30 impacts pour 2018 (2/2)
En 2018, un premier semestre d’itinérance m’aura éloigné de l’actualité musicale. C’est le jeu. De très bons disques ont probablement, plus que de raison, échappé à ma vigilance. Il est plus difficile de sortir des sentiers battus sur le plan musical lorsque l’on dispose moins de temps pour s’adonner à cet exercice.
Poursuite donc de ce top avec les quinze albums les plus marquants d’une année durant laquelle mon temps d’écoute aura été monopolisé par des artistes féminines ultra-présentes aux cinq premières places.
15. Tangent – Approaching Complexity
Entre ambient, néoclassique et électro-acoustique, les séquences sonores déclinées par le duo néerlandais ont beau être minimalistes, elles sont imprégnées d’un élan de vie sulfureux. Sans jamais emprunter l’écueil de la quête de performance, Tangent plonge l’auditeur dans des sphères labyrinthiques complexes mais chargées d’émotions.
14. Eels – The Deconstruction
Que Mark Oliver Everett est pénible... Même quand il vient gâcher avec quelques titres soporifiques un disque qui aurait pu (et dû) être un chef-d’oeuvre supplémentaire, il se montre suffisamment génial sur les grands moments pour rendre l’ensemble indispensable. The Deconstruction est un disque schizophrénique sur lequel E avance au petit trot lorsqu’il s’agit de composer des ballades maintes fois entendues. Il est en revanche en forme olympique sur les morceaux plus puissants. L’excellence inachevée, en somme.
13. Leonis – Europa
Adepte de collages et de musique concrète, Leonis ouvre sa musique aux quatre vents sur Europa. Les beats entourent d’efficaces samples retouchés par le Français pour décupler une puissance mélodique et un second degré légèrement désabusé. Ce "hip-hop triste", comme le décrit son auteur, constitue un emballant patchwork à tiroirs recourant quasi-constamment au contre-pied.
12. Komparce – Subjective Molecules
Co-fondateurs du label Chez.Kito.Kat, Christophe Biache et Samuel Ricciuti font table rase du passé et vont de l’avant. Les expérimentations analogiques de Zerlegzen sont habilement digérées et c’est dans avec une IDM plasmique plus Warpienne que ceux-ci s’illustrent à l’occasion d’un Subjective Molecules instrumental et rythmé par des beats circulant autour de nappes planantes tutoyant toutefois des sonorités industrielles.
11. Laish – Time Elastic
Dans la lignée du génial Pendulum Swing, Laish offre au label Talitres sa plus belle sortie de l’année avec Time Elastic. Un recueil de titres à guitares mélancoliques à même de faire chavirer les cœurs de pierre, dans la lignée de songwriters du calibre de Matt Berninger ou Stuart Staples. Enivrant.
10. Moby – Everything Was Beautiful And Nothing Hurt
Moby était encore digne d’intérêt en 2018, et il ne s’agit pas d’une blague. Ces dernières années, l’Américain avait aligné quelques projets mineurs allant de plages instrumentales accompagnant la pratique du yoga au rock électrique de Moby & The Void Pacific Choir. En amont, ce sont les anecdotiques Destroyed et Innocents qu’il avait composés, si bien qu’il fallait remonter à 2009 et Wait For Me pour trouver un album emballant concocté par Richard Melville. Second (voire troisième ou même davantage...) souffle ou chant du cygne, Everything Was Beautiful And Nothing Hurt est en tout cas à la hauteur de ce que l’on peut attendre d’un disque de Moby, planant, rassurant et ambitieux, même s’il recourt à quelques-uns de ces tics qui permettent aussitôt d’identifier sa patte.
9. Farai – Rebirth
Ovni de l’année, la Londonienne vient bousculer chaque auditeur dans son confort avec la rage de ceux qui connaissent les fins de mois difficiles, propos qu’elle assène directement à Theresa May sur un This Is England dépouillé et hallucinatoire. L’électro-punk de Farai lorgne sur un hip-hop minimaliste profondément dérangeant et inspiré.
8. Shoefiti – Fill The Silence With Your Desires
Raccourci en raison de la chute d’un arbre sur la ligne électrique alimentant la ferme normande où le combo parisien l’enregistrait, Fill The Silence With Your Desires n’en est pas moins une oeuvre aboutie et cohérente, appréciant les écarts sans jamais rien perdre de l’ambition et la fougue caractérisant ce rock à guitares sanglantes. L’une des rares sorties jouissives de l’année dans un genre sous respiration artificielle.
7. Unsung – An Interior History
Annoncé par un trailer reprenant le No Surprises de Radiohead et balisé par la voix du robot de Macintosh à l’honneur sur Fitter Happier, An Interior History semble multiplier les clins-d’œil à Ok Computer. Mais point de guitares désespérées ici, et c’est un abstract hip-hop transcendant et décadent que Steven Miller propose sur ce disque qui partage néanmoins avec la pierre angulaire du quintet d’Oxford un mélange de fascination et de crainte à l’égard de machines omniprésentes. Addictif.
6. Robin Foster – PenInsular II - The Bridge
Avec le recul, Empyrean constituait peut-être la première (légère) baisse de régime de la discographie de Robin Foster. Alors le Breton d’adoption est revenu à ce qu’il maîtrise le mieux, à savoir la composition d’ambiances mélancoliques à la fois lénifiantes et vivifiantes. Le Britannique distille donc un post-rock mâtiné de synthétisme inspiré pour la seconde fois par quelques-uns des paysages de Camaret, sur la Presqu’Île de Crozon où il a posé ses valises. Toujours dans la même veine, sans surprendre outre-mesure, Robin Foster rassure et inspire. C’est déjà beaucoup.
5. LUMP – s/t
Après un concert de Neil Young en 2016, Laura Marling a été présentée à Mike Lindsay. Remercions la personne à l’origine de cette rencontre préalable à la formation du projet LUMP dont le premier disque associe les fulgurances vocales de l’Anglaise aux textures synthétiques à la fois glaciales et colorées concoctées par le fondateur de Tunng, l’ensemble étant soutenu par des arrangements aussi imparables qu’élégants. Indispensable.
4. Ex:Re – s/t
Centre de gravité de Daughter, Elena Tonra ne s’offre pas avec Ex:Re une récréation solitaire mais propose plutôt le disque le plus emballant auquel elle ait participé. Seule à bord, la Londonienne a tout le loisir de composer une pop-folk synthétique pulsatoire et hantée aux mélodies ravageuses dans la plus pure tradition des travaux réalisés par les pionniers de 4AD.
3. Beach House - 7
Certes, l’ensemble est parfois sucré. Mais à l’image d’un Lemon Glow, Beach House réussit avec ce 7 ce qui est probablement le plus digne descendant du Air des débuts. Les claviers se superposent, créant des entrelacs que le duo de Baltimore parvient toujours à faire évoluer. Propice aux rêveries et légèrement acidulé, l’univers de Beach House n’en est pas moins exigeant et ambitieux.
2. Emilie Zoé – The Very Start
Désormais assistée d’un batteur, la Suissesse muscle son jeu à l’occasion d’un second album qui constitue d’après elle le véritable commencement du projet. Vous suivez ? Moins lunaire que le prometteur Dead-End Tape, The Very Start s’appuie essentiellement sur la batterie de Nicolas Pittet et le guitare-voix d’Emilie Zoé. Pourquoi ajouter davantage d’ingrédients quand les compositions sont à ce point solides et envoûtantes ? Sans pouvoir tout à fait l’expliquer, le charme opère et la fascination semble partagée, comme ce fut notamment le cas lors d’un concert rennais épique.
1. Courtney Barnett – Tell Me How You Really Feel
En raison d’un album plus poussif produit l’année précédente avec Kurt Vile, l’Australienne était attendue au tournant à l’occasion de son deuxième véritable album en solo. Elle contourne habilement un obstacle dont elle fait sa chose, alignant les tubes post-grunge à l’immédiateté frappante sans que l’accumulation des écoutes ne vienne jamais les éroder. C’est même tout l’inverse tant Tell Me How You Really Feel est un grower en puissance.
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