Coddiwomple - The Walk And Other Stories
Premier album de Coddiwomple, The Walk And Other Stories arpente un relief fracturé, complètement pelé mais très prenant. Beau disque.
1. Pumpkin Head
2. Response
3. The Walk
4. The Plan
5. Word
6. Whisper
7. The Boat
8. Memories
9. Frau Wilke
Coddiwomple, soit « to travel in a purposeful manner towards a vague destination » en Anglais argotique. Une définition oxymore qui correspond pile-poil à The Walk And Other Stories, premier album très onirique de ce trio qui se balade avec beaucoup de détermination sur des chemins on ne peut plus vagues. Une impression de flou notamment due à l’absence de batterie ou autres artefacts percussifs qui permettraient de baliser les neuf morceaux qui agrafent uniquement une voix à deux guitares.
Pas n’importe quelle voix et pas n’importe quelles guitares néanmoins. Derrière le micro, G.W. Sok qu’on ne présente plus. Derrière les guitares, Nicolas Lafourest et Olivier Mellano qu’on ne présentera pas beaucoup plus. On comprend aisément pourquoi il n’est nul besoin d’avoir quoi que ce soit d’autre pour bâtir une musique qui coule comme le sable entre les doigts et frappe par sa superbe évidence. Déjà, écouter ces trois-là séparément est un voyage en soi mais quand ils sont ensemble, c’est encore autre chose. Le voyage devient épopée et on quitte très vite les verts pâturages pour quelque chose de plus intérieur qui s’adresse directement à la tête, aux tripes et au corps tout entier.
La promenade ne paie pas de mine de prime abord mais elle agit comme un poison lent et au bout du bout, elle hypnotise complètement. La voix expulse des mots qui claquent (inspirés du Suisse Robert Walser, auteur du roman qui donne son nom à l’album), on bute sur les refrains, sur quelques tirades répétées suffisamment pour qu’elles se calent dans le cortex et même si l’Ex varie sa scansion, bien plus qu’à l’accoutumée, il ne rompt jamais l’alchimie particulière qui nous relie à son timbre. Idem du côté des guitares. L’une pling, l’autre plong, la première exsude des riffs immédiatement reconnaissables quand la seconde charrie une freeture qui happe, les deux tricotent et détricotent, filent une dentelle tantôt disloquée, tantôt finement ouvragée et il se passe pas mal de choses dans l’arrière-plan. Alors ça peut paraître tout pelé dit comme ça mais l’ensemble se révèle foisonnant. Tout se joue dans les variations d’intensité, dans les amalgames variés qu’offre le triangle très resserré - la voix vs. les guitares, la voix acoquinée à une guitare vs. l’autre guitare, les trois ensemble - et le disque est très loin d’être une morne plaine.
Pourtant, ça commence aride via Pumpkin Head, morceau prototypique : la voix très déclamatoire suit le chemin ténu balisé par les deux guitares. Quelques ornementations chiches fournissent un peu de chair à l’écorché mais c’est tout de même très économe. Ça pouvait être ennuyeux et ça ne l’est carrément pas. Ça happe. Le suivant, le merveilleux Response, prend le contre-pied du premier en mettant en avant une redoutable tension. La voix se presse, les guitares aussi, elles débordent dans l’abrasion puis le morceau s’interrompt avant de reprendre de plus belle, les mots cette fois-ci au second plan puisque concernant ce trio, tout le monde à des choses à dire, les six cordes comme les vocales. Deux titres d’ouverture qui permettent à Coddiwomple de délimiter le segment sur lequel se déplaceront tous les suivants, parfois proches de la borne apaisée (The Plan, The Boat, Frau Wilke) ou bloqués au contraire sur l’extrémité urgente (Word, Whisper) voire pile entre les deux (The Walk, Memories).
Derrière l’apparente simplicité de la formule se cache en fait un objet métamorphe et qui accroche dans toutes ses dimensions. Bien sûr, on suivrait G.W. Sok n’importe où et il en va de même pour Nicolas Lafourest (auteur d’un magnifique Ma Walki il y a quelques mois sous son avatar Forêt) et Olivier Mellano mais chacun exacerbe l’apport des deux autres. Du coup, lorsque ces trois là s’enferment dans la même pièce, ça ne peut aboutir qu’à des choses qui explosent élégamment en gerbes mordorées ou filent une étoffe animée d’une vie propre, qui plus est lorsque le tout est capté par Nicolas Dick. Et pas grand chose qui renvoie particulièrement à ce que l’on connait des uns ou des autres : Coddiwomple a une identité propre (que l’on rapprocherait presque d’un Enablers), parcourue d’accents certes familiers mais mis en valeur un peu différemment qu’à l’habitude et ça donne de superbes morceaux, à l’instar de ce Whisper au murmure plein de coffre ou The Walk qui enferme irrémédiablement dans son errance même s’il faudrait les citer tous.
Beaucoup de liberté, de l’intensité à revendre, l’implication totale de chacun, une grande économie qui suggère beaucoup et l’élégance maousse font tout simplement de The Walk And Other Stories un incontournable.
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