Blockhead - Funeral Balloons
S’il n’a pas chômé ces dernières années, Blockhead s’était surtout spécialisé dans les collaborations. Et si Capture The Sun, avec Illogic, parvenait à emporter la mise en 2013, la suite de ses aventures peinait à nous passionner autant.
1. The Chuckles
2. Bad Case of the Sundays
3. UFOMG
4. Zip It
5. Gobsmacked
6. Your Mom Is Mad High
7. Festival Paramedics
8. Cop Rock
9. Uncleback
10. Macgruber
11. Escape From NY
12. Funeral Balloons
Il en allait ainsi de Justplaywitit et Keep Playin’, tous deux réalisés avec Marq Spekt, et même du Gone Long de 2015 en tant que The Mighty Jones produit aux côtés de Joanna Erdos, Jeremy Gibson, Damien Paris et Bay Li Mckeithan. Même Bells And Whistles, la dernière sortie en solitaire du producteur américain n’atteignait pas les cimes de ses réalisations précédentes.
Dès lors, la tentation est grande de penser que, tels RJD2 et Pretty Lights, Blockhead n’a plus grand-chose à exprimer et que l’ensemble du versant incisif de l’abtract hip-hop est mort. Funeral Balloons tend à contredire cette hypothèse.
Sans toutefois atteindre les sommets de The Music Scene, chef-d’œuvre inégalé de la discographie du New Yorkais, cette dernière production constitue probablement ce que Blockhead a fait de mieux au cours de la décennie actuelle. Que les hésitations de Bells And Whistles paraissent éloignées lorsque l’artiste s’autorise à franchir toutes les frontières, du trip-hop à l’électronique en passant par le rock, le jazz ou même la soul.
C’est surtout un déluge d’émotions diverses qui envahit l’auditeur, du sentiment de plénitude qui se dégage de la reprise de guitare aux deux tiers de l’introductif The Chuckles, au spleen mélanco-dramatique d’un Funeral Balloons final dominé par des arrangements de cordes déchirants qui évitent toutefois d’être larmoyants. Blockhead parvient toujours à tuer dans l’œuf l’idée d’un excès d’emphase en remettant les rythmiques tranchantes à l’honneur lorsque l’emphase tend à être trop conséquente.
Les boîtes à rythme addictives d’un Gobsmacked abrasif à la progression toute en tension générée par des digressions de cordes synthétiques vibrantes n’est pas sans rappeler Emancipator, tandis que le chant aux variations tribales d’Ufomg accompagne une production à la fois contondante et ethnique.
Les ambiances cinématographiques d’un Your Mom Is Mad High construit en escalier pour faire grimper progressivement la tension tout en y mêlant des éléments électroniques à des sonorités plus orientales ont tôt fait d’évoquer DJ Krush, du moins sur la première partie de ce titre en rupture où la guitare acoustique associée à des samples vocaux agonisants dresse ensuite une ambiance de sinistrose oppressante, à peine décrispée par des vents plus légers dans la dernière ligne droite de ce point d’orgue labyrinthique.
Zip It, autre sommet soutenu par des vents, jazzy et solennels cette fois, évite la grandiloquence et même l’excès d’emphase en se mariant admirablement à une partie rythmique assurée, mâtinée d’une certaine dimension glitch. La voix tortueuse apparaissant en cours de morceau confère alors à celui-ci un caractère downtempo qui lui permet de tutoyer le trip-hop.
L’électronique cosmico-massive d’un MacGruber aux faux-airs de Sixtoo, la ballade urbaine touche-à-tout Escape From NY ou la polyrythmie de l’abstractif Festival Paramedics sont autant de réussite tandis que l’audace de Blockhead apparaît également sur les relents rockabilly d’un Cop Rock évoluant vers un hybride de big beat tribal pour mieux revenir, de manière circulaire, aux samples vocaux largement inspirés par Elvis Presley.
Sans limite et sans frontière, l’ancien producteur d’Aesop Rock n’est désormais jamais aussi efficace que lorsqu’il travaille seul, et ce Funeral Balloons hanté et tout en tension mais jamais démuni de ses trouvailles abstract addictives constitue un album de choix dans une discographie pourtant déjà tout à fait recommandable.
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