Ce Snake Magnet date de 2009. Soit vous connaissiez déjà et autant être franc, vous pouvez vous passer de lire ces quelques lignes et vaquer à vos occupations covidées (en l’écoutant pourquoi pas), soit vous ne connaissiez pas et vous pouvez vous passer de lire ce quelques lignes en cliquant immédiatement sur le lecteur judicieusement inséré en fin de chronique.
Les chroniques, plus personne ne les lit de toute façon et donc autant aller directement à l’essentiel : Snake Magnet, c’est comme Oxes (eux aussi joliment réédités il n’y a pas si longtemps) mais avec une voix pour souligner le fort potentiel psychopathe de cette musique désaxée. Snake Magnet, c’est du noise-rock schrödingerisé qui vient d’Angleterre malaxé par trois mancuniens qui avancent masqués (ou plutôt cellophanés). À l’époque, le CD était accompagné d’un DVD qui n’apportait pas grand chose de plus que la musique elle-même mais qui avait le mérite de plonger dans la psyché joliment allumée de ce triangle doux-dingue qui donnait l’impression d’avoir été tracé à main levée mais avec une règle. Pas d’images cette fois-ci mais toujours le même plaisir à s’immerger dans les méandres orthogonaux de ces neuf morceaux bourrus et l’occasion de se rendre compte que les affres du temps les ont préservés. Kong sonne toujours hors du temps à force de jouer avec lui.
La basse tapisse, la guitare lacère et la batterie matraque, ça, c’est pour le côté carré mais le chant,lui, n’en fait qu’à sa tête/ses têtes et c’est bien l’opposition entre ces deux bornes d’un même segment qui rend Snake Magnet, unique véritable album de la formation, estimable. D’autant plus que tout ça est exécuté d’une main de maître - la batterie est vraiment impressionnante - et qu’en maîtrisant ainsi sa matière, le trio peut bien faire ce qu’il veut. Insérer par exemple un instrumental vaguement synthétique (Good Graphics) au beau milieu de sa forêt d’angles ou terminer par le très long Long alors qu’une relative concision dominait jusqu’ici. Il y a quand même pas mal de poil à gratter dans le rigorisme tout insulaire de Kong et si le disque fonctionne si bien, c’est parce qu’il joue sur le contraste. Ce n’est ni une morne plaine mathématique ni un salmigondis ironique et si le disque menace de tomber exclusivement dans l’un, l’autre le ramène immédiatement vers lui. Au final, ça donne de très chouettes morceaux.

Certes, mais pourquoi une réédition ? D’une part, on est bien content de pouvoir scruter la pochette en grand et de voir le flux azimuté de Kong couché sur un chouette vinyle rose marbré (aujourd’hui épuisé, ne reste plus que la version or) et d’autre part, même si le trio n’a rien révolutionné, peu importe. Snake Magnet demeure pertinent, plus que jamais et on sait gré À Tant Rêver Du Roi de rappeler le groove désaxé du groupe à notre bon souvenir.
Ça pilonne autant (Leather Penny, Sport et plein d’autres) que ça joue avec le silence (Long), ça appuie sur une répétition maladive (Blood Of A Dove, Wet Your Knives) mais les morceaux aiment également abandonner leur structure en cours de route (le formidable Gwant) et ça bifurque pas mal tout en traçant une belle ligne droite. Tout à la fois pragmatique et foufou, Kong met sur pied un disque biscornu et accidenté jamais assommant. En recherche perpétuelle, magnifié par cette voix portant bien haut son altérité, Snake Magnet reste encore aujourd’hui extrêmement séduisant.
C’est que Kong est également très exploratoire (vous pouvez scruter ses « Extended Jams And Ideas » compilées sur trois volumes) et qu’il ne s’interdit rien : il y a toujours dans ses morceaux quelque chose d’inattendu que l’on n’avait pas vu venir (les longs cris de Leather Penny en ouverture, le final tout en tension rentrée de Wet Your Knives plus loin ou les circonvolutions vicieuses de Gwant par exemple), rendant sa matière incendiaire bien moins frontale qu’il n’y paraît de prime abord.
On finit toujours par y revenir à un moment ou un autre et on n’a pas fini d’y revenir.