Mille Singes - Abîmés EP
Contrairement à certaines œuvres cinématographiques, ils n’ont pas totalement envahi la planète de Pierre Wilhelm mais ils sont au moins mille si l’on se réfère au pseudonyme qu’il a choisi pour signer un premier court format. Eux ? Ce sont les singes. Sont-ce eux qui, comme le titre de l’EP, sont Abîmés ? Ou est-ce la planète, l’auteur des compositions ou ceux qui les reçoivent ? Le mystère reste entier, même si la vérité se situe probablement au point de rencontre de toutes ces hypothèses.
1. Enfermez-Moi
2. Par La Fenêtre (Ceci N’Est Pas Une Chanson Sur Le Suicide)
3. Remodèle / Passage Joyeux
4. Célébrité
5. Comme Tout Le Monde
6. Mon Moi Pêle-Mêle
7. Comme Pour Chercher De L’Air
Si Mille Singes s’évertue à tracer son propre sillon, il reste difficile de se débarrasser de l’ombre de certaines influences. Ainsi, dès les premières mesures du Enfermez-Moi qui ouvre le disque, l’ombre de Xavier Plumas rôde autour de l’auditeur. Sans pour autant chercher à copier qui que ce soit, les disques du leader de Tue-Loup ont probablement usé quelques-unes des platines de Pierre Wilhelm tant les points communs s’accumulent dans le phrasé ou les constructions musicales alternant délicats arpèges à la guitare acoustique et montées en puissance électriques.
Passé ce premier titre, celui qui a enregistré ce premier EP chez lui à Saint-Mihiel prend un malin plaisir à (r)assurer son auditoire sur le fait qu’il n’évolue pas dans un domaine si plombé que pourrait le laisser présager cette impression première. Cela passe par quelques annotations sur le titre même de certaines chansons (Par La Fenêtre (Ceci N’Est Pas Une Chanson Sur Le Suicide) ou Remodèle / Passage Joyeux) mais également par le souci de faire évoluer des titres apparemment mélancoliques (Par La Fenêtre, donc) en leur adjoignant une rythmique plus soutenue conférant à l’ensemble un esprit de révolte affirmé.
Difficile de repérer une quelconque baisse de régime durant l’écoute de ce disque qui évoquera plus aisément des paysages industriels remplis de cheminées d’usines qu’une plage caribéenne, de la douce mélancolie d’un Célébrité évoquant le deuil de ses propres aptitudes (« tout ça pour regretter l’homme que tu as été ») à la noirceur d’un Comme Tout Le Monde où la même boucle menaçante parfois soutenue par un riff électrique discret vient accompagner une voix hypnotique et survoltée proche du spoken word.
A défaut de mille primates, Pierre Wilhelm a su s’entourer pour ce premier effort et l’érudit reconnaîtra sur le livret de ce disque la présence de musiciens ayant œuvré auprès de Chapelier Fou ou Orwell. Plombé sans être plombant, Abîmé permet à Mille Singes de poser les premiers jalons d’une identité musicale certaine, empruntant aussi bien au rock indépendant qu’à une pop lo-fi dans l’esprit des premiers travaux de Dominique A. Précieux et tellement juste dans le regard dressé sur les fonctionnements sociétaux actuels.
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