Février - s/t EP
Aride et tendu, le premier EP de Février et sa musique hirsute se ménagent sans peine un espace au creux de la boîte crânienne. Court peut-être mais intense surtout.
1. Rosa Celeste
2. Les Interdits
3. Everything But Jesus
4. Hate
Photographie (de Renan Péron) d’une ouverture rectangulaire sur une autre ouverture rectangulaire, la très belle pochette du premier Février résume parfaitement bien le propos d’un EP très sec allant du gris au noir puis au blanc. Une voix habitée (celle d’Emilie Pelletier), une guitare tout en nerfs qui ne l’est pas moins (Don Lurie) et des morceaux dont on semble avoir raclé la chair pour n’en garder que les os. Ils sont au nombre de quatre et cinglent quelque part aux frontières d’une folk hargneuse aux angles saillants à qui on a très envie d’accoler l’épithète noise. Une voix et une guitare donc mais pas mal de densité et d’intensité là-derrière et aussi beaucoup d’élégance, à l’image du mellotron (celui de Michel Le Faou échappé de The Enchanted Wood) qui vient rehausser l’écorché sur Les Interdits par exemple ou des discrètes touches de piano qui hantent Everything But Jesus. Très dépouillée, cette ossature pour le moins austère provoque quand même beaucoup et, avec trois fois rien, s’inscrit sans difficulté au creux de l’encéphale en venant se ranger tout près de la PJ Harvey épurée des premiers albums (dans les intonations de la voix) ou de quelques occurrences de la clique K Records (les Rennais citent volontiers Mecca Normal sur leur page bandcamp d’ailleurs).
Très aride, elle n’est pourtant pas linéaire à l’image des circonvolutions de la voix ou des variations d’intensité dans les attaques de la guitare. Du coup, ça file vite et ça imprime un caractère foncièrement urgent à l’ensemble. À peine s’est-on acclimaté à un morceau que le suivant happe également et l’on se retrouve bien vite au bout du bout de l’EP dont on ne regrette que la trop courte durée. D’autant plus que depuis, le groupe a muté et qu’un batteur (jouant debout sur un kit épuré - caisse claire, tom basse et une seule cymbale - comme il se doit) est venu gonfler les rangs du duo (Mat Cotton, déjà croisé chez You’ll Brynner ou Formica) mais qu’on ne l’entend pas sur cet éponyme. C’est qu’ils ont beau sortir aujourd’hui, ces titres - parfaitement captés et mixés (comme d’habitude) au studio Kerwax par Christophe Chavanon - sont plutôt anciens (le duo a débuté en février 2012, les morceaux qui nous intéressent ici datent de 2015) et l’on se doute qu’avec une batterie en plus, Février n’est certainement plus tout à fait le même et cela fait d’autant plus attendre impatiemment la suite.
Mais peu importe leur histoire, l’important c’est ce que provoque cette poignée de morceaux tout à la fois pelés et intenses, ténus et débordants, simples en apparence mais recherchés dans leur construction. Du Rosa Celeste inaugural au bien nommé Hate final, ils électrisent l’épiderme et on s’y sent irrémédiablement bien. On aime beaucoup leur urgence, leur opiniâtreté et leur façon d’agripper la sécheresse pour en tirer une forme de luxuriance, que ce soit dans les émotions convoquées ou dans l’exploration des diverses voies permettant de maintenir la tension intacte tout du long. Alors bien sûr, quatre morceaux c’est peu mais quand ils sont de cette trempe, on se dit que c’est suffisant pour inscrire Février dans l’empan des formations que l’on suivra de près désormais.
Une belle première salve.
"Plus c’est long plus c’est bon", voilà un aphorisme que l’on a choisi de bannir le temps de cet article et à l’écoute de ces 32 délicieuses miniatures de fin d’hiver plébiscitées avec quelques semaines de retard par notre rédaction, l’amour du court sur pattes mais vaste dans la tête, du concis qui dit tout en moins de 20 minutes et des claques en 5 ou 7 (...)
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