Portrait : Perth - Chambery Calling.
Rarement groupe français de pop-rock indé ne m’est apparu aussi séduisant que celui que vous allez découvrir ici : Perth.
Séduisant par le son, d’une part, car Perth nous distille d’une musique tout droit venue d’un univers où beauté et magnificience côtoient richesse et splendeur.
Séduisants les 5 membres qui composent le groupe, d’autre part, comme les doigts d’une main : complices, solidaires et attachants.
Perth est la rencontre entre cinq fans de musique. Peux-tu nous raconter la naissance de ton groupe ?
Jeff : A l’origine, Perth n’était qu’une personne, Fred. Après avoir enregistré seul, à l’aide ... de son 4 pistes, un 17 titres Is that the garden of heaven (Chroniqué dans le forum Magic ! #20), il décida de se lancer dans l’aventure fantastique du groupe. En 1998 il me rencontra, batteur de mon état, grâce à un intérêt commun porté au groupe Swell. L’arrivée, quelques mois plus tard, de The Dude à la seconde guitare donna l’élan d’un véritable groupe. De nombreux bassistes se sont joints au groupe, et on notera principalement le passage d’Osvit (Album Live The Blackout, chroniqué dans le forum Magic ! #54). Dans la même période, Claire s’inclut dans le groupe et, au-delà de la fraîcheur féminine qu’elle incarne, elle colore la musique de Perth d’une charmante touche électro. Enfin depuis 2003, Perth a sa forme actuelle et définitive avec Jérôme derrière la basse.
Quand on prononce Perth et The Birthday Party, on pense tout de suite à l’Australie avec la ville et le nom du groupe de Nick Cave. Quelles sont les raisons de ces clins d’oeil à ce pays ?
Fred : Le nom du groupe vient de 5 Australiens (originaires de Perth) que j’ai rencontrés devant chez mes parents (j’habitais encore chez eux à l’époque) à la suite d’un grave accident de voiture. Du coup, nous avons bien sympathisé et ils sont restés 1 mois 1/2 chez mes parents. Mattew était batteur et moi je commençais juste à apprendre la guitare, et je ne sais pas si sans lui j’aurais persévéré. Le nom du groupe lui est dû.
The Birthday Party est en hommage à Nick Cave, figure emblématique du rock indé. Tout comme They do it with mirrors (un des titres du disque) d’ailleurs...
- Jeff
The Birthday Party est votre sixième album. Comment considères-tu l’évolution musicale du groupe ?
Jeff : Le groupe a connu des évolutions au fil du temps, tout d’abord de par les divers membres qui y sont passés. Chaque personne a apporté ses influences, plus ou moins marquées. Mais il semble avant tout qu’on peut s’attacher à l’évolution interne de chacun. Au tout début où nous jouions ensemble Fred et moi, j’ai l’impression qu’aucun cadre ne nous limitait l’un et l’autre. Notre musique répondait à un élan instinctuel que Dude a canalisé en partie. La venue de Claire pour le 5ème album Colors, puis celle de Jérôme pour The birthday Party, ont permis d’élargir le champ d’action à partir d’une base théorico-pratique plus académique et rigoureuse. Cette instauration progressive d’un cadre a paradoxalement permis à chacun de jouir d’une certaine liberté dans les créations et les accompagnements. Ceci marque, à mon avis, une certaine maturité dans la musique de Perth.
A l’écoute des titres de votre dernier opus, on peut constater que vous privilégiez l’atmosphère musicale aux mots. Comment se déroulent l’écriture et l’enregistrement de vos morceaux ?
Claire : La création d’un nouveau morceau débute toujours par la musique. En principe, l’un de nous vient avec un nouveau riff, une nouvelle mélodie, et chacun a alors la possibilité de créer sa propre partie. Nous créons à cinq, c’est-à-dire que même si chacun a sa sphère de liberté, les autres participent aussi à la création de chaque partie. Je pense que cela apporte une homogénéité au tout. Il y a un peu de tous dans chaque instrument en fait. Après la musique viennent les paroles, écrites par Fred ou moi. Il est vrai que de plus en plus, nous réduisons les paroles. Pour ma part, pour ce qui est des paroles, je préfère écrire peu de choses, mais que cela tombe au moment juste de la chanson, et pour que ce soit un moment fort. Parfois, trop de paroles tuent le chant et tuent leur signification. Par exemple pour Blind, j’aurai pu écrire des pages et des pages de paroles, mais je les trouvais beaucoup plus frappantes ainsi. Et dans ma manière d’écrire, je pense aussi que les instruments sont comme une voix. Chacun peut imaginer ce qu’il veut sur les notes, créer sa propre ambiance, sa propre histoire. Parfois, le public ne comprend pas les paroles de nos chansons, et ce qu’il en ressort est parfois très intéressant, parce que proche de la réalité des paroles, ou au contraire très loin !
- Claire
They Do It With Mirrors, souligné par le chant de Claire, peut être considéré comme un hommage conjugué au Velvet Underground et surtout à Sonic Youth. Peut-on qualifier Perth du Sonic Youth français ?
Claire : Il est clair que nous écoutons tous Sonic Youth. C’est un de mes groupes préférés maintenant. Je les trouve impressionnants, chacun à leur manière. Ce groupe est aussi important pour moi de par la présence de Kim Gordon, qui est une égérie du rock. Les femmes sont rares dans ce monde là, et elle assume complètement ça. La comparaison est donc évidemment flatteuse, de là à nous qualifier de Sonic Youth français... aucune idée... Ce serait peut-être très prétentieux venant de nous d’espérer ça...
Fred : Et puis Sonic Youth n’est qu’une facette de ce que nous aimons dans le rock... Le premier album du Velvet est pour moi le commencement du rock indé. Dans Perth, la diversité et la différence de nous 5 nous enrichissent et nous stimulent.
Jeff : Pour ma part, je trouve que Sonic Youth est un groupe épatant par la politique qu’elle mène depuis ses débuts, en tout cas jusqu’à A thousand leaves, pas de concession possible. Ca me plaît ! Ce qui est possible de nous « rapprocher » de Sonic Youth (et d’une multitude d’autres groupes) est le fait qu’on laisse en marge le désir de l’autre, ce qu’il aimerait entendre. Quelques portes nous ont été fermées avec notre ancien album Colors, notamment avec le morceau phare du même nom, jugé trop noise.
- The Dude
Etes-vous plutôt rock américain ou anglais ?
Claire : Question compliquée, il y a du bon dans les deux... Peut-être plus américain quand même, avec Sonic Youth, Pixies et compagnie. Après je suis une fan de Sigur Ròs, The Silver Mont Zion, God Speed... Je ne me base plus sur le old-school de tel ou tel pays, mais plutôt sur la musique elle -même.
Fred : Nous avons tous nos influences diverses mais je pense que globalement, le rock américain est plus présent dans ma discothèque.
Jeff : J’ai l’impression que le rock américain est plus tranchant, plus sale et j’y suis beaucoup plus réceptif. Par moment, lors de certains concerts, je me glisse dans la peau d’Elvis. Cet homme incarne à mes yeux ce qu’il y a de plus primaire chez l’être humain, la mégalomanie et la fâcheuse tendance à l’autodestruction. Dans ce que présentent les groupes de rock américains, je repère assez souvent cette démesure. Immédiatement on peut penser à Anton Newcombe (The Brian Jonestown Massacre) !
Quels sont les cinq disques qui caractériseraient Perth ?
Les 5 ou les 500 ?
Loveless de My Bloody Valentine
Kid A de Radiohead
Well ? de Swell
Doolittle de Pixies
Heaven or Las Vegas de Cocteau Twins
Quels sont vos derniers coups de cœur musicaux ?
Jeff : Je viens de découvrir The Giant Drag. Je les ai découverts par rapport à la prog’ des Eurockéennes de Belfort. Je vais monter les voir ...
Claire : Singapore Sling, c’est plutôt pas mal ! Lampshade est aussi à écouter.
Fred : Death Cab For Cutie et Killing families de Silversun Pickups.
- Jérome
A l’écoute des sept titres qui composent The Birthday Party, on ressent beaucoup de richesse, d’expérience et de maturité. D’où une certaine incompréhension quant au fait que vous n’ayez pas plus de succès. Est-ce pour vous un handicap d’être un groupe de province (Chambéry) par rapport à ceux de la capitale qui bénéficient d’une sur médiatisation ou plutôt d’une médiatisation moins justifiée ?
Jeff : Le fait d’être un groupe de Chambéry ne facilite pas les choses. De nombreux projets s’érigent dans la ville, mais celle-ci ne jouit toujours pas d’une réputation porteuse pour la musique pop/rock. La Savoie et la Haute-savoie sont un véritable vivier de groupes talentueux (De La Vega, Johnny Cash Is Dead, Der Henker, ...) mais c’est difficile d’être entendu hors de la région. Grenoble soutient bien l’émergence du rock et de la pop, mais uniquement pour les groupes grenoblois ! Pareil pour la Suisse ! Alors que faire ? En visionnant le panorama culturel rock à la TV, à la radio ou dans les magazines, je suis apeuré du fait que la nouvelle vague musicale en France ne se limite essentiellement qu’au cercle parisien. Toutefois Syd Matters, avec qui nous avons joué en mai, reste un très bon groupe parisien qui mérite sa notoriété.
Un autre inconvénient quant à notre localisation, la région Rhône-Alpes a été la région pilote en ce qui concerne les nuisances sonores. De nombreux bars et salles de concerts ont dû fermer s’ils ne se mettaient pas aux normes ou bien ils privilégient le jeu non amplifié (et sans batterie !!!). Même si ces contraintes sont moins pesantes aujourd’hui, il est toujours très difficile de jouer dans la région.
Heureusement, il existe des ‘zines indé spécialisés qui visent à faire la promotion de la musique qu’ils apprécient et non pas à alimenter une quelconque fierté territoriale. Une autre chose est étrange, c’est le fait que Perth ne soit pas diffusée sur la moindre petite radio locale ou départementale, alors que nous avons la chance de figurer sur la playlist de Indie Pop Rock de Soma FM à San Francisco ! Allez savoir !
Fred : Le problème en France, c’est que les radios, les labels, etc ... sont frileux. Les grosses machines ne me plaisent pas et les groupes kleenex non plus. Donc finalement, suivre tranquillement notre chemin en faisant ce que nous aimons est déjà un beau succès !
Claire : Après, je pense que si la musique vaut le coup, elle peut s’expatrier partout. Et si ça ne marche pas ici, on essayera ailleurs.
- Fred
Le troisième titre de The Birthday Party s’intitule Albator. Perth, nostalgique de la fin des 70’s et du début des 80’s ?
Fred : C’est surtout une chanson pour mon petit garçon. C’est un événement qui marque dans une vie ! Albator c’est MON superhéro depuis que je sais que Goldorak n’existe pas !
Jeff : La nostalgie de cette époque pourrait davantage être celle de Dude, Fred et moi. Je perçois Jérôme comme étant nostalgique de la fin de 60’s et du début des 70’s. Quant à Claire, c’est plus fin 80’s et début 90’s. Dix-neuf ans séparent le plus vieux de la plus jeune du groupe !
Que pensez-vous de la scène musicale française actuelle et du rock français notamment ?
Claire : J’ai toujours été une fan de Noir Désir. Le revirement de situation et les groupes qui ont explosé juste après le drame ne m’ont pas satisfaite. Par contre, je trouve que Camille et Dominique A sont les deux seules figures qui redorent le blason de la musique française.
Fred : Je n’en pense rien en particulier. Je ne fais pas de différence entre les pays. Si des groupes comme les Skippies, Expérience ou Dionysos explosent un jour tant mieux. Mais si j’avais à choisir, je préfèrerais en ce moment être belge ! Tant qu’aucun label ne sera prêt à donner la chance aux petits groupes, on restera dans une standardisation stagnante.
Jeff : Pour être franc, à part Laudanum, A Red Season Shade, Chevreuil ou d’autres personnes comme cela, la scène musicale française ne m’intéresse pas énormément. En fait, j’aime bien le rock français quand ils se taisent ; ce qui enlève évidemment la spécificité du rock français ! Une musique qui tient aux tripes et une politique musicale honorable valent bien mieux, pour moi, qu’un discours pathétique sur la misère dans le monde. J’ai l’impression qu’en France on baigne au milieu de caricatures de paroliers. Mais si ça leur faire du bien d’exprimer cela ... pourquoi pas ?
Quels sont les futurs projets de Perth pour les prochains mois ?
Jouer, créer, écrire. Faire des concerts, vendre un maximum de CD et enregistrer un nouvel album. Plusieurs nouveaux morceaux attendent déjà d’être mis sur bande.
Lien : site officiel du groupe http://www.perth-music.com/
Interviews - 27.06.2006 par
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