Angil and the Hiddentracks - NOW
L’album sort aujourd’hui et déjà la presse est unanime : NOW est un chef-d’oeuvre, un disque intelligent et stimulant, à la fois savant et touchant. Mince.
1. Opening Scene
2. When He Says Your Name
3. To Progress
4. This Time
5. Know-Hows
6. Swan Song of a Refugee
7. I Have Stopped Wondering
8. Trish
9. Do
10. Ending Sequence
Tout le monde se serait donc mis à apprécier Robert Wyatt et Captain Beefheart, l’underground post-jazz de Chicago et l’avant-garde contemporaine du label new-yorkais New Amsterdam ? Une épidémie de bon goût ? On en rêve, si si, sincèrement... mais voilà, quand ça arrive, on se sent forcément un peu dépossédé.
Non pas qu’on se soit cru être les seuls à suivre Angil de près depuis Teaser For Matter et le crossover The John Venture avec ses compères stéphanois de B R OAD WAY, ou parmi les rares à lui avoir emboîté le pas dans le dédale kraut/noise de Jerri en compagnie de Deschannel... certes non. Car Mickaël Mottet et sa bande ont toujours su alimenter la flamme auprès des publics les plus divers, des amoureux de romances dissonantes et de minimalisme bariolé le temps du projet Del, aux curieux d’une pop aux arrangements ciselés multipliant les chemins de traverse avec les deux précédents opus d’Angil & The Hiddentracks dont le dernier en date, The And, nous avait déjà préparés au subtil travail d’orchestration qui fait aujourd’hui toute la singularité de NOW.
Et pourtant, il y avait toujours, quelque part, cette impression que le groupe ne jouait que pour soi, qu’on était seul à vraiment pouvoir comprendre cette musique peu à peu gagnée par la schizophrénie, submergée album après album par un sentiment d’ambivalence, ce besoin contradictoire de renouer avec quelque chose de primal dans les guitares, les rythmiques (qui viennent d’ailleurs en premier sous l’impulsion du batteur Flavien Girard), tout en explorant les horizons plus exigeants de l’atonalité et de l’improvisation orchestrale.
Une démarche qui trouve justement son point d’équilibre le plus solide et fragile à la fois sur NOW. Drôle de nom, tiens, ce NOW en lettres majuscules, qui nous ramène au NOW Ensemble de l’écurie New Amsterdam dont on parlait plus haut. Deux formations rompues à la liberté du jazz, à une instrumentation de "musique classique contemporaine" dissociée de ses codes habituels (aussi multiples et malléables puissent-ils être) mais également à la dramaturgie d’une pop plus électrique et frontale, presque post-rock pour les New-Yorkais tandis qu’avec Angil on navigue à l’instinct du côté de Pavement, mais un Pavement aux discordances plus acoustiques et luxuriantes sous l’influence prépondérante semble-t-il du saxophoniste des Hiddentracks, Francis Bourganel.
Coupons court néanmoins aux raccourcis faciles. Il y a quelques semaines, on comparait Swan Song Of A Refugee, en gros, à du boogie-woogie à la sauce no wave arrangé par Messiaen et produit par Soft Machine. Mais alors que dire de To Progress et de son mantra "this time the wall is on the writing" sur fond de cuivres menaçants et de transe orientalisante, du morriconien Know-Hows assailli de toutes parts par les spectres de la folie, du fabuleux Do convoquant Can, cLOUDDEAD et Ligeti en une même geste épique et angoissée, ou de la soul dépressive d’un I Have Stopped Wondering qui sonne comme la profession de foi d’un groupe plus confiant que jamais dans l’importance de son incertitude ?
On retrouve ainsi sur l’album, enregistré au Gran Lux de Saint-Étienne, une atmosphère propre à cette ancienne usine reconvertie en cinéma, fruit tout à la fois d’un refus de l’artificialité, cette lumière crue et pourtant paradoxalement mate que l’on associe spontanément à l’univers de Mickaël Mottet, et d’un imaginaire foisonnant, presque trop pour la santé mentale d’un songwriter dont chaque intonation, chaque scansion, à l’image des fulgurances des cuivres ou des vents, revêt des allures d’exorcisme sous cette sérénité de façade qui semble agir comme dernier rempart à l’effondrement de la raison.
Une atmosphère de solitude aussi, irradiant des morceaux les plus feutrés du disque (Trish, This Time) et captée à la perfection par le vidéaste Cédric Lamarsalle via une série de clips qui vous permettront, en cliquant sur les icônes associées ci-dessus à la tracklist, de découvrir l’album sans plus tarder dans son intégralité - et pour ceux qui connaissent déjà les images, on peut également l’écouter ici, pas une raison toutefois pour se passer du bel objet qui l’accompagne et des contrastes de l’artwork de Guillaume Long, métaphore idéale du tiraillement entre maturité et régression foetale qui sous-tend plus que jamais la musique d’Angil. Une musique qui s’adresse toujours à chacun d’entre nous comme s’il était le dernier humain sur terre, et qu’importe dès lors si Pitchfork venait à s’en mêler.
En dépit d’une nette prédominance des musiques instrumentales de type ambient/expérimental dans mes écoutes de l’année, ce cru 2013 m’aura réconcilié avec le format pop, pléthore de beaux disques aussi singuliers qu’attachants pour lesquels ne s’applique aucun des bêtes adages que les blasés du cirque pitchforkien nous assènent chaque année : "le rock est (...)
Depuis le temps que l’on suit Mickaël Mottet dans ses pérégrinations, que ce soit avec Del, Dotsy Dot, en son nom propre ou à la tête d’Angil And The Hiddentracks, nous n’éprouvons toujours aucune lassitude à l’idée d’écouter et de défendre ses nouvelles compositions.
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