Le streaming du jour #1570 : Povero - ’#02’
Lorsqu’il s’agit de baptiser ses disques, Povero fait dans la simplicité et c’est ainsi que #02 succède à 1. Heureusement, l’artiste consacre bien plus de temps au contenu musical de ses productions. Les digressions lo-fi de son dernier effort méritent ainsi que l’on s’y intéresse plus particulièrement.
#02 s’ouvre d’emblée sur l’un de ses morceaux phares. Sans avoir l’air d’y toucher, Sur La Gueule Des Gens s’appuie sur une technique assurée mêlée à un discours plus contestataire évoquant notamment le concept de reproduction sociale cher à Pierre Bourdieu ("On marche sur la gueule des gens / Et ils en redemandent, les gens"). La structure à tiroirs du morceau lui permet de croiser, à la manière d’Angelo Badalamenti, basse entêtante et percussions minimalistes.
L’influence du compositeur américain est assumée par Povero, lequel concède "une passion de 25 ans" pour Twin Peaks. Cela n’a d’ailleurs rien d’étonnant à la découverte d’un parcours qui a conduit le Français jusqu’au Japon pour tourner des films d’auteur après avoir traîné ses guêtres dans le milieu cinématographique en tant que stagiaire pendant de longues années.
Les images ont toutefois fini par se dissiper dans l’esprit de Povero pour ne plus laisser la place qu’au son. Armé, comme beaucoup ayant emprunté le même virage, d’une guitare électrique qu’il épuise lors de longues nuits contemplatives, il met en place un univers singulier.
De la chanson française qui ne constitue néanmoins pas son orientation la plus fondamentale (O’Pater, Le Sourd ou Le Rabat-Joie) à un rock expérimental cousin de celui de Michel Cloup en passant par l’héritage de Benjamin Biolay dans la manière de déclamer certains vers sur Le Boeu(f) ou une électro labyrinthique aux confins de la pop minimaliste (Celle Qui Ne Me Fuit Pas), Povero arpente des horizons divers.
Sans couper le cordon avec des origines musicales que l’on imagine plus classiques, le Montpelliérain rompt néanmoins avec certains codes plus traditionnels, à l’image d’un chant qui peut être étouffé par les différentes couches instrumentales, cette tendance atteignant son paroxysme sur Montrer Les Dents. Povero conclut le disque avec un clin d’œil que l’on imagine adressé à Jean-Louis Murat pour ces percussions boisées espacées, associées à un certain détachement vocal (Sur Le Port).
Comme évoqué en introduction, Povero ne s’investit effectivement pas dans la recherche d’un titre d’album original, mais qu’importe. Le temps qu’il utilise pour soigner le contenu sonore est assurément bien utilisé. Le vrai bon album que constitue #02 en atteste.
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