Live Report : BRNS, Peter Kernel & La Terre Tremble !!! (Antipode, Rennes, 10 Novembre 2017)
A défaut d’avoir pu accueillir Swans, dont la prestation fut annulée il y a quelques semaines, la salle rennaise de L’Antipode se consolait ce vendredi avec une soirée à la programmation léchée.
La Terre Tremble !!! se chargeait d’ouvrir les festivités, et les expérimentateurs d’odyssées soniques que sont Julien Chevalier, Benoît Lauby et Paul Loiseau ont pu développer une ambiance alternant entre psychédélisme, sonorités industrielles et convulsions psychotiques lorgnant même vers le jazz. Forcément complexe, l’ensemble a pu perdre en route certains spectateurs qui n’étaient pas d’humeur à se laisser aller vers des horizons si proches de la dystopie. Néanmoins, le savoir-faire des Clermontois est suffisant pour imposer une écoute curieuse de Faux Bourdon, disque sorti en milieu d’année par le combo.
Si Peter Kernel, duo constitué du couple que forment Barbara Lehnhoff et Aris Bassetti, témoigne une affection certaine pour les ambiances lorgnant vers un rock dynamique, c’était sous l’appellation Peter Kernel & Their Wicked Orchestra qu’ils évoluaient ce vendredi, prenant ainsi le relais des Clermontois.
Les deux musiciens occupent le milieu et l’avant de la scène, disposant chacun d’un micro pour leurs voix et de quelques caisses, éléments d’une batterie en kit. Derrière eux s’invitent quatre musiciens additionnels – le fameux Wicked Orchestra – où une violoncelliste reste fidèle à son instrument, tandis que la harpiste ne délaisse le sien qu’occasionnellement et que les deux autres artistes alternent entre chœurs, violon, piano et arrangements synthétiques.
Aris Bassetti ironisera en précisant qu’ils avaient initialement lancé ce projet pour « ne pas se mouiller ». Comprendre, ne pas transpirer. Avec des morceaux aussi entraînants et hantés qu’un Again, We Are Not Gonna Be The Same Again joué en début de set ou un Panico ! This Is Love aux deux tiers de la performance, c’est raté. Les Suisso-Canadiens ne s’économisent pas et les arrangements de cordes harmonieux qui accompagnent des compositions solides aux progressions pleines de surprises et de contre-pieds tendent à rappeler Thee Silver Mount Zion. Mention spéciale à la qualité des arrangements sonores qui s’apprécient notamment sur un solo de harpe où le son oscille d’un bout à l’autre de la salle dans une expérimentation aussi étonnante que prenante. Envoûtant et immersif, donc.
Difficile de se remettre d’une telle claque, et il le faudra pourtant puisque BRNS prend le relais sur scène. Plus à l’aise avec la langue française que les musiciens l’ayant précédé, Timothée Philippe communique volontiers avec le public. Le batteur-chanteur est placé en cœur de scène, le guitariste Diego Leyder se tenant à sa gauche, tandis que Lucie Marsaud aux claviers et le bassiste Antoine Meersseman sont placés côté jardin.
Ceux qui n’avaient pas aimé les deux premiers LPs de BRNS doivent de toute urgence redonner sa chance au groupe. Si nous savions déjà que Sugar High, troisième long-format qui vient de sortir le mois dernier, était solide, les titres qui en sont issus confirment leur potentiel sur scène. Hypnotique et lo-fi, la performance des Belges n’en est pas moins émaillée de quelques contrariétés que leur humour – « belge », tiennent-ils à préciser – et un détachement contagieux leur permettent de dominer aisément.
Ce sont d’abord les lumières qui disparaissent au beau milieu d’un morceau, et une partie du public brandit alors son téléphone portable pour illuminer la scène dans une démarche qui, une fois n’est pas coutume s’agissant de cette pratique, n’est pas mielleuse mais relève plutôt de la solidarité spontanée.
Et puis, au cœur de Encounter, l’un des sommets de Sugar High, le groupe interrompt sa prestation, s’expliquant insatisfait. Antoine Meersseman propose de le recommencer, quand une négation sortant du cœur s’échappe des bouches de Diego Leyder et Timothée Philippe, ce dernier précisant que le titre les contraint à adopter « deux logiques différentes » qu’ils peinent encore à synchroniser.
La prestation n’est donc pas parfaite, mais elle est légère et humaine. Les erreurs font partie du processus, elles sont assumées. La pression – et l’intérêt – diminue quelque peu lorsque BRNS joue des morceaux issus des disques précédents Est-ce à dire qu’ils sont joués avec moins de passion ou qu’ils sont tout simplement moins solides ? Qu’importe. Il y a bien assez à faire avec les nombreux extraits d’un Sugar High bénéficiant de versions étirées et encore plus atmosphériques que les originales, le pop-rock d’antan évoluant vers des sonorités post-rock qui permettent de mieux mesurer pourquoi Mogwai constitue une influence assumée du combo. Hypnotique et brillant.
A défaut de se rendre aux antipodes du globe, ce pas de côté mettant la Belgique à l’honneur a en tout cas tenu ses promesses dans la salle rennaise…
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