Une chronique - même express - concernant un disque sorti il y a déjà près d’un an et demi ? Ce n’est pas courant dans une niche où il s’agit le plus souvent d’être à l’affût de la dernière sensation, et peu importe si celle-ci est aussi vite oubliée.

Ce n’est pas le cas de ce Broken Equipment, dernière sortie de Bodega, combo new-yorkais qui essuyait une chronique très mitigée chez les faiseurs de monde (et de monstres ?) de Pitchfork. Une raison suffisante pour s’y intéresser ? Et pourquoi pas, même si c’est plutôt à l’occasion des révisions précédant la prochaine édition de La Route du Rock que le charme a opéré.

Sur Broken Equipment, le groupe mené par le couple Ben Hozie et Nikki Belfiglio repousse les limites du post-punk et de l’art-rock, territoires auxquels les critiques ont eu tendance à le restreindre. Sur ce disque, l’impression de justesse frappe d’emblée. Les éléments, couches et détails soniques sont nombreux, mais il ne demeure jamais rien de superflu. Tout est à sa place, que la formation évolue dans un univers rappelant celui d’autres New-Yorkais, The Strokes (NYC (Disambiguation), Statuette On The Console, How Can I Help Ya), ou lorsqu’elle élargit le spectre.

D’emblée, pied au plancher avec Thrown, les Américains traversent l’Atlantique pour convoquer un hybride de Sleaford Mods et Franz Ferdinand assez addictif, avant d’élever encore le niveau avec le sommet Doers, ode inclassable où l’abrasivité de Rage Against The Machine est ressuscitée en y ajoutant un groove d’une efficacité redoutable. Cerise sur le gâteau, Bodega tourne en dérision la productivité calibrée de certains gros poissons comme les Daft Punk avec un "bitter, harder, fatter, stressed out" contondant.

Sans tout à fait atteindre les cimes de ce hit ultime - et comment leur en vouloir - les Américains poursuivent sur la même dynamique. L’album s’étend sur 45 minutes - et 13 titres - sans réel coup de mou, au cours desquelles le couple se partage les parties vocales, entre Zack De La Rocha et Ninja de The Go ! Team (C.I.R.P., Territorial Call of the Female), contribuant ainsi à relancer perpétuellement la dynamique.

Intelligent, inspiré, groovy, corrosif et aventureux, Broken Equipment est un grand disque dont nous ne nous lasserons pas de sitôt. Et tant pis si nous ne sommes pas les premiers à l’avoir découvert... et s’il a fallu que notre propre équipement soit détruit pour l’apprécier à sa juste valeur. Comme Bodega, IRM est plus que jamais en vie !