Pop 2016 - 25 recommandations d’albums de la part de lloyd_cf
2016 a été une année prolifique musicalement. On n’y a pas entendu de disque véritablement révolutionnaire, pas entendu de grandes révélations sur lesquelles miser pour l’avenir, on y a beaucoup pleuré, de décès en déceptions, mais à l’heure où les bilans pop-rock fleurissent sur la toile, on y lit un peu toujours la même chose. Changeons tout cela.
Pour être efficaces, et couper court à toute discussion inutile, il nous faut commencer par défricher le terrain en écartant d’emblée les ténors et en expliquant pourquoi.
D’abord, tout le monde a compris que le dernier album de David Bowie était exceptionnel et que sa mort nous a tous profondément attristés. Bien sûr qu’il serait dans nos albums de l’année, et bien placé encore. Idem pour Leonard Cohen. Il en est de même pour l’admirable Nick Cave & The Bad Seeds qui a quand même bien divisé, pour des raisons pas toujours très très musicales, donc pas forcément très honnêtes à mon goût. Nous avons également enlevé Savages, qui ont sorti un très bon album et ont confirmé tout le bien qu’on en pensait, mais tout le monde en a déjà parlé. Et Dinosaur, Jr., alors ? Ben... ils ont fait du Dinosaur, Jr. Idem pour Tricky.
Ensuite, le dernier opus des Pixies, qui n’était pas si mauvais qu’on a bien voulu le dire. Juste pas inoubliable, c’est tout. Lui ne serait pas dans la liste, par contre. Tout comme Mogwai, qui ont signé une bien belle B.O. mais sans plus, ou les Deftones, dont l’album diablement efficace rassure sur la poursuite de leur carrière mais ne les porte pas non plus aux nues. Citons encore par exemple Eleanor Friedberger, excellent mais pas assez mémorable pour figurer ici.
Ensuite, impossible de commencer ces recommandations sans mentionner ceux qui me paraissent être les pires ratages et déceptions de l’année, c’est à dire PJ Harvey, pas très inspirée sur le coup, et M83, mais là, on sombre dans des abysses incompréhensibles et on n’en dira pas plus, vu que certains semblent étrangement y avoir trouvé leur compte. Bon, les goûts et les couleurs, tout ça...
Sur ce, sans ordre particulier, si ce n’est celui d’une écoute agréable et sans heurts dans notre playlist, on va commencer une liste de 25 albums qui méritent un coup d’oreille un peu plus attentif. Ça va aller vite, alors accrochez vos ceintures.
Lia Pamina - Love is not enough
On va commencer par tenir une promesse. Dans notre bilan 2015, on vous avait dit qu’on reparlerait de Lia Pamina après son premier 45 tours d’électro-pop, mais pour d’autres raisons. Elle ne nous a pas fait mentir. Son album, réalisé avec Joe Moore de The Yearning est une merveille de pop rétro qu’on croirait sortie tout droit des sixties. Parfait pour commencer en douceur.
Hælos - Full Circle
Ce trio britannique peut sembler avoir ressuscité l’esprit downtempo de Bristol, mais leur excellent album prend vraiment vie sur scène avec un line-up augmenté et un son tout droit sorti d’un rêve humide de fan de trip-hop nineties. Indispensable.
Weyes Blood - Front Row Seat to Earth
Pour poursuivre avec la vague nostalgique, Natalie Mering a quant à elle exhumé l’esprit folk des seventies pour nous offrir un joli disque aux ambiances feutrées et mélancoliques, orgues et arpèges de guitare en avant, moins funèbre et plus direct que d’habitude, écrin parfait pour accompagner sa voix unique et émouvante.
Ryley Walker - Golden Sings That Have Been Sung
Pour rester dans la folk, il ne faut également pas oublier Ryley Walker, qui sous des allures de mélodies parfois alambiquées, cache des trésors de sensibilité psychédélique qui lui vont à ravir.
Steve Gunn - Eyes on the Line
Il est donc logique d’enchaîner sur ce qui restera peut-être comme le plus grand album de guitariste de l’année. Steve Gunn entortille les mélodies complexes à la guitare, les enroule l’une sur l’autre et les transforme en titres magiques qui nous ramènent souvent à l’alchimie du premier Television.
Mass Gothic - Mass Gothic
Le pas est donc franchi jusqu’au rock. Transformant un projet solo un poil désespéré en nouveau groupe en y entraînant sa compagne Jessica Zambri, Noël Heroux (ex-Hooray for Earth) livre un album simple, un peu lo-fi, un peu dépressif, un peu grunge, mais complètement addictif grâce à une composition et des mélodies impeccables.
So Pitted - neo
On en arrive donc à ses compagnons d’écurie Sub Pop, les punk anars et complètement crétinoïdes (mais c’est pour rire) de So Pitted, qui combinent fun, déstructuration totale, violence inouïe et bruit blanc no-wave pour un brûlot extrêmement court mais sans temps mort ni faiblesse. On s’éloigne un peu de la pop, certes, mais quelle efficacité !
Duchess Says - Sciences Nouvelles
En parlant de no-wave, parfois le rétrofuturisme et la nostalgie ont du bon, mais on en parlait déjà dans cet article.
Linda Guilala - Psiconáutica
On a beaucoup parlé de renouveau shoegaze ces dernières années, mais rares sont ceux qui arrivent à la cheville des groupes originels, même lesdits groupes n’y arrivent souvent pas. Les espagnols de Linda Guilala semblent quant à eux y arriver sans aucun effort.
Mermaidens - Undergrowth
Les petites sorcières néo-zélandaises mélangent habilement mélodies inquiétantes, arpèges de guitares savamment contrôlés, voix féériques et menaçantes et imagerie païenne pour un rock d’un autre monde.
Miserable - Uncontrollable
Un des plus beaux albums de l’année, issu de la collision entre le doom et le shoegaze. C’est également un des trucs les plus déprimants qu’on pourra écouter en pop-rock cette année. On en parlait déjà ici.
Katrine Stochholm - Danser til Radio
Échappée depuis déjà un moment d’Under Byen, Katrine nous offre avec son premier album solo le même cocktail étrangissime de petites voix chuchotant des textes étranges en danois, de claviers et de métallophones décalés et mélangés à des glitchs électro du meilleur goût et à des orchestrations sublimes. Indispensable et magnifique.
Douglas Dare - Aforger
En voilà un autre qui vient faire chavirer nos coeurs avec sa voix, ses textes, arrangements et musique à la croisée des genres. Le natif du Dorset se livre à nu et c’est forcément sublime.
Françoiz Breut - Zoo
Injustement passé sous le radar à sa sortie, cet album est peut-être bien son tout meilleur. Tout y est beau et réussi, des textes aux arrangements. Réparons cette erreur, écoutons ce disque en boucle.
Bat for Lashes - The Bride
Là, il y avait dilemme. Fallait-il faire paraître le nouvel album de Natasha Khan dans ces recommandations ? Après tout, il s’agit d’une artiste majeure et le disque était très attendu. Oui, mais voilà. A notre avis l’album a été froidement accueilli car mal compris. On l’a taxé d’être pénible, prétentieux, ennuyeux... l’exercice de l’album concept est casse-gueule et le concept est certes ici un peu bancal et inutilement ambitieux, l’album n’est pas très rythmé, la production est lisse, la voix parfaite et posée... il ne nous a pas semblé très juste de descendre un album parce qu’il est trop parfait. Ceci dit, que les amateurs d’underground passent leur chemin pour quelques disques, car nous allons attaquer quelques albums flirtant avec le mainstream.
Brodka - Clashes
Monika Brodka est issue d’un télé-crochet polonais, certes, et c’était déjà une artiste de variétés reconnue en son pays. Seulement voilà, quand elle décide de faire un virage à 180° en enregistrant un album en anglais avec son groupe éponyme sous la houlette du producteur de Joanna Newsom, cela donne un disque unique aux arrangements d’une richesse hallucinante. Tout y passe, des cordes aux ondes Martenot en passant par le trombone. On passe de la pop sixties au punk et à l’ambiance Dead Can Dance, voire Portishead, en un clin d’oeil... Un des disques de l’année pour qui sait écouter au delà des conventions. Absolument sublime.
Kristin Kontrol - X-Communicate
En se débarassant de son image bad-girl-rock-cuir qu’elle avait cultivée avec son précédent avatar Dum Dum Girls, Kristin Welchez s’affranchit des styles et fait feu de tout bois en piochant allégrement dans le répertoire de la pop aussi bien ’80s que ’90s. La réussite est totale et bluffante et on passe d’un sourire amusé à un véritable amour pour l’album en quelques écoutes. Il faut dire que la production et les compos sont à la hauteur. Et puis il y a eu cette prestation live (voir vidéo), et là, c’est à pleurer de beauté...
Daughter - Not to Disappear
En parlant de beauté, on aurait pu perdre Daughter si ils s’étaient enfermés dans leur belle pop neurasthénique qui faisait part belle aux silences. Ils ont fort heureusement rempli ceux-ci et si le résultat a paru surprenant à la sortie, on en conclut quelques mois plus tard que le groupe n’en est sorti que grandi.
Angel Olsen - My Woman
Voilà une autre artiste qui en est sortie largement grandie. On savait qu’Angel Olsen avait le potentiel pour devenir une artiste majeure, c’est désormais chose faite avec un album où elle s’est définitivement débarrassée du carcan "folkeuse qui chouine" que certains ignorants lui avaient honteusement attribué à tort.
Mitski - Puberty 2
Quant à Mitski, on lui a peut-être collé sur le dos un peu trop rapidement l’étiquette "Révélation de l’indie-rock" cette année. Son album manque encore peut-être un peu de cohérence pour en faire un des tous meilleurs de 2016, mais quand on sort des singles de la trempe de "Your Best American Girl", on est en grande partie pardonné. Parfois il n’y a pas que la musique. Les textes et le message véhiculés comptent aussi, et la beauté et la pertinence de ceux de Mitski lui assurent une place par ici.
True Widow - Avvolgere
Alors True Widow ? Métal ou pas ? Stoner ? Rock’n’Roll ? Qu’est-ce que c’est le stonegaze ? Hein ? Le groupe lui-même sait-il de quoi il parle ? Ne savons-nous pas mieux qu’eux, en fait ? Après tout, on s’en fiche un peu, car le résultat est à la fois lourd, hypnotique et mélodique, et que l’album est une immense réussite.
Kino Kimino - Bait is for Sissies
Quand Kim Talon (ex-JAN, Eagle and Talon) se fait accompagner sur disque par Steve Shelley et Lee Ranaldo, le résultat est à la hauteur des attentes. New Yorkais en diable, avec un son 100% Sonic Youth. Jouissif.
Warpaint - Heads Up
Ne nous leurrons pas, ce nouvel album n’est pas aussi bien que le précédent, même pas en rêve. Mais le précédent était tellement exceptionnel, que bon, voilà... Heads Up semble plus fracturé, plus prompt à intégrer à la fois rythmes plus chaloupés et silences, et d’ailleurs la version double LP, qui balance les titres par paires en obligeant à revenir changer de face bien souvent, semble démontrer que ce fractionnement est une volonté du groupe.
Emily Jane White - They Moved in Shadow All Together
Emily est impressionnante, parce qu’elle a réussi depuis son tout premier album un parcours sans faute, tout en demeurant fidèle au style de folk gothique qui la caractérise. Cet album n’est pas révolutionnaire, ni même sublime, juste encore meilleur que les autres.
Marissa Nadler - Strangers
...et c’est donc très logiquement qu’on terminera avec une de ses collaboratrices régulières, l’autre folkeuse sombre, qui a enfin fait un pas qu’on désespérait de la voir faire. Le dernier album comporte enfin des arrangements, et de toute beauté encore, et casse un peu cette image de chanteuse soporifique toute seule à la guitare que certains lui attribuaient parfois.
La playlist complète de cet article se trouve ci-dessous :
Voilà, on se donne rendez-vous tout bientôt pour un second article dans lequel on parlera un peu de l’année 2016 hors albums (et peut-être même hors pop, parfois) avec quelques belles autres découvertes et quelques surprises complètement inattendues. D’ici là, portez-vous bien et bonne écoute !
PS : J’ai un ami qui dit souvent "Lloyd_cf il aime bien les chanteuses." Ben, il a raison.
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