2017 dans l’oreillette - 30 EPs

Après mes 40 chansons de l’année, vous l’aurez compris, le fil conducteur de cette série de bilans perso sera celui de personnages ciné affublés de toutes sortes de dispositifs d’écoute auriculaires. En revanche, ne cherchez de connexion entre les différentes entrées de la présente sélection, cette collection d’EPs part ostensiblement dans toutes les directions, reflet comme à l’accoutumée de mes écoutes ouvertes aux quatre vents, avec tout de même une prédilection marquée, dans ce gabarit-là en particulier, pour le radical et l’expérimental.

Un volet qui s’adresse donc avant tout aux curieux, car quoi de mieux qu’un court format pour sortir de sa zone de confort et s’aventurer en territoires inconnus, en quête de passions nouvelles qu n’attendent que d’être déclenchées ?


- 30. LeVant - UnFinetude & Blypken - 0102 : Transcend || Transfigure

Chouchou de la rédaction que l’on retrouvera bientôt au générique de notre compil IRMxTP Part XIV, climax de notre projet Twin Peaks dédié à la Loge Noire et son étrange antichambre aux épais rideaux de velours rouge, George D. Stanciulescu avait les faveurs d’Elnorton en tout début d’année pour cet EP aux fascinantes déstructurations post-industrielles, déjà fortement lynchiennes aux entournures (Monad). Une électronica sans concession dont les marées synthétiques à la Blade Runner (Touch) et les incursions ouvertement fantasmagoriques mâtinées de dark techno (Drifter) participent d’une atmosphère dystopique à réserver aux oreilles avides de péripéties alambiquées.
Quant au premier EP de Blypken, nouveau projet du Roumain, sa "neurowave" parsemée d’éclats chill ou opératiques (voire même hip-hop) s’avère encore plus abstraite et difficile d’accès sur ces deux suites tachycardiaques et déconstruites, pleines de collages hallucinés et de troubles rythmiques qui laissent augurer du meilleur pour les amateurs de cauchemars éveillés.



- 29. Cut Chemist - Madman

Le turntablist de Jurassic 5 reviendra au hip-hop et aux multiples collaborations en mars prochain via Die Cut, 2e album en 12 ans introduit par le groovesque Work My Mind avec Chali 2na du crew jurassique au micro. En attendant, l’échantillonneur fou est finalement à son meilleur sur cet EP instrumental où les samples s’incorporent plus naturellement qu’à l’accoutumée à des compos mélangeuses à la croisée du techno-rock (Madman), d’une drum’n’bass baroque (Badlands) et d’un breakbeat azimuté (War in Pieces) qui n’auraient pas dépareillé chez Ninja Tune à la grande époque des Funki Porcini et autre Daedelus, culminant sur un Try Again enflammé aux élans stratosphériques dignes d’Alias ou Thavius Beck.



- 28. Tadash - Jachère / Rivals

Entre les ballades solitaires délicatement déglinguées de Rivals (que surplombent un Cocktail of Snakes assez lynchien qui préfigurait quelque peu cette superbe fantasmagorie offerte à notre compil Twin Peaks) et les déambulations hypnotiques de Jachère, mon cœur penche vers les secondes, de la cavalcade coldwave Control au post-punk contestataire incandescent et bipolaire d’A l’Envers en passant par les mantras lancinants de Private Sky et surtout le jouissif La Technique et ses truculentes interjections sur fond de basse et dissonances à la Pixies. C’est toutefois un bien beau diptyque, aussi cohérent dans l’esprit qu’éclaté musicalement, que propose ici le duo parisien, d’où ma difficulté à dissocier ces deux EPs, les seuls de ce bilan finalement à faire la part belle aux guitares.



- 27. Walter Gross & k-the-i ??? - Youth​ :​Kill - A Hunter’s Moon

Plus qu’un dernier album en date en roue libre et somme toute fameux dont il offrait une bien jolie continuation via le chaotique et rêveur Previously Parallel sur notre compil IRMxTP, c’est cette bizzarerie mise en musique par Walter Gross, habitué des expérimentations à la croisée du hip-hop instrumental et de la noise via le label I Had An Accident, que j’ai préféré du Californien k-the-i ??? cette année. Le rappeur abstractionniste s’en donne à cœur-joie sur cette résurrection du projet Youth:Kill des deux compères, maniant un verbe désincarné sur fond de boîtes à rythmes forcenées, de larsens spectraux, d’implosions saturées et autres déstructurations analogiques, une mixture qui culmine forcément sur les presque 11 minutes d’un Calm Down Psycho où s’invite OptimisGFN, comme un avant-goût de leur géniale collaboration classée une quinzaine de places plus haut.



- 26. dlght - Trappeur Amateur

On avait laissé le Parisien sur le chouette hommage aux 90s frenchie d’un Avec Plaisir chill, nostalgique et drogué, ce fut un bonheur de le retrouver en début d’année avec l’abstract scintillante et onirique à souhait de cette ode à l’hiver et à ses trekkings enneigés, qui sonnait finalement tout aussi bien 6 mois plus tard en tant que rafraîchissement estival tant les productions de dlght, plus chillesques ici que jamais, semblent recouvertes d’un glacis de distos synthétiques propres à faire baisser la température de la pièce d’une bonne dizaine de degrés. Saupoudré de samples post-modernes et de digressions pianistiques jazzy, Trappeur Amateur est comme son nom le laisse deviner bâti sur des beats trap et pourtant, délestés comme ils le sont de leur sueur urbaine, c’est plutôt au cloud rap que l’on pense, la tête dans les nuages et les pieds dans 20 centimètres de poudreuse !



- 25. Dodie Manta - Bayou Dodie

Le mystérieux producteur du label de Leo & Pipo phagocyte la tension urbaine de la trap versant crépusculaire à l’occasion de ce trip en pays Cajun, dans un bayou qui ressemble finalement plus à un décor post-apocalyptique de John Carpenter qu’à un marécage de Louisiane (Fromis par Milliers). Épurés et anguleux, les beats du musicien se superposent à des lignes synthétiques tout aussi minimales et rétrofuturistes, dont les blips tantôt baroques et ludiques (Tout Miser) ou anxiogènes et néo-gothiques (Make the Misere) n’hésitent pas à s’éloigner de l’abstract pour flirter avec l’IDM du label Warp des 90s (Un Deux, Un Dos) ou une acid house dystopique (What is worse is remaining in the ground). Définitivement un favori de la rédaction cette année.



- 24. Unsung - Possessions

Possessions tout comme 4 autres EPs de cette sélection avait eu les honneurs de notre top octobre auquel il apportait la touche d’Halloween qui va bien avec ses atmosphères gothiques et ses sombres histoires de psychoses et de malédictions. Flows pitchés (Cunabear sur Harvest Moon) et chœurs baroques aux allures d’invocations soutiennent des beats sépulcraux entre deux passages plus méditatifs typiques du Virginien (Possessions), et après l’alt-rap acoustique dont il est coutumier et le kaléidoscope d’instrus psyché de la beat tape Visual Art sortie plus tôt dans l’année, Steven Miller prouve qu’il a plus d’un sort dans son grimoire et mérite amplement sa place parmi nos artistes de l’année.



- 23. Zoën - Septembre

"Sur Septembre, le Tourangeau renoue avec ses racines hip-hop, mettant de côté ses influences chansonnières à la Daho pour se concentrer sur des instrus abstract dont l’élégance et la mélancolie se passent de mots, quelque part entre le DJ Shadow kaléidoscopique et mélodique de The Private Press et le Doctor Flake des débuts. Les sonorités acoustiques ont ainsi la part belle sur ces 7 morceaux aux beats aériens, du superbe Avuelo rappelant les grandes heures d’Alias chez Anticon dans la première moitié des 00s à la sérénade western d’un Rizz dont les vents, clavecin et chœurs féminins évoquent volontiers Morricone, en passant par Black Turtle et ses samples qui sentent bon la soul et le psychédélisme 60s ou le très planant Beautyfool. Quant au morceau-titre jazzy, seule incursion rappée au milieu de cette collection d’instrus aux incursions vocales uniquement échantillonnées, il parvient à s’intégrer à l’ensemble en teintant son propos engagé d’une nostalgie automnale plus délicate."


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- 22. aitänna77 - Dried Flowers II

Aux instrus cinématographiques plus lo-fi et distordus de l’onirique Any Place But Here et même aux vignettes du fameux Música Ligera dont l’abstract de library music tout aussi évocatrice et superbement épurée avait également trouvé un écho favorable dans nos pages sous la plume d’Elnorton, j’ai finalement préféré ce format court dont le producteur espagnol fait une ode à l’imaginaire et à la création électronique (le classique instantané Waveforms), usant de samples joliment baroques empruntés au psychédélisme 60s, au jazz et aux musiques de films sur fond de beats hip-hop à la fois plus marqués et plus travaillés (84 Years), entre fausse légèreté sous tension (Provided By, Dream Anyhow) et dramaturgie plus pesante voire plombée (Fortepiano, Sacro, Mingus). Un bijou.



- 21. Damien & Tenshun - DEcADe

Le patron du label I Had An Accident sifflera trois fois sur ce bilan avec autant de split EPs que partagent différents résidents de l’écurie d’outre-Atlantique désormais toute entière consacrée à l’abstract lo-fi et au hip-hop underground bricolo. Ici sur DEcADe, son drumming martial se fait plus mélodique quoique sous-tendu de drones aux saturations lancinantes. Quant à Tenshun, docteur es bruitisme, son Krylon Ultra Flat Black Mix aux 10 minutes crépitantes et chaotiques pleines de crissements synthétiques infuse cette joute d’une bonne dose de psychédélisme cauchemardé.




- 20. Kiasmos - Blurred

Là encore Elnorton en disait du bien par ici de ce successeur du déjà superbement gracile éponyme de 2014, en particulier pour son morceau-titre où l’alchimie est effectivement au meilleur entre le lyrisme mesuré du spleen pianistique d’Ólafur Arnalds et les crescendos house d’un Janus Rasmussen qui n’avait jamais frôlé d’aussi près la grâce synthétique d’un Pantha du Prince. L’ouverture onirique Shed et ses violons discrets au second plan, l’impressionniste Jarred aux mélodies électronica hachurées et le mélancolique Paused mené par les accords mineurs d’un piano délicat ne sont pas en reste et même les remix cristallins (dont un par Bonobo) maintiennent le niveau de ce bel EP à des cimes éthérées.



- 19. Daëz & Mitron Skovronski - L’Attaque des Baleines Cyborg

Sooolem, rappeur de N3O (l’excellent Ballades Humaines, c’était eux) et producteur récurrent de Monsieur Saï, s’est associé sous le nom de Mitron Skovronski à un certain Daëz pour accoucher sur le label manceau Soma Productions de ce mammifère marin plein de références au ciné d’anticipation, de chants cétacés, d’épopées des grands fonds (La baleinade des thons peureux), de jeux de mots (C’est tassé et son chill trip-hop de bas-de-laine boréal) et de lyrisme instrumental à la croisée de l’électronique (Harponniers fous) et d’un abstract hip-hop jazzy (Des pressions sur baleineau). De quoi mettre des images plein la tête aux fans de post-rock synthétique mélangeur à la Errors ou 65daysofstatic (L’armée des 12 baleines), avec pour point d’orgue un morceau-titre élégiaque tous scratches aquatiques dehors aux allures d’apocalypse océanique.



- 18. Seez Mics - WITH

Pas facile de passer derrière ce chef-d’œuvre et les productions organiques du génial beatboxer Max Bent, et pourtant le MC barbu de Washington DC ne démérite pas sur cette collections de beats alt-rap aux effluves jazzy/soul (Float Away, Until Then) signés Scott Kuzner (qui avait mixé le sus-nommé Cruel Fuel) et offerts chacun (à l’exception du mélancolique Saint Sinner final) à l’intervention de deux rappeurs invités. L’occasion de retrouver Ceschi et Esh (sur le même Torch entre onirisme planant et scratches enflammés), Adeem ou encore Uptown XO, des gens qui inspirent Seez Mics au quotidien et qui ont su intégrer leur flow à cet édifice fait de groove débonnaire à l’ancienne (Won’t You), de coolitude urbaine (Keep Your Cool) et de petites touches 90s enivrantes à la DJ Premier (Please Suscribe) sans trop tirer la couverture à eux.



- 17. The Dirty Sample - Tuesday Nights On Cardero

Couronnement d’une très belle année pour le label Hand’Solo Records, ce retour du producteur canadien que certains connaissent peut-être sous les pseudos Apeface ou Josh Mandrake fera plaisir aux aficionados d’Antipop Consortium (Bangar et ses hachures futuro-psyché, les sombres abstractions électro de Crow’s Nest), Cannibal Ox (Our Music et ses samples d’orchestre apocalyptique, le flow de Fatt Matt réminiscent de Vast Aire aidant), Buck65 (le bluesy Catch You Lying) ou du nerdisme cinématographique du crew fétiche de l’écurie de Toronto, Backburner (Fly, ou le final First Dark et son sample déstructuré de la BO des Persuaders). Associé à des MCs échappés de Port Authority (Fatt Matt, Chaka Boy, Hash Mills), Low Pressure (l’excellent Tachichi de Sipset dont je parlais ici et dont on aura l’occasion de reparler bientôt, Kaboom Atomic et les sus-mentionnés Fatt Matt et Chaka Boy) ou encore du plus obscur Wise Green Money (le Californien Lesk One, qu’on rêverait d’entendre chez Backburner justement), le beatmaker de Calgary fait merveille en ménageant sur les sommets de ce Tuesday Nights On Cardero suffisamment d’espace pour des refrains lyriques à coller le frisson (Buy Or Sell, Our Music, First Dark).



- 16. Matt Christensen - Dylan

On vous le disait , difficile de tout écouter de la production pléthorique du Chicagoan, pour autant cet étrange "hommage" à Dylan dont seuls le titre et la pochette évoquent véritablement le songwriter à la voix de canard est un immanquable du cru 2017 du leader de Zelienople, avec ses nappes de distos synthétiques louvoyant à mi-chemin de l’ambient stellaire d’un 36 et des rêveries rétro-futuristes de Boards of Canada.



- 15. Strangelove - EP 1

Le trio londonien dont ce 3e court format en 4 ans avait déjà finit second EP de l’été sera tout en haut de notre bilan hip-hop commun et personne ne nous en blâmera tant ces 5 vignettes emboîtées à la fois moelleuses et avant-gardistes incarnent à merveille le futur d’un hip-hop expérimental à la portée de toutes les oreilles. Entre atmosphères éthérées, presque ambient (les beats finissant même par se dissoudre sur le bien-nommé Time) et distorsions psyché, EP 1 s’avère aussi fureteur que romantique avec les étoiles en toile de fond, comme si Captain Murphy avait croisé la route des Digable Planets sous le regard bienveillant de Sun Ra.



- 14. Solipsism - Hypnagogo

"De la part d’un musicien qui nous avait plutôt habitués aux rêveries évanescentes d’un drone ésotérique ou d’une ambient cosmique, les quatre compos aux beats downtempo percutants de cet Hypnagogo impressionnent par leur puissance de frappe paradoxalement planante et détaillée, et leur maîtrise de l’espace dans le champ d’une électronica à la fois hypnotique, massive et onirique, quelque part entre IDM pour le glitchy Error Hash Mirror Mountain dont les affleurements de nappes distordues émergent de couches rythmiques aux emballements discrets, trip-hop pour Sea Dweller dont le beat syncopé se double de polyrythmies tout aussi subtiles, et dub techno le temps d’un Fast Rubber Taxis aux volutes évanescents finement cisaillés par des clicks & cuts entêtants. Mais le sommet de cet EP s’avère bien vite être son morceau-titre à la croisée des chemins, avis aux amateurs de Boards of Canada ou de Beaumont Hannant dont cette plongée abstraite autant que somatique évoque une fusion hypnagogique à souhait."


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- 13. Le Crabe & OptimisGFN - S.A.H.D.

On avait un peu perdu Le Crabe de vue depuis ça, autant dire que c’est un plaisir de le retrouver avec l’un de nos chouchous de l’année sur cet EP de déstruction massive où le beatmaker nantais offre un écrin hardcore et crasseux au berlinois d’adoption OptimisGFN, organisant sur le surpuissant Tetsuo Headaches (avec un k-the-i ??? impérial de détachement démiurgique en featuring), le bipolaire S.A.H.D. à l’intro plus mélancolique ou encore le menaçant Onyx Heart des collisions à la fois ludiques et anxiogènes entre électro-indus, hip-hop et noise qui n’ont rien à envier au meilleur de Moodie Black. Le rappeur ricain, qui signe lui même un dernier instru plus... optimiste et coloré, y fait merveille, entre distance émotionnelle et agitation du bocal.



- 12. L.Boy Jr. - Peur Bleue

"Samples funestes de cordes et de synthés, cris d’horreur et tension des beats nous plongent dès le peur01 d’intro façon nuit d’Halloween dans une atmosphère de série B revue et corrigée à la sauce psyché, entre giallo de Mario Bava (peur04), thriller urbain de John Carpenter (peur05) et gothique de la Hammer (peur06). Encore une fois le résultat est assez décalé mais sans rien enlever au pouvoir d’immersion de l’objet, dont l’ambiance rampante et obsédante vous colle au cerveau pour ne plus vous lâcher, la sensation d’asphyxie culminant sur l’enchaînement d’un peur07 particulièrement étrange et malaisant et du morriconien peur08 aux cordes menaçantes, avant que les déclics d’arme à feu de peur09 viennent enfoncer le clou dans une atmosphère de snuff movie halluciné."


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- 11. Lonny Montem & G. Charret - Tara / What Kind of Music Do You Play ?

Deux places de choix dans nos EPs du mois en février et juin, une interview croisée en amont de leur participation sous le nom Helen Why ? à notre compil IRMxTP Part VII qui aura également valu au classique instantané Blue Rose Case une belle 8e place dans mon classement des chansons de l’année, et finalement la consécration au rang de nos artistes incontournables de 2017, Lonny Montem et Guillaume Charret ont trusté à raison les pages d’IRM ces derniers mois, et il m’était tout simplement impossible de départager ces deux bijoux d’americana claire-obscure, formidables collections de ballades atmosphériques et intenses à la fois, transcendées par le chant capiteux de Louise Lhermitte et des arrangements ambitieux et poignants mais jamais envahissants.







- 10. Bonzo Speechless - The Rotten Lust


"Essai transformé pour le beatmaker le plus excitant du moment chez IHAA après son split cauchemardé avec le noiseux Tenshun en janvier dernier. Parler de hip-hop instrumental à propos de The Rotten Lust n’en serait pas moins par trop réducteur tant ces deux suites enchaînent à coups de drums lo-fi qui claquent, craquèlent et crispent les tympans des segments abstract, psyché, noise voire même black metal. Autant de plongées dans un subconscient malfaisant auxquelles l’Ukrainien superpose des dialogues d’obscures séries B d’épouvante, au diapason de la pochette baroque et des samples ciné morbides facilitant les transitions entre les vignettes lourdes et sursaturées qui composent chaque face de ce nouveau bijou horrifique. Pour vous faire une idée, imaginez-vous un Terra Tenebrosa hip-hop, un Sixtoo enterré vivant ou un DJ Shadow circa Endtroducing du côté obscur s’associant avec Morricone pour réinventer les BOs des vieux giallos de Mario Bava, ci-gît Bonzo quelque part au milieu et c’est tant mieux."


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- 9. The Body - A Home on Earth


Ça a beau s’appeler A Home on Earth, le nouvel EP du duo metal/noise de Portland est fidèle à leur univers de désolation et donc tout sauf accueillant, alignant les vignettes doomesques où les larsens se confondent plus que jamais avec les hurlements suppliciés de Chip King. Mentions à l’halluciné Plague et son étrange blues narcotique, et surtout au martial et grouillant Die by Ourselves dont le monologue ironique en intro incarne toute la dimension désespérée de la musique de The Body, la batterie d’abord tribale de Lee Buford se muant en rouleau-compresseur post-industriel pour mieux écraser les derniers espoirs d’une génération aux illusions ratatinées par la réalité sociale des États-Unis d’aujourd’hui.




- 8. Damien & Namo - Seppuku


"Ici on navigue sur les vapeurs d’éther en mode fataliste et psyché : d’abord avec les 9 minutes de l’inconnu au bataillon Namo dont les syncopations mystiques et volontiers atmosphériques témoignent d’une inspiration minimaliste digne d’un Boom Bip voire même pourquoi pas d’un Sixtoo à la grande époque de Lex et d’Anticon, puis avec celles de Damien pour un véritable chef-d’œuvre d’hypnose funeste en flux tendu évoquant aussi bien l’abstract crépusculaire du DJ Shadow des débuts que les roulements martiaux et fantasmagoriques des BOs de giallos de Morricone, un mariage idéal en somme qui se termine même sur le pied de nez final d’une note d’ironie surannée pour emballer le tout."


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- 7. Ben Frost - Threshold Of Faith


"Retrouvant un sens du contraste aiguisé qu’il avait malheureusement perdu sur A U R O R A, le pensionnaire du label Bedroom Community toujours basé en Islande le plus clair de l’année parvient enfin à donner corps avec élégance et intensité à ses envies de rêveries cristallines (All That You Love Will Be Eviscerated - Albini Swing Version) et d’échappées stellaires (Eurydice’s Heel - Hades) tout en renouant avec son goût pour les crescendo bourdonnants. Meilleure sortie du musicien depuis le dissonant et charnel Black Marrow dont on disait le plus grand bien il y a quatre ans, Treshold of Faith culmine sur l’électro acoustique baroque et spleenétique de Threshold of Faith - Your Own Blood et s’il finit par montrer ses limites un brin néo-new age sur le Mere Anarchy final, même ce reliquat de l’opus précédent parvient à se démarquer de la prétention synthétique (dans l’ensemble) assez vaine et arty dA U R O R A grâce aux textures nettement plus amples et épurées d’Albini, qui parviennent à en souligner les élans de mélancolie."


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- 6. Nmesme - Combusticon


On nous a fait jurer de ne pas dévoiler qui se cache derrière ce Nmesme, tout ce que l’on peut vous dire c’est que les habitués d’IRM le connaissent pour un tout autre genre d’univers sous deux identités distinctes et qu’il contribue sous l’une d’elles à l’un des 12 volumes déjà parus de notre compil’ IRMxTP... voilà qui laisse pas mal de possibilités ! Quoi qu’il en soit, les amateurs d’IDM schizophrénique autant qu’atmosphérique sauront certainement apprécier cet EP et ses 4 saillies cyber-organiques stridentes et grouillantes (entrecoupées sur Ncom d’une courte accalmie drone aux basses fréquences rampantes) qui tentent d’organiser le chaos d’une combustion spontanée de circuits imprimés, s’agitant à la croisée des machineries mutantes et déréglées d’Autechre (Com2 223) et du versant le plus avant-gardiste et ambient du breakcore de Kid606 (Combusticon), avant de décoller sur DCom pour le paradis des périphériques virusés.




- 5. Damien & Bethaniens Dust - Conveil


Dernière entrée du taulier d’IHAA dans ce classement, Conveil le voit cette fois associé au très lo-fi beatmaker irlandais Bethaniens Dust dont les chœurs de fin des temps et autres émanations dark ambient hantent en face-B le fantasmagorique Stasis. Mais il faut l’avouer, c’est surtout pour Damien que ce nouveau court-format se hisse en si belle position, le beatmaking hyper-tendu et surpuissant du barbu de Spokane - qui méritait décidément sa place parmi nos musiciens de l’année - trouvant sur les 10 minutes de la suite Derealization sa plus belle incarnation à ce jour, les distos oniriques samplées sur Boards of Canada se frottant aux drums tour à tour implosifs et massifs, préfigurant au passage l’immense Dysthymia offert à notre compil’ Twin Peaks.




- 4. Monolog & Subheim - Conviction


Grand pourvoyeur d’atmosphères claires-obscures où le stellaire le dispute au sacré, Konstantinos Katsikas aka Subheim avait rejoint les rangs de Denovali à la disparition de Tympanik Audio et accouché de son meilleur album, Foray, délaissant au passage l’électro downtempo cinématographique de ses réalisations précédentes au profit d’une ambient plus épurée et introspective. Il manquait en effet au Berlinois un sens du beatmaking acéré que lui apporte ici le génial Danois Monolog, dont les textures mutantes et fuligineuses font également bon ménage avec la spiritualité en suspension et la dramaturgie du premier (cf. Benedict et son futurisme rampant). En résulte la plus belle sortie IDM de l’année, qui n’hésite pas à rentrer dans l’atmosphère terrestre après les cosmogoniques Wone et Sumo Rimi pour s’aventurer en terrains plus méditatifs, à l’image du mélancolique Make Stones Cry puis du recueillement d’un Colorful Flight dont les chœurs liturgiques et les nappes élégiaques se passent volontiers de toute pulsation.




- 3. Subsea - Untitled V


"Cette fois Jim Grundy, le claviériste et bidouilleur du génial collectif des antipodes Ektoise, a décidé de nous entraîner par le fond, une plongée dans les tourments du subconscient via une ambient tant hantologique que hantée évoquant un Third Eye Foundation circa You Guys Kill Me sans beat que The Caretaker aurait débarrassé de ses derniers pigments jusqu’au gris le plus triste qui soit (cf. Untitled - le premier). Ça crépite comme un vieux vinyle luttant pour sa survie, ça bourdonne par-dessous, ça lancine par-dessus, et entre les deux les vestiges déliquescents des mélodies sonnent un peu comme la musique contemporaine qu’écoutent sûrement les âmes en peine au purgatoire des suicidés. Pas étonnant que le tout soit sans titre, de l’EP aux morceaux, même pas numérotés, car dans la dépression tout semble vide et plus rien n’a de sens. Et si l’on plane c’est bien dans l’éther du monde des esprits, coupé à jamais de la vie, de ses espoirs et de ses joies."


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- 2. Kingbastard - Error


"Successeur des EPs Amitriptyline Dreams et Data, ERROR perpétue les abstractions robotiques névrosées de ce dernier dans une veine encore plus mutante et anxieuse dont l’alternance entre ambient cybernétique aux beats épars (Human) voire même absents (Machine) et IDM alambiquée aux rythmiques éclatées (Being) n’est pas sans évoquer Autechre. Allégorie de l’humanité des machines de plus en plus d’actualité à l’heure où les intelligences artificielles développées par l’homme se retrouvent dotées de capacités d’auto-apprentissage assez troublantes, ERROR préfigure ce qui sera peut-être la prochaine étape de l’évolution des réseaux de neurones artificiels : cette angoisse et ce spleen sous-jacents que les êtres conscients ressentent parfois sans pouvoir se les expliquer (Human)."


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- 1. Diasiva - Station 1805


Un peu honteux d’avoir laissé passer l’album de l’année 2016 ou pas loin, ç’aurait pu être la raison de la présence de cet EP tout en haut du classement, si ce n’était le génie du Danois Mads Lindgren aka Monolog (mon artiste de l’année, cf. ici et bien sûr la 4e place du présent bilan) et du Berlinois Swarm Intelligence qui l’accompagne au sein de Diasiva. Sur Station 1805, le duo parvient en effet à infuser encore un peu plus de lumière noire et de radiations malaisantes dans la mixture radicale de breakcore et d’électro-indus qui faisait des dix missives instrumentales de Doublefade une véritable armada de destruction massive pour apocalypse cyberpunk, des contrastes clairs-obscurs de l’insidieux Ethereal au grondant Stifle Your Woes dont les dilatations machiniques n’ont rien à envier au Foley Room d’Amon Tobin, en passant par le frénétique rouleau-compresseur Scrape ou la technoise crépitante et vorace de Neckbrace qui pourrait finir par vampiriser les dancefloors underground de la capitale allemande où sévissent les deux musiciens avec son four to the floor magnétique et déliquescent.


Pas passés loin : Wordburglar, Nick R 61 & Kendall Wa (on en reparle très vite), Cryptic One, LPF12, Brycon, Ryan Lott, La Main Gauche (là aussi quelques mots bientôt), Chantal Acda, Ozferti, Ari Balouzian, Jel, Blonde Redhead, Dead Worlds, Camedor, 10th Letter (qui sera doublement mis en avant dans mon top albums), Féroces, Kotra vs Edward Sol, Library Tapes, Ulrich Schnauss, Almeeva... une sacrément belle année pour les amateurs de concision.