Hasard du calendrier, deux vétérans du dark ambient et plus généralement des musiques expérimentales du côté obscur, toujours hyperactifs aujourd’hui et qui par ailleurs se connaissent bien pour avoir collaboré encore pas plus tard que l’an passé avec le premier opus de Loud As Giants (cf. #140 ici), sortaient fin mai de nouveaux albums : d’un côté Final, aka le Britannique Justin K. Broadrick (Godflesh, Jesu, Techno Animal etc), de l’autre le Belge Dirk Serries (Vidna Obmana), moins connu des aficionados de musiques extrêmes bien qu’auteur avec Steven Wilson/Bass Communion, dans les années 2000, de deux chefs-d’oeuvre absolus du drone doom sous le nom de Continuum.

Deux amis, deux albums aux artworks de grisaille abstraite non sans atomes crochus musicalement parlant avec leurs nappes denses et opaques aux lourdes vibrations basses et au hiss proéminent... mais au minimalisme finalement assez statique de What We Don’t See, qui ne restera pas dans les annales des plus grandes réussites de son auteur, répond chez Dirk Serries une dimension presque orchestrale aux poignantes harmonies élégiaques tantôt saturées (Blank Resurgence, ou le monumental Semblance), abîmées au cut-off (A Bitter Grace) ou gondolées par les années (Stretching Zero, At Future Dawn), ainsi que de véritables abîmes fantomatiques à l’image des limbes magnétiques du superbe The Sole Comportment.

Un disque enregistré en direct à la guitare électrique à effets et pourtant d’une richesse assez impressionnante dans ses motifs et ses textures, qui n’est pas sans évoquer par son instabilité et ses contrastes agités la fragilité de nos espoirs pour l’avenir face à la menace constante du chaos... autant dire que l’on tient là un vrai coup de coeur, et potentiellement l’un des sommets de ce premier trimestre pour les amateurs d’ambient.