KRM & KMRU - Otherness EP

1. Otherness
2. Others
3. Other

2024 - Phantom Limb

Sortie le : 4 décembre 2024

L’un dans l’Autre

Ils ne sont pas des soeurs jumelles nées sous le signe des gémeaux mais il faut avouer que Kevin Richard Martin (Zonal, The Bug, King Midas Sound) et Joseph Kamaru aka KMRU ont des sigles/diminutifs dangereusement proches au point qu’il est difficile de ne pas fourcher en prononçant le nom de cette collaboration entamée par l’Anglais et le Kenyan via l’album Disconnect, sorti il y a quelques mois chez Phantom Limb. Également auteur cet automne d’un joli forge aux soundscapes délicats d’ambient à synthés presque pastorale (les field recordings aidant), ce dernier, Berlinois d’adoption originaire de Nairobi et déjà croisé en tout juste 4 années d’(hyper)activité sur des collabs avec Seefeel et Aho Ssan chez Warp et Subtext (un bon aperçu de son intérêt pour des univers musicaux plus radicaux et contrastés), nous gratifie d’une trajectoire aussi fulgurante que sa musique est douce. On espérait donc beaucoup de cette rencontre avec l’abrasif Kev Martin, dont même les enregistrements les plus ambient, chez Room40 par exemple ou sur son propre label Intercranial, se caractérisent par des infrabasses imposantes et des textures nettement plus noisy et caverneuses.

Si Disconnect assurait plutôt bien l’équilibre auquel on pouvait s’attendre, usant joliment par ailleurs du spoken word du Kenyan, il sonnait encore un peu frileux peut-être pour vraiment nous emballer, comme si aucun des deux musiciens n’osait jamais tirer la couverture de peur de faire basculer ce fragile no man’s land dans un trop-plein de spleen éthéré d’un côté ou d’opacité hantée de l’autre. En cela, l’EP Otherness, toujours défendu par Phantom Limb, se révèle d’emblée plus audacieux, son morceau-titre aux basses lourdes façon jazz du côté obscur n’hésitant pas à s’aventurer en direction de la grisaille urbaine minimaliste er malaisante de King Midas Sound, le timbre de Joseph Kamaru et son traitement en échos répétés sur fond de percussions industrielles et de nappes grésillantes n’étant pas sans évoquer la prose de Roger Robinson sur le chef-d’oeuvre Solitude. Quant à Others, retour à l’ambient-techno et au dub léthargique pour le Britannique, il s’avère tout aussi inquiétant voire bouillonnant sous son apparence presque vaporeuse, à la fois massif et en apesanteur. Enfin, dans la continuité, Other nous happe avec son drone-ambient aux motifs hypnotiques, toujours crépusculaire sans être tout à fait plombé : une nouvelle forme d’équilibre entre les deux compères en somme mais dans le tiraillement mutuel plutôt que dans le consensus, la dystopie malaisante de KRM tempérée tant bien que mal par les velléités plus contemplatives de KMRU. Prometteur !


( RabbitInYourHeadlights )


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