Si le combo Slippers, basé à Long Beach, revendique déjà vingt ans d’existence, celui-ci n’a pour l’instant pas délivré une discographie particulièrement fournie. A deux opus éponymes sortis en 1996 et 2000 est venu s’ajouter X en 2005. L’exploration de la Planète Rouge constitue donc la quatrième mouture des Américains.

Pour cet album, ceux-ci ont approfondi la collaboration avec Aceyalone, déjà expérimentée sur scène en 2009. Le quatuor s’ouvre et ajoute ainsi une dimension plus urbaine à des sonorités oscillant jusqu’alors entre le jazz et la funk. Les incursions hip-hop n’ont toutefois jamais été totalement absentes de l’œuvre proposée par Mike Cody, Brandon Laws, Victor Zahn et Blake Peterson, ce dernier officiant déjà comme emcee au sein de la formation.

En plus du vétéran et ex-collaborateur de RJD2, différents guests (Self Jupiter, Myka 9, Tekitha ou Medusa) s’invitent sur Mars, album-concept labyrinthique sur lequel Slippers accepte l’idée de ne pas garder la totale maîtrise des événements. Les musiciens s’abandonnent totalement à des invités qui se voient proposer un territoire d’expérimentation parfaitement adapté à leurs capacités vocales respectives.

En découlent donc des titres essentiellement influencés par le hip-hop, en s’en affranchissant toutefois toujours, à l’instar du rageur Deimos mêlant trip-hop et dub à la manière de certains travaux initiaux de Massive Attack, ou des évanescentes Detach et Phobos sur lesquelles voix féminine et flow masculin se marient selon une évidence spectrale qui, faute d’une production impeccable, auraient parfois pu verser dans l’anecdotique mais sont ici magnifiées.

Cette richesse dans le travail du son constitue probablement l’un des principaux atouts de ce disque qui ne recherche pas la cohérence d’ensemble - sans pour autant la rejeter - et rappelle ainsi, au moins dans la démarche, le premier Deltron 3030. Slippers dispose d’une confiance en soi suffisante pour confier les clés du vaisseau aux différents intervenants sans que le trajet global, malgré quelques changements de route bienvenus, ne perde de vue son objectif principal : nous faire planer tout en scrutant de haut, avec un point de vue novateur, notre Planète Bleue.