Le streaming du jour #1510 : Daedelus - ’Baker’s Dozen’
La série de vinyles Baker’s Dozen de Fat Beats consacrée à en croire le label aux esprits les plus créatifs du hip-hop instrumental, de l’ambient et de la musique électronique d’aujourd’hui, démarrait il y a tout juste un an avec Dibia$e, producteur notamment du superbe nouvel album de Jonwayne arrivé 3e de notre bilan de février. Après Ras_G, 4e invité en décembre dernier, la structure new-yorkaise de Joseph Abajian passe la surmultipliée en s’intéressant à personne d’autre que l’un des pères spirituels du glitch-hop (au même titre que Prefuse 73 ou Dntel), Alfred Darlington aka Daedelus !
Ce sous-genre qui a donné naissance à des labels entiers (de Brainfeeder à Alpha Pup en passant par Dublab ou Project Mooncircle), l’excentrique metteur en son du duo pop/folktronica The Long Lost (avec sa compagne Laura Darlington au micro) ne lui a jamais vraiment prêté allégeance, son univers s’avérant bien trop vaste pour tenir sous une étiquette aussi extensible soit-elle, mais il n’en a jamais pour autant rejeté le patronage, croisant le fer au fil des ans avec Teebs (cf. ce petit concentré de magie soulful déstructurée il y a 7 ans) ou The Gaslamp Killer. Un visionnaire donc, que l’on retrouvait enfin à son meilleur ou presque en 2015 avec la concrétisation sur album de sa collaboration avec le jazz-band électrique Kneebody, le schizophrénique éponyme de Kneedelus aux compos étrennées six ans plus tôt à Jazz à Vienne (on y était et c’était encore mieux en vrai).
Pourtant, force est de constater qu’après une paire d’albums, chez Anticon (Drown Out) ou Brainfeeder justement (The Light Brigade, chroniqué ici), réussis mais manquant d’audace au regard de ses grandes heures chez Plug Research ou Mush, le retour du dandy négligé de L.A. dans le giron de sa propre écurie Magical Properties avec le trop impersonnel et cadré Labyrinths à l’automne dernier avait quelque peu déçu les espoirs regonflés par la sortie du Kneedelus un an auparavant, en dépit d’une ouverture prometteuse au hip-hop expérimental d’aujourd’hui et d’invités aussi bien sentis que Teebs ou Zeroh, seul le génialement vénéneux et rythmiquement détraqué Crime of Passion avec Laura au chant faisant véritablement honneur sur ce dernier LP en date au passif de ce grand monsieur.
C’est dire si ce Baker’s Dozen, en revenant au source de la féérie anachronique et faussement bancale qui infusait les plus belles sorties du beatmaker dans la première moitié des années 2000, nous ravit malgré ses faux-airs de ratisser les fonds des fours à pain. Rien de VRAIMENT nouveau sous le soleil certes (à commencer par ce jazz d’antan passé à la moulinette baroque sur Maple Bacon, Blue Sprinkles ou Early Hours), mais définitivement ce que Daedelus sait fait de mieux, et avec une humilité inversement proportionnelle à l’effet d’annonce relayé plus haut. D’un Lazy Sunshine dont le groove downtempo croise mélancolie orchestrale et abstractions électroniques à l’excentricité abstract de Oops ! en passant par la bossa futuriste et dégingandée de Know What You’d Like ? ou surtout l’immense Old Fashioned dont le spleen suranné de vieille bande-son hollywoodienne déglinguée au glitch d’un beatmaking arythmique fait forcément penser à ce chef-d’œuvre inégalé dans la carrière du Californien, ce court album contient assurément son lot de pépites.
Et si la fin de disque est plus dispensable (entre l’inquiétant et déliquescent Candy Corn et le nébuleux Slow Riser, elle ne manque pas pour autant de singularité), on ose espérer que Daedelus, en choisissant de représenter son savoir-faire de beatmaker par cette facette-là en particulier d’une disco protéiforme, nous annonce par la même occasion un retour aux fondamentaux que l’on espérait plus.
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