En dépit du très sympathique Escape From Sweet Auburn avec le rappeur STS en 2022, on n’aurait pas forcément misé lourd sur un nouvel album solo de Ramble Jon Krohn en 2024 et pour cause : notre dernier véritable emballement pour l’ex producteur des irrésistibles Soul Position avec Blueprint, auteur en 2002 du génial Deadringer plus que jamais pierre angulaire de l’abstract moderne, remonte probablement à l’EP Tin Foil Hat il y a 15 ans déjà. Depuis, RJD2 a souvent donné dans la grandiloquence (The Colossus), la soul/funk un chouia racoleuse (Dame Fortune), et même si les drums de The Fun Ones en 2020 étaient dans l’ensemble un peu plus inspirés, ça n’était pas encore la panacée et on restait du côté d’un easy listening vaguement radiophonique plutôt qu’autre chose.

Autant dire donc que sans être un chef-d’oeuvre, le Visions Out Of Limelight qui nous occupe ici, toujours autoproduit par l’ancien pilier de feu Def Jux via sa structure RJ’s Electrical Connexions, est une bien belle surprise pour ceux qui avaient enterré le beatmaker depuis la fin des années 2000 : le sens du sampling lyrique au groove assassin et au dynamisme communicatif y fait d’entrée de jeu son grand retour (Cold Eggs), les scratches équilibristes et virtuoses également (en particulier sur le cosmique What I Do, Man), ainsi qu’une certaine inventivité retrouvée du côté des rythmiques (cf. Wild For The Night ou le très rétro/électrique A Real Screamer à la Edan de Beauty and the Beat). Quant aux morceaux chantés, si Fools At The Haul ne fait pas partie des grandes réussites du disque avec les vocalises trop haut perchées de l’habitué Jordan Brown et des harmonies un peu bancales, l’ex soulman de Warp Jamie Lidell fait merveille pour sa part sur l’onirique Through It All aux breakbeats syncopés à souhait, RJD2 lui-même ne déméritant pas au micro sur le très chouette et efficace Full Time Move, Jack.

Même quand l’album lève un peu le pied, ça reste à vrai dire très très cool, que ce soit en mode "vintage 70s Rocky Balboa meets David Axelrod" à l’image du downtempo Es El Nuevo Estilo à la ligne de basse superbement troussée, dans une veine plus jazzy et percussive presque à la Tortoise (Resting On The One) ou avec la féérie retrouvée des meilleurs moments de Since We Last Spoke (le petit bijou Asphalt Lamentations en guise de conclusion). Que du bonheur en définitive pour les fans de la première heure, qui évidemment n’avaient jamais vraiment cessé d’y croire.