Alors qu’on vous parlait de Fennesz il y a quelques jours encore à propos de sa nouvelle collaboration en cours avec David Sylvian, voilà que débarque sans crier gare un quatrième album de l’autrichien, disponible en CD dès le 9 décembre et en vinyle depuis lundi toujours via le label anglais Touch. Que les amateurs de son vintage soient prudents néanmoins, l’édition vinyle contient seulement six des huit morceaux présentés par la version CD.
Qu’il soit dissonant et torturé - comme sur son premier opus Hotel Paral.lel (1997), parfois impressionnant mais trop souvent poussif - ou plus mélodique et contemplatif - une direction qui prenait le dessus sur l’extraordinaire Venice (2004) où le bidouilleur viennois allait même jusqu’à ménager un écrin vocal au relief escarpé à son ami Sylvian avec le merveilleux Transit - l’univers aussi abrasif que vaporeux de Fennesz, construit aussi bien sur les fondations élevées par Brian Eno ou Labradford que sur l’héritage de Flying Saucer Attack et My Bloody Valentine (ses influences avouées allant par ailleurs de l’indus aux Beach Boys), est fait de murs de drones crépitants, empilements instables de textures entrelacées à la fois denses et fragiles créés simplement avec des guitares, un ordinateur, un clavier ici ou là et surtout beaucoup de talent. Une sorte d’ambient noisy pour faire court, à l’atmosphère hautement mélancolique et parfois un peu hantée, et dont le fascinant pouvoir d’abstraction ne cesse lui-même d’influencer l’électronica, la folk et même la pop d’aujourd’hui, de Stars Of The Lid à Benoît Pioulard en passant par Tim Hecker, Múm ou Dntel.
Black Sea (voir le tracklisting), premier album en solo du musicien en plus de quatre ans (seul Glide a bénéficié d’un apport extérieur, enregistré à Paris avec Rosy Parlane, ancien batteur et claviériste du trio rock avant-gardiste néo-zélandais Thela, avant d’être remodelé par Fennesz), ne déroge pas à la règle, synthétisant de manière à la fois plus spacieuse et plus dense encore qu’à l’accoutumée le bruit blanc paradoxalement mélodique et vibrant d’ Endless Summer, l’impressionnisme frémissant de Cendre (son superbe album en collaboration avec Sakamoto paru l’an dernier) et les abysses soniques parsemées d’éclaircies presque "pop" de Venice (jusqu’à en retrouver les apparitions étonnamment limpides de guitares à l’état naturel sur Perfume For Winter ou Grey Scale). Un nouvelle réussite à découvrir en musique ici-même et dès maintenant avec Saffron Revolution, morceau de clôture proposé en single digital depuis fin octobre :
L’artwork de couverture enfin, superbe photographie d’un paysage vague et dépouillé (différente pour l’édition vinyle comme vous pouvez le voir ici), rappellera aux amateurs ceux d’ Endless Summer et Cendre, également signés Jon Wozencroft, le graphiste fondateur du label Touch.
Myspace : www.myspace.com/fennesz