Mogwai : la vérité est ailleurs
Le 20 mars dernier, nous avions rendez-vous avec Mogwai à Lyon pour un concert qui s’annonçait déjà ultra sonique. Avant cela, nous rencontrions le guitariste Stuart Braithwaite (photo) afin de lui poser quelques questions sur Hardcore Will Never Die, But You Will, dernier album en date des Écossais, entre autres digressions sur ses futures projets et sa vision du music business.
Si l’actualité du mois de mars avait quelque peu éclipsé la sortie du septième opus du combo de Glasgow, Hardcore Will Never Die, But You Will n’en demeurait pas moins un bel évènement musical à côté duquel il eut été dommage de passer. De cet album nous n’apprendrons pas grand chose finalement, Stuart Braithwaite préférant nous laisser ressentir la musique de Mogwai qui s’avère en fin de compte plus intuitive que réfléchie. L’occasion également de rappeler que si l’étiquette "post-rock" ne signifie plus grand chose aujourd’hui, les auteurs de Young Team ne se sont jamais vraiment sentis concernés par ce "mouvement", qui tout compte fait n’en serait pas vraiment un.
Indierockmag : Comment en vient-on à jouer du post-rock quand on a grandi à Glasgow, berceau de l’indie pop des Primal Scream, Teenage Fanclub, Delgados et autres Belle & Sebastian ?
Stuart Braithwaite : Je n’appellerais pas vraiment ce qu’on fait du post-rock, pour être honnête je pense que c’est plus une sorte de rock’n’roll finalement. Peut-être que l’on a été inspiré par quelques groupes écossais, The Jesus And Mary Chain ont été une grande influence par exemple de même que Primal Scream, mais je pense que la plupart de nos sources d’inspiration sont plus lointaines, comme Sonic Youth, Joy Division, ce genre de groupes.
IRM : On parlait de musique mais qu’est-ce qui vous a influencé au tout début quand vous avez commencé ?
Ces groupes-là, de la musique "différente" que l’on a écouté en grandissant comme My Bloody Valentine, The Jesus And Mary Chain, Sonic Youth, The Jimi Hendrix Experience... juste des bons groupes de rock.
IRM : Vous avez travaillé avec Aidan Moffat sur votre premier album Young Team. D’une manière générale, quels contacts avez-vous avec cette scène écossaise ?
Une relation plutôt tranquille. On a un label, Rock Action Records, qui nous permet de travailler avec un certain nombre de jeunes groupes écossais comme Errors, Remember Remember... Sinon on connaît pas mal de groupes issus du label Chemikal Underground dirigé par les Delgados et par lequel on est passé, il y avait Arab Strap, Aidan Moffat que vous mentionniez justement et qui est un bon ami à nous, je fais d’ailleurs de la musique avec lui sous le nom Aloha Hawaii. Donc oui, on est plutôt impliqué dans cette scène écossaise finalement.
IRM : Vous avez récemment confié avoir laissé un certain nombre de morceaux de côté pour Hardcore Will Never Die, But You Will qui est un album aux multiples facettes. Comment avez-vous procédé pour choisir les titres qui y figurent ?
On a juste voté au sein du groupe pour quelles chansons on voulait voir apparaître sur le disque, et dix d’entre elles ont reçu les trois votes nécessaires. Personnellement je voulais que l’album soit plus long avec davantage de morceaux mais finalement le résultat tient plutôt bien la route.
IRM : L’album suit une route plus électronique et, paradoxalement, moins "hardcore" que ce à quoi l’on pouvait s’attendre. Pensez-vous à l’orientation globale de vos disques avant d’entrer en studio ou est-ce totalement instinctif ?
C’est assez instinctif, on écrit les chansons avant d’entrer en studio, donc ça donne une petite idée de la direction, si l’album va être mélodique, avoir des sons électroniques, etc. mais on essaie de laisser les choses évoluer naturellement pour voir ce qui va se passer.
IRM : Il s’agit de votre septième album studio. Ne craigniez-vous pas une certaine lassitude avant d’enregistrer ?
Non vraiment pas, je pense si on ressentait moins d’excitation pour faire de la musique on ne s’embêterait tout simplement pas à continuer d’en faire, mais heureusement on a toujours envie d’essayer de nouvelles choses.
IRM : Dès Rock Action en 2001 vous vous écartiez des codes du post-rock, cette appellation que vous rejetez justement, en touchant à l’électronique ou aux orchestrations et en multipliant les collaborations, notamment vocales avec Gruff Rhys ou David Pajo. Entre les guitares éthérées, les synthés plus présents et une certaine mélancolie qui domine, souhaitiez-vous avec ce nouvel album reprendre les choses là où Rock Action et son successeur Happy Songs For Happy People les avait laissées ?
Ce n’était pas vraiment l’objectif mais je vois ce que vous voulez dire. Je pense que le nouvel album colle bien en effet avec ces deux deux-là mais en vérité c’est juste arrivé comme ça, il n’y avait rien de planifié.
IRM : Hardcore Will Never Die, But You Will est également plus immédiat avec des titres électro-rock vocodés tels que Mexican Grand Prix ou George Square Thatcher Death Party, qui se mêlent à d’autres plus "désincarnés". Pourrait-on voir ça comme une tentative de retranscrire le paradoxe de notre époque où l’urgence le dispute au vide existentiel ?
(rires) Je ne peux pas vraiment le dire... vous y avez réfléchi plus que nous visiblement. Pour être honnête on aimait simplement les sons, la musique... mais c’est une observation intéressante.
IRM : Ces préoccupations électroniques se ressentent également via votre label Rock Action Records sur lequel officient notamment vos compatriotes Errors. Vous sentiez-vous à ce point à l’étroit sous l’étiquette "post-rock" ?
En fait je ne sais pas vraiment ce que c’est que le post-rock, personne n’avait utilisé cette étiquette avant qu’on ait sorti quelques disques, on n’a jamais eu l’intention de sonner comme Godspeed You ! Black Emperor, et on n’a certainement jamais eu envie de s’accrocher au son que l’on avait avant même d’avoir entendu parler de post-rock pour la première fois... donc je ne fais pas vraiment attention à ce genre de choses, mais on a pas envie de sonner toujours pareil, qui voudrait de sept albums tout à fait identiques de toute façon ?
IRM : Bien sûr, mais vous êtes tout de même considéré comme l’un des chefs de file de ce "mouvement"...
Ce n’est pas un mouvement ! Il y a beaucoup de groupes qui copient GY !BE mais ça n’est pas pour autant un mouvement... (rires) vous voyez ce que je veux dire ? Un mouvement implique que les choses bougent, ce n’est pas seulement copier un son... donc en l’occurrence c’est une stagnation plutôt qu’un mouvement, et nous on n’a pas envie de stagner. (rires)
IRM : 15 ans déjà depuis vos débuts discographiques, qu’est-ce qui a changé dans vos rapports avec le music business ?
On a fait tellement de choses qu’on a forcément appris beaucoup, on est passé par pas mal de labels au fil des années donc c’est un grand changement. Aujourd’hui on contrôle les choses plutôt que d’être simplement musiciens, on fait les disques mais on possède aussi les droits des chansons, donc je pense que l’on comprend davantage comment fonctionne le music business. Fonder notre propre label est l’une des meilleures décisions que l’on ait prises.
IRM : Vous vous sentez plus libre alors, ou ressentez-vous davantage de pression quelque part ?
Il y a plus de pression c’est vrai, mais on a davantage de contrôle qu’avant donc c’est plutôt pour le meilleur.
IRM : Que pensez-vous de ces groupes à succès de plus en plus nombreux à s’émanciper du système des maisons de disques ?
Je pense que c’est un pas en avant, mais je préfèrerais en voir davantage fonder leur propre label plutôt que simplement faire de l’argent pour eux-mêmes. Nous aussi on fait plus d’argent puisque les albums de Mogwai se vendent bien mais on utilise ça pour révéler davantage d’artistes. Je m’inquiète d’une certaine manière que si tous les gros groupes se passent de label il n’y ait plus assez d’argent pour aider les musiciens émergents...
IRM : En 2006, entre votre bande originale du documentaire Zidane tout en tension minimaliste, celle de The Fountain signée Clint Mansell sur laquelle pour jouiez et le final de Miami Vice sur Autorock extrait de Mr. Beast, on pouvait vous entendre dans tous les bons cinémas. Composer directement pour une fiction, cela fait-il partie de vos projets, de vos envies ?
Oui, on a adoré toutes ces expériences et on aimerait continuer, mais le problème c’est qu’on est très occupé à tourner, à faire tout ce que fait un groupe en temps normal, donc même si on nous proposait des projets il serait difficile de trouver du temps... mais c’est vraiment quelque chose qu’on aimerait explorer davantage.
IRM : Nous avons entendu dire que vous n’écoutiez presque pas de post-rock justement. Quels sont vos coups de cœur du moment ?
En général j’écoute de la musique assez ancienne, j’aime beaucoup les enregistrements d’église, la musique chrétienne, le blues et le gospel aussi... mais également de nouveaux groupes, il y a beaucoup de bons groupes électroniques américains, particulièrement ces derniers temps. Sinon j’apprécie tout de même certains groupes que vous qualifieriez sans doute de "post-rock", j’aime Battles par exemple, je suis leurs sorties de près et je commence à bien m’y attacher...
A découvrir en vidéo pour les amoureux de l’accent écossais :
Merci à Mogwai et Pias pour leur disponibilité et à Catherine Deylac (Lartsenic) pour la vidéo et les photos.
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