Imposition Man - s/t
Partagé entre Allemagne et Autriche, le trio Imposition Man établit un shunt temporel entre 1982 et 2019 et montre qu’hier, c’était déjà aujourd’hui.
1. Fill A Void
2. No Exile
3. Scupper
4. Plate
5. Crawler I
6. Glittering Joy
7. Sysi
8. Crawler II
9. Promise of Salvation
Nouvelle sortie estampillée Cut Surface, le premier album d’Imposition Man - un groupe partagé entre Berlin et Graz (en Autriche) dont je ne sais à peu près rien - reste fidèle au credo du label autrichien : du très bon. Navigant sous les eaux lourdes du post-punk, l’éponyme emprunte un Gulf Stream synth-punk et déviant qui le réchauffe un peu et l’arrache des abysses froides en le propulsant droit devant. Enfin plutôt droit derrière. Les claviers désespérés (et parfois très envahissants, comme sur l’ultime Promise Of Salvation mais ça n’arrive vraiment pas souvent), la batterie en plastique martiale, les lignes de basse suicidaires, la guitare écorchée majoritairement maussade et le chant vindicatif ramènent à un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, ressuscitant le vert glauque maronnasse, le punk d’après le punk tendance oscillations disloquées et tout un contexte socio-politique durant lequel le mur de Berlin était encore debout.
La musique d’Imposition Man a donc quelque chose de morose et d’inquiet. Elle a aussi quelque chose de très accrocheur qui séduit immédiatement. C’est que l’album file vite : les morceaux dépassent rarement les deux minutes et si jamais ils s’éternisent, le trio décide de toute façon de les achever brutalement (la fin brusque de Plate) voire de les couper en deux (Crawler I et II). Ils renferment également une forme d’évidence mélodique tout à la fois rageuse et patraque qui a tôt fait de nous enfermer dans ses filets. Pour le reste, le florilège d’ondes congelées, les lignes de basse maousses ou la guitare ténue savent très bien s’y prendre pour flinguer les degrés excédentaires et fortement tamiser la lumière. Pas franchement taillé pour la gaudriole mais pas non plus drastiquement désespéré donc.
Alors bien sûr, c’est très connoté mais le côté racé et l’énergie déployée finissent par emporter la mise : du carillon renfrogné de l’introductif Fill A Void aux nappes cold de No Exile jusqu’au prototypique Sysi en passant par la minute strictement instrumentale de Scupper, on reste très accroché à l’éponyme qui réveille l’ancien, lui injecte une forme d’exaspération très contemporaine qui ressemble à s’y méprendre à celle d’alors. Ce qu’on veut dire par là, c’est qu’Imposition Man n’a rien d’un exercice de style et que leur colère réfléchie est toutefois loin d’être feinte. On sent bien que s’ils sonnent comme ça, ce n’est nullement pour rendre hommage mais bien parce que c’est comme ça qu’ils sonnent.
Sur le dossier de presse, les mystérieux Gö, Marxelot et T-Rex (qui s’est aussi occupé de l’enregistrement et du mixage) font une fixette sur 1982, invoquent les esprits d’Hüsker Dü, The Cure et Big Black et rejettent « the technological achievements of the past 40 years » et c’est vrai que ça s’entend. Le tout a été enregistré sur un antique 8 pistes à cassette et montre un goût prononcé pour l’évacuation de toute forme de fioriture, pour le moribond fuselé aussi, mais les morceaux sont néanmoins loin de ressembler à ceux des trois groupes précités. Imposition Man perpétue l’esprit certes mais a suffisamment de personnalité pour s’habiller avec ses propres frusques sans revêtir celles des autres (on les rapprochera en cela des High Quality Girls).
Bref, même si la pochette a tout d’un mausolée, ce deuxième album (le premier était sorti au format cassette, toujours chez Cut Surface) existe pour lui-même et montre au final beaucoup d’atouts : malin, conceptuel et porté par une poignée de morceaux tout simplement très bien foutus.
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