IRM Expr6ss #5 - Einstürzende Neubauten, Chantal Acda & The Atlantic Drifters, Elysian Fields, And Also The Trees, Loma, Kim Gordon
Une sélection "pop/rock" pour changer, mais pas du rock à papa ni de la pop vouée aux "tendances" du moment, lesquelles pour la plupart ont surtout tendance à nous laisser froids comme le genre d’hédonisme nostalgique et mal réchauffé qu’elles entendent bien souvent resservir jusqu’à plus soif. Vous l’aurez compris en lisant les noms des 6 valeurs sûres mises en avant dans ce 5e IRM Expr6ss hebdo, aucune découverte à se mettre sous la dent cette fois mais de beaux disques, tout simplement, dans un univers qui depuis quelques années a tristement tendance à en manquer.
Einstürzende Neubauten - Rampen (apm : alien pop music) (Potomak, 5/04)
Évidemment on ne présente plus les Allemands, pionniers du rock bruitiste à tendance industrielle dans les années 80. 14e opus en 45 ans de carrière pour la bande à Blixa Bargeld, également cofondateur des Bad Seeds de Nick Cave qu’il a quittés il y a une vingtaine d’années (les mauvaises langues diront au choix qu’il a eu le nez creux ou que la suite s’en est ressentie), Rampen continue sur la lancée hybride du très accessible Alles in Allem pour incarner cette "alien pop music" promise par le sous-titre, passant de morceaux tendus et habités (Aus den Zeiten, Wie lange noch ? et son rock tribal teinté d’électronique, ou cet Es könnte sein aux petits faux-airs de Swans) et autres pures tranches de noise mécanique et déglinguée (Ist Ist, Besser Isses, Ick wees nich) à des hymnes lyriques et aériens (le très Spiritualized-esque Pestalozzi, l’acoustique Trilobiten), des chorales ambient (Tar & Feathers) ou encore des comptines bricolées recyclant leurs gimmicks indus en mode orchestral/crayola (Before I Go, Isso Isso, Planet Umbra). Un groupe décidément toujours vert, même s’il préfère le jaune... et surtout ambitieux et inventif comme jamais !
Chantal Acda & The Atlantic Drifters - Silently Held (Challenge Records, 3/05)
Ancienne reine de l’ambient vocale avec Sleepingdog, univers qu’elle avait ensuite troqué pour une pop acoustique bucolique aux arrangements crève-coeur (cf. le désarmant The Sparkle In Our Flaws) parfois jouée live dans le plus simple appareil d’une voix accompagnée à la guitare en bois, Chantal Acda a multiplié depuis les projets transverses (de PŪWAWAU, avec ses orchestrations de musique "savante", au piano/chant néoclassique de A Closer Distance en compagnie de l’Italien Bruno Bavota), et c’est encore une fois le cas de ce Silently Held, mis en musique, outre son comparse de Distance, Light & Sky Eric Thielemans aux fûts, en étroite collaboration avec une dizaine d’instrumentistes libertaires parmi lesquels - excusez du peu ! - Shahzad Ismaily à la guitare acoustique et aux claviers/synthés, Bill Frisell à la gratte électrique et Colin Stetson au saxo. Ça sent le jazz me direz-vous et vous aurez raison, mais plutôt une pop ourlée de jazz disons, élégante et solaire, éprise de grands espaces et bien trop large pour l’étiquette "singer/songwriter", une réponse absolument imparable au chef-d’oeuvre de Beth Orton d’il y a deux ans, pour faire court.
Elysian Fields - What The Thunder Said (Ojet Records, 3/05)
Accompagnés à la section rythmique par les Français Matthieu Lopez du Delano Orchestra (basse) et Olivier Perez aka Garciaphone (batterie) ainsi que par quelques compagnons de route de longue date aux claviers notamment et autres arrangements, Jennifer Charles et Oren Bloedow nous rassurent après deux semi-déceptions, renouant avec l’excellence de Pink Air mais surtout les sonorités langoureuses aux atmosphères bien trempées de leurs premiers albums sur ce What The Thunder Said mélancolique et capiteux comme une tournée nocturne des bars de Brooklyn après une rupture mal digérée. On y sautille comme souvent d’une pop bluesy (Half Measures, Know Not Whorl ou encore le morceau-titre) à des sérénades au spleen aérien (Before the Crashing Waves), de pures tranches d’indie rock aux mélodies imparables (le merveilleux Must Have Meant) à des ambiances jazzy aux entournures (This World Is Just a World, Say You’re Sorry et bien sûr ce Strawberry Moon où s’invite un piano réminiscent de l’époque The Afterlife)... et mine de rien ça faisait un petit moment que la New-Yorkaise ne nous avait plus envoûtés à ce point.
And Also The Trees - Mother-of-pearl moon (AATT, 23/02)
Vétérans post-punk de la première vague du début des années 80 dont seuls subsistent du line-up originel le chanteur Simon Huw Jones et son frérot le guitariste Justin Jones, And Also The Trees a su ne pas s’enfermer dans les codes esthétiques d’un genre aujourd’hui devenu une caricature de lui-même. Ce 16e long-format en témoigne, on est non seulement toujours dans le haut du panier d’un rock clair-obscur aux atmosphères hallucinées, mais surtout les arrangements chamber-music désormais chers au groupe font plus que jamais merveille, prenant le dessus sur des rythmiques souvent même absentes pour habiller ces chansons diffusant une belle luminosité derrière leurs oripeaux fantasmagoriques voire écorchés. Un grand cru !
Loma - How Will I Live Without a Body ? (Sub Pop, 28/06)
Autrement plus intéressant que Shearwater depuis que ces derniers ont viré rock de stade (The Great Awakening en 2022 avait joliment relevé le niveau ceci dit), Loma c’est l’autre projet du Texan Jonathan Meiburg, en collaboration avec la paire Emily Cross/Dan Duszynski aka Cross Record. Un groupe assez constant dans l’excellence qui nous régale une fois de plus ici d’une pop à la fois baroque et éthérée maniant joliment le contraste entre acoustique de ballade (piano, guitare), accents trip-hop et/ou jazzy (cf. l’immense Pink Sky) et saillies plus intenses et rugueuses aux crescendos bien sentis (How It Starts, Broken Doorbell), le tout sublimé par le chant enivrant d’Emily.
Kim Gordon - The Collective (Matador, 8/03)
Enfin, on termine sur l’ex Sonic Youth, influenceuse influencée dont l’album s’immiscera probablement dans nombre de listes de fin d’année des publis plus ou moins indé aux curiosités sélectives. De notre côté, on a bien trop assidument écouté The Body et surtout le side project de Lee Buford, Sightless Pit, pour fantasmer une si grande originalité à The Collective, tout au plus un pendant plus démocratique et accessible (pop ? osons le mot) aux crossovers hip-hop/indus/noise névrotiques et sursaturés de Lockstep Bloodwar, l’un des chefs-d’oeuvre absolus de cette première moitié de décennie dont elle va même jusqu’à imiter les incursions autotunées sur Trophies ou Psychedelic Orgasm. En comparaison, ça manque d’audace et de profondeur texturée, on pourrait même aller jusqu’à dire que c’est assez inoffensif et dans l’air du temps avec ce côté slacker assumé déjouant tout véritable malaise (cf. I Don’t Miss My Mind, Tree House ou Dream Dollar), mais on n’en saluera pas moins l’appétit de l’Américaine pour des musiques transverses bien éloignées du noise rock canal historique de son défunt groupe et quelques morceaux aux contrastes stimulants et aux atmosphères vicieuses et viciées (Bye Bye, It’s Dark Inside, The Believers).
Einsturzende Neubauten sur IRM
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