Kristin Hersh : "Maintenant je peux crâner"
En pleine tournée australe avec Throwing Muses, Kristin Hersh a pris le temps de nous parler de l’avenir du groupe et de ses autres projets.
Kristin Hersh est désarmante. Tout au long de cette brève rencontre, calée entre la balance d’avant-concert et une séance de signatures, elle n’a cessé de s’excuser. Chaque fois que Billy O’Connell, son manager et mari, ou l’un des deux autres membres de son groupe sollicitait son attention, elle se tournait vers moi et disait "Désolée". Évidemment, je répondais à chaque fois que c’était plutôt à moi de m’excuser de la déranger en plein travail. Et elle de répliquer avec un sourire radieux : "Je sais, je m’excuse souvent."
Dieu sait pourtant que la dame n’a aucune raison de s’excuser. Peu de musiciens ont fait preuve d’une telle intégrité et d’une telle constance que la chanteuse-guitariste de Throwing Muses. Ayant tourné le dos depuis bien longtemps aux sirènes de l’industrie de la musique, elle a creusé son propre sillon, ignorant les modes et les diktats de tous bords.
De gauche à droite : David Narcizo (batterie),
Kristin Hersh (guitare, chant), Bernard Georges (basse).
Créé au début des années 80, Throwing Muses est le groupe qui ne veut pas mourir. Il a connu quatre bassistes, perdu une guitariste (la demi-sœur de Kristin Hersh, Tanya Donelly, partie en 1992 pour rejoindre les Breeders puis former Belly), disparu pendant sept ans, hiberné pendant six autres, avant de revenir à nouveau cette année. Comment Kristin Hersh et Bernard Georges (basse) ont-ils réussi cette fois à convaincre David Narcizo, batteur "historique" des Muses, de revenir derrière les fûts ?
"Nous lui avons demandé s’il voulait venir jouer de la musique avec nous, répond Kristin. Il a dit oui."
Et c’est tout ?
"Si j’avais su que ce serait si simple, j’aurais essayé plus tôt !" reconnaît-elle dans un grand rire (qu’elle a fréquent et contagieux).
Que se passera-t-il après la tournée ?
"Nous allons essayer d’enregistrer un nouvel album cette année. Je veux que le disque de Throwing Muses soit mon prochain projet CASH, après mon propre album. Le groupe aura sa propre page, comme c’est déjà le cas pour 50 Foot Wave."
CASH (Coalition of Artists and Stake Holders) est le nouveau mode de distribution de la musique via Internet que Kristin et d’autres artistes (notamment Donita Sparks, ex-L7) ont lancé fin 2007. Le site mis en place par Hersh combine téléchargements gratuits, dons optionnels et un système d’abonnement proposé aux fans les plus endurcis. En un an, il lui a permis d’enregistrer un album entier, douze titres pour lesquels les frais de studio ont été entièrement couverts par les abonnements. Intitulé Speedbath, il est aujourd’hui disponible en streaming et en téléchargement gratuit.
"Maintenant, quand je parle de CASH, je peux crâner, au lieu de dire que ce n’est qu’une expérience !" commente Kristin Hersh, manifestement fière. "C’est une révolution. Nous sommes en train de changer tout le fichu paradigme."
"Je tiens ma musique à l’écart de ma vie"
L’album de Throwing Muses est loin d’être son seul projet en cours. "Dès mon retour, je vais réenregistrer Speedbath et nous publierons les deux versions, celle de CASH et la nouvelle."
Pourquoi réenregistrer entièrement un album que beaucoup trouvent déjà remarquable tel qu’il est ?
"Je veux donner un coup de projecteur sur le processus, qui consiste à... faire énormément d’erreurs en fait", dit-elle en riant, "au fur et à mesure qu’on se familiarise avec les chansons."
La version CASH peut donc être considérée comme une sorte de "work in progress" ?
"Exactement. Les chansons en elles-mêmes sont valables, mais je sais que je peux les rendre meilleures. Je pense aller vers une production plus simple, un peu comme sur mon album The Grotto. Ces chansons-là ne supportaient aucun ajout, à part les interventions d’Andrew Bird et Howe Gelb. Les chœurs ne fonctionnaient pas. Il m’a fallu pas mal d’essais et d’erreurs pour me rendre compte que ces chansons avaient besoin de rester brutes."
C’est également via CASH qu’a été dévoilé, en fin d’année dernière, le nouvel EP de 50 Foot Wave, trio formé en 2004 par Kristin Hersh avec Bernard Georges et le batteur Rob Ahlers. Intitulé Power + Light, c’est un morceau de 25 minutes divisé en sept mouvements. Un véritable tour de force musical.
Une version vinyle est annoncée pour "bientôt" ("David Narcizo vient d’envoyer l’artwork à l’imprimeur"), ainsi que des téléchargements. "Il n’y a pas vraiment de date ferme", précise Billy O’Connell, "c’est une parution permanente."
"Si nous avions eu plus de temps, j’aurais fait une chanson d’une heure, commente Kristin. J’adore Power + Light, je voudrais pouvoir vivre sur cette planète. Si je pouvais écouter ma propre musique, je n’écouterais que ça tout le temps. C’est un monde à part."
N’écoute-t-elle donc jamais sa propre musique ?
"Non, c’est trop douloureux. Je tiens ma musique à l’écart de ma vie."
"Dans l’industrie musicale, la qualité pose problème"
La musique n’est d’ailleurs plus la seule activité artistique de Kristin Hersh. Après y avoir été longtemps encouragée par ses fans, elle s’apprête à publier son deuxième livre (après Toby Snax, un livre pour enfants qu’elle a écrit et illustré pour ses propres fils avant de le mettre en vente sur son site).
Intitulé Paradoxical Undressing, il s’inspire du journal qu’elle tenait lors des débuts de Throwing Muses. Le manuscrit semble avoir suscité un certain enthousiasme chez les agents littéraires et les éditeurs, à la grande surprise de l’auteur elle-même.
"Dans l’industrie musicale, explique-t-elle, si ce que vous faites est bon, ils considèrent ça comme un problème et ils vous demandent de l’abêtir. Dans l’édition, ils sont heureux quand vous leur proposez quelque chose de bon ! C’est très rafraîchissant."
"Mais cela prend du temps. J’ai choisi un éditeur pour le Royaume-Uni, mais pas encore pour les USA. Je ne pense pas que le livre paraîtra avant 2010."
(Photos : jediroller)
Interviews - 21.01.2009 par
Quinquagénaire depuis quelques mois, l’ex-chanteuse des Throwing Muses prend le temps de s’arrêter pour faire le point et dévoile Wyatt At The Coyote Palace, oeuvre gargantuesque puisqu’elle prend la forme d’un livre appuyé par un double album.
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