Le streaming du jour #1452 : Tycho - ’Epoch’
Le cas de Tycho est assez paradoxal et en ce sens intéressant à analyser. L’Américain est en effet l’un des plus célèbres musiciens électroniques confidentiels, à moins que ce ne soit l’inverse et qu’il ne soit le plus méconnu des DJs dont la réputation dépasse le seul cadre des érudits.
Avec Dive, Scott Hansen réalisait en 2011 un véritable chef-d’œuvre ambient, évoquant aussi bien Boards of Canada qu’Amon Tobin pour sa capacité à développer des structures oniriques parfois alambiquées lorsqu’elles intègrent une rythmique aux contours plus abrupts. Trois ans plus tard, Awake ne parvenait pas tout à fait à transformer l’essai. Si le disque était évidemment intéressant, il souffrait de la comparaison avec son prédécesseur, et nous pouvions regretter une certaine forme de conformisme. Peut-être était-ce là la rançon de ce relatif succès qui émaillait désormais le parcours du producteur.
Un bon disque en somme, voire même un petit peu plus, mais l’heure de gloire semblait être passée. Qu’en est-il donc de cet Epoch ? A vrai dire, il est difficile d’en dresser une conclusion parfaitement tranchée tant il se place en intermédiaire des deux pôles précédemment évoqués.
Scott Hansen le décrit d’ailleurs habilement, revendiquant les influences IDM de Dive tandis qu‘Awake le voyait « repousser aussi loin que possible ce qu’[il] pouvait faire du côté du rock ». Une notion assez singulière du « rock » dont on saisit néanmoins l’idée globale. L’artiste ajoute qu‘Epoch vient « boucler la boucle » car il utilise « toutes les leçons de Dive et Awake ».
Pas de révolution à constater donc, ce qui est plutôt agréable dans le sens où Tycho n’a pas vendu une quelconque part de son âme. Il devrait donc rester dans cet entre-deux, à mi-chemin entre l’injuste anonymat d’un Beajn et la célébrité exacerbée de bon nombre d’artistes lorgnant vers la chillout dont on taira les noms, et ce d’autant plus que le son d’Epoch n’est pas des plus radieux. L’artiste dit d’ailleurs y avoir distillé « les sonorités les plus sombres » de sa discographie.
En somme, les rythmiques peuvent se faire discrètes (Receiver, Epoch), rappelant alors l’onirisme décomplexé de Dive, les synthés chancelant apportant alors une légèreté tout à fait imparable. A d’autres moments, le débit se fait plus galopant et, à l’instar d’un Slack capable de lorgner sur le post-rock, c’est évidemment à Awake que l’on pense davantage.
Si le début de l’album peut faire craindre un passage du coq à l’âne entre ces deux sphères d’influences, Tycho évite habilement cet écueil et parvient à produire une œuvre cohérente bien que dotée de composants hétérogènes (Local en est le parfait symbole). Entre puissance et hédonisme, l’Américain trouve ici un équilibre au sein duquel il est toujours aussi habile pour laisser le soin à l’auditeur de se perdre dans ses songes. A l’instar d‘Awake, il manque néanmoins un soupçon d’intensité ou de radicalité pour faire de ce très bon disque un album qui, à l’instar de Dive, soit mémorable.
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