En 1990, nous nous agitions tous bêtement sur le rythme syncopé de "The only one I know" et ce n’était pas nécessairement uniquement à cause de la musique. Pour nombre d’entre nous, au beau milieu de la vague "Madchester" et des folles ambiances acidifiées issues de la Factory, ce choc auditif venu de la rencontre improbable des dancefloors avec l’esprit du Swinging London des sixties était une vraie révélation et la découverte de l’esprit indépendant tel que nous le connaissons tous bien aujourd’hui.

Aujourd’hui, justement, c’est 2008. Et si la plupart des groupes issus de la mouvance de 1990 ont bel et bien sombré aujourd’hui, que ce soit par abus total de substances illicites (Stone Roses, Happy Mondays), par folie pure (The La’s) ou par épuisement du filon (Inspiral Carpets, Ocean Colour Scene), il en est un qui a su traverser toutes ces années et garder un statut de quasi-superstars du rock outre-Manche mais, bien entendu, est passé complètement inaperçu en France : les Charlatans.

Car il faut bien le savoir, un peu partout en Europe, les Charlatans jouent depuis vingt ans dans des salles combles. Bien sûr, pas tellement chez nous. On s’en étonnera si peu. Et il faut bien savoir que si les Chemical Brothers, amis de toujours (voir leur superbe EP Chemical Brothers vs Charlatans) ont bien cartonné par ici et un peu partout, c’est aussi grâce à eux (leur premier album a été lancé en partie sur la crédibilité de Tim Burgess, chanteur des Charlatans). Enfin bref. Ce background passé, que reste-t-il en 2008 ?

Après des hauts (premier album en 1990, 2ème disque largement sous-estimé produit par Flood en 1991, retour en fanfare dès le 3ème, puis disque éponyme très rock’n roll et très bon par la suite), et des bas malheureux (décès accidentel de l’organiste Rob Collins, un des fondateurs du groupe en 1996, puis quelques albums de bonne facture mais peu originaux dans les années 2000), on n’attendait pas nécessairement le groupe en haut de la vague cette année, et pourtant...

Revenus dans le giron du rock indé après leur signature chez Cooking Vinyl, le groupe signe ici un grand disque de rock contemporain, à l’ambition et au son enfin dignes d’eux. On songe après écoute à un " Technique " de leurs collègues New Order, duquel on aurait ôté toute velléité synthétique ou eighties, comme sur l’excellentissime "The Misbegotten" qu’on croirait vraiment entonné par Bernard Sumner et ses complices. On retrouve cette verve dans quasi toutes les rythmiques du disque, d’une simplicité et d’une puissance évidente (l’ouverture de "Oh ! Vanity", single charlatanesque en diable, la basse de "A day for Letting Go", autre superbe clin d’oeil aux New Order, ou "This is The End", final éblouissant). Le chant de Tim Burgess est toujours aussi égal, ce type donne depuis vingt ans une impression de maîtrise incroyable sur disque (on ne peut pas toujours en dire autant sur scène...) et peut envoyer des textes rageurs et agressifs ("You Cross My Path") avec une nonchalance invraisemblable. On retrouve également des titres plus caractéristiques du groupe et portant leur patte évidente ("Bad Days", "Missing Beats (Of a Generation)", en particulier cet orgue omniprésent ("My name is despair") mais tout de même plus en retrait que d’habitude sur ce disque, malgré le fait que ce soit Tony Rogers, l’organiste, qui produise (comme quoi...). Entraînant, addictif, beau, voilà un disque qui va aller rejoindre leur inoubliable " Some Friendly " au panthéon de l’incomparable pop anglaise, mais dans un tout autre registre.

Photos issues du site officiel thecharlatans.net