Maison Neuve - Victor, Victor
Depuis quelques années déjà, on a pris la fâcheuse habitude d’accorder une attention particulière aux perdants du concours CQFD organisé par les Inrocks. L’année dernière on a ainsi pu découvrir François Virot, qui sort ces jours-ci un excellent deuxième album, niché au milieu d’une compilation sans grand intérêt. En 2004, ce sont les inoubliables Rhesus qui remportaient le concours en émergeant d’une sélection déjà aussi stéréotypée qu’une promo Star Academy. Mais cette année-là, notre perdant magnifique se nommait Maison Neuve et prouvait qu’en France, il existait des groupes qui avaient des références parfaites à défaut d’avoir les clés du succès.
1. Victor
2. Love Favela
3. New Rap Conversation
4. Swedish Bands in Vintage Shoes
5. Au Large de la Ville
6. I Read You Count
7. Your Church
Deux ans plus tard, on retrouvera Maison Neuve emmené par Guillaume Faure, pour un épatant split album avec Lispector intitulé Young, Wild & Lonely, partie de ping pong électro-pop qui faisait tomber un à un tous les complexes d’une scène française par rapport à son alter ego anglo-saxon. Depuis ce premier coup de maître, le groupe a étoffé sa formule scénique avec les arrivées de Benoît à la guitare et aux claviers et T.T. à la batterie.
Pour patienter en attendant un prochain album prévu pour le début de l’année prochaine, Maison Neuve publie en édition limitée à 300 exemplaires un mini-album regroupant 7 titres qu’on a pu découvrir depuis deux ans sur la page myspace du groupe.
Victor, Victor concrétise sur disque le virage électrique entrepris par le trio, capable de délivrer des prestations live d’une rare intensité. Quiconque assiste à un concert de Maison Neuve en ressort en général avec l’impression de tenir là l’un des meilleurs groupes de rock de l’hexagone. Un groupe au charisme fascinant, loin des clichés rock’n’roll habituels, capable d’évoquer l’espace d’un instant ces groupes cultes et obscurs dont on ne connait l’existence que par le biais d’articles enflammés de rock critics ayant perdu soudain toute objectivité mais persuadés de détenir un trésor caché. Maison Neuve est le descendant des Feelies, Beat Happening, Modern Lovers ou Young Marble Giants, ces combos cantonnés aux salles de concert décrépies et laissés sur le bord de la route par l’histoire car pas assez glamour et dénués de toute vision carriériste, mais aussi trop singuliers et isolés pour faire naître un quelconque mouvement.
Les disques de Maison Neuve sortent sur Sauvage Records. Et seuls les disques de Maison Neuve sortent sur Sauvage Records. La chanson Victor qui ouvre l’album a été inspirée par l’Enfant Sauvage de l’Aveyron qui a vécu seul dans la forêt entre l’âge de 5 et 12 ans à la fin du XVIIIème siècle. Originaire de Rodez, Guillaume Faure en a tiré une formidable chanson tendue et hypnotique, pièce maîtresse du disque, enregistrée en deux prises et 15 minutes par un seul micro posé au centre de la chambre du batteur. Le genre de chanson fulgurante dont l’essence ne pouvait se capter que live, sans artifice, celle qu’on écrit d’habitude qu’une fois dans sa vie. Sauf que des chansons comme ça, Maison Neuve en a casé sept sur ce mini-album, toutes répandant la même intensité dramatique.
Love Favela est ce genre de chanson à la simplicité biblique, portée par une boîte à rythme archaïque et un motif mélodique joué aux claviers dont l’alchimie tient du miracle. Cette même alchimie qui fait tenir debout les miniatures pop d’un groupe comme The Magnetic Fields. New Rap Conversation offre une relecture bruitiste d’une chanson de Lispector où batterie métronomique, orgue gargantuesque et guitares rageuses se télescopent violemment. Plus loin on jurerait que Moe Tucker officie debout derrière les fûts de Swedish Bands In Vintage Shoes sur lequel plane inévitablement l’ombre tutélaire du Velvet Underground. Maison Neuve a ainsi le don de se réapproprier avec un talent rare et de manière personnelle les dogmes du rock moderne pour se créer son propre univers. Au Large De La Ville organise ainsi la rencontre improbable du Dominique A de La Fossette avec les guitares rigides des premiers New Order. I Read, You Count est, quant à elle, peut-être la chanson qui retranscrit sur disque le plus fidèlement les prestations scéniques fiévreuses du groupe tandis que le glacial Your Church clôt l’album dans une austérité et une intransigeance toute janséniste dont on ne retrouve la trace que chez des groupes américains comme Low ou Smog.
En moins d’une petite demi-heure, Maison Neuve vient nous prouver qu’il est un formidable groupe. Vivant, crucial et indispensable. CQFD.
Il n’y aura même pas eu besoin de faire appel aux déménageurs de l’extrême. La formation Maison Neuve faisait pourtant partie des fondations du label Sauvage Records, mais ainsi va la vie, déménagement direction les rives de la Garonne, chez Talitres pour la sortie du nouvel album intitulé Joan. On imagine donc que tant qu’à changer, autant voir (...)
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