, une sélection d’albums récents écoutés dans la semaine par un ou plusieurs membres de l’équipe, avec du son et quelques impressions à chaud. Car si l’on a jamais assez de temps ou de motivation pour chroniquer à proprement parler toutes les sorties qu’on ingurgite quotidiennement, nombre d’entre elles n’en méritent pas moins un avis (...)
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