Le streaming du jour #1995 : Alexander Tucker - ’Don’t Look Away’

Entre angoisse cosmique et dissections existentielles, le Londonien Alexander Tucker, également peintre et dessinateur de comics à ses heures, décline les couches successives d’un écorché sur la pochette de ce nouvel album solo pour Thrill Jockey, comme pour mieux ancrer le surréalisme de ses folk songs psychédéliques et métissées dans la réalité d’une existence physique qui provoque chez lui autant de fascination que de mélancolie.

On connaît bien l’aspect ésotérique de ses compositions et labyrinthes soniques au sein d’Imbogodom voire même des plus pop mais tout aussi métamorphes Grumbling Fur. Ce mystère de notre présence ici bas est donc l’un des moteurs de la créativité du Britannique, qui semble également s’interroger désormais sur l’avenir de l’humanité, du clonage à l’intelligence artificielle (Sisters and Me). Surprise toutefois, l’album à l’image de ce morceau s’avère plus "traditionnel" dans l’ensemble, tant sur le plan des mélodies que sur celui des arrangements, que ses deux étranges prédécesseurs Dorwytch (2011) et Third Mouth (2012) dont il vient enfin clore la trilogie, et même lorsque des boîtes à rythmes narcotiques interfèrent doucement avec l’americana lancinante d’Objects ou les cordes élégiaques de Visiting Again, la dimension baroque que l’on connaît au musicien se fait plus discrète qu’à l’accoutumée.

Demeurent un soupçon de mantras oniriques (Yesterday’s Honey), un rituel boisé aux incantations hypnotiques (ISHUONAWAYISHANAWA), une drôle de comptine à trois temps au chant déclamé (Boys Names) et même quelques collages complètement drogués (le fantasmagorique Gloops Void) mais de l’instrumental Saddest Summer 2, méditation de fin d’été sous un soleil couchant, à celui, plus mystique et entêtant, que constitue un Citadel flirtant avec la folk dronesque de Daniel Bachman ou de James Blackshaw, en passant par les caressants Ghost On The Ledge et A to Z ou le fervent Behind the Shoulder, Don’t Look Away touche justement par sa sensibilité à échelle humaine et la chaleur qui s’en dégage, en particulier par le biais d’un chant nettement moins noyé sous les couches d’instrumentation et les effets.


Streaming du jour - 25.08.2018 par RabbitInYourHeadlights
... et plus si affinités ...
Alexander Tucker sur IRM