V13 - Zone De Silence
Sortie le : 18 novembre 2018
V13 chante en français et le fait bien. Son propos est majoritairement sombre et il y a beaucoup d’engagement derrière le micro. Le hic, c’est qu’immédiatement, le cortex convoque Noir Désir ou Virago et délave la singularité de V13 en l’enfermant dans des cases où il n’a clairement pas sa place. Ça peut être très con, un cerveau. On ne lui demande rien et il tisse des liens tout seul. D’autant plus qu’une écoute attentive montre bien que le groupe suit sa propre voie, lettrée certes mais bien crue aussi et que l’agaçante emphase perçue au départ n’est finalement pas du tout emphatique. C’est bien de l’engagement que l’on retrouve dans le chant et beaucoup de sincérité aussi.
Derrière la voix ou plutôt tout à côté, il y a la musique : bien sûr sombre et froide mais aussi véhémente. Comme un orage qui gronde perpétuellement mais n’éclate que par intermittence. C’est plein d’angles et de cassures, c’est plutôt fracturé et réfractaire à la lumière. Il y a donc aussi beaucoup d’engagement derrière les instruments et les morceaux sont très bien construits. La belle reprise de L’Hôtel Particulier de Gainsbourg ne sonne pas comme une reprise et prend toute sa place ici en s’intégrant parfaitement au propos général. Le hic, c’est qu’on se dit souvent que V13 gagnerait à n’être qu’instrumental. Mais en fait, on revient systématiquement sur cette idée : sans les textes, il manquerait indéniablement ici quelque chose de majeur. Tout est donc parfaitement à sa place et tout vibre avec intensité.
On retrouve certes les éléments mis sur pieds depuis Overlook Hotel (2009) puis poussés plus avant sur Traqueur (2012) si ce n’est que le groupe a encore gagné en homogénéité, en nuance aussi, rendant Zone De Silence particulièrement implacable. Du coup, les hics susmentionnés s’évaporent bien vite comme ça avait déjà été le cas concernant les albums précédents. V13 suit une voie qu’il est de plus en plus seul à suivre, celle d’un rock aux accointances noise qui a des choses à dire. Ce n’est ni un groupe engagé ni un groupe militant mais un groupe qui expulse ce qu’il a au fond du ventre et nous le communique parfaitement, rendant nos pensées parallèles aux siennes.
Du saisissant Remède inaugural au majestueux et long Dédale qui clôt le disque, les morceaux se succèdent d’une traite, ménagent des îlots de calme relatif (comme ceux qui hantent Figure De Proue, Carmélite ou Dédale par exemple) qui accentuent la tension de l’ensemble. Maîtrisant parfaitement sa dynamique, V13 dessine un parcours fracturé mais jamais chaotique qui nous fait passer de pics en abysses avec une facilité déconcertante. Une nouvelle fois, la sublime pochette (photographie de Manon Cornieux) dit tout : sur la table, on distingue de vieux outils mêlés à une cartouchière et un fusil. Elle convoque des temps reculés qui gardent leur force intacte. C’est une nature morte étonnamment vivante. À l’image d’un disque qui sous ses atours très ciselés et bien rangés se montre extrêmement vibrant.
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