Le streaming du jour #1366 : Rag And Bones - ’Where Can Your Glory Fade ?’
Fatigués par l’importance prise par Radiohead dans l’actualité cette semaine ? La lecture de ces lignes ne vous épargnera rien, tant le spectre de Thom Yorke et ses acolytes - mais pas seulement - plane sur Where Can Your Glory Fade ?.
Il y a tout juste deux ans, la formation Figures In Motion délivrait un Confusion Will Pass encensé dans les couloirs de notre rédaction pour sa capacité à évoquer sans singer des artistes aussi majeurs que The Notwist ou donc Radiohead.
Il faut l’avouer, la similarité entre les incantations vocales de Mickaël Menu et celles de Thom Yorke renforçaient notre curiosité et notre attrait pour cette galette. Aussi, alors que les Parisiens ont mis cet été un terme à leur collaboration, c’est avec un certain étonnement que nous découvrons la richesse de l’univers de celui qui officiait comme claviériste au sein du trio.
Sous l’alias Rag And Bones, Mathieu Poterie épouse une trajectoire déroutante qui le conduit à déployer un univers synthétique. Si l’influence des Oxfordiens est toujours présente, ce n’est désormais plus vers The Bends, Ok Computer ou même Hail To The Thief qu’il convient de chercher des références tant l’artiste, à l’instar des auteurs de Kid A seize ans plus tôt, a réussi à transcender ses compositions en s’éloignant de ses influences indie rock pour s’orienter vers l’electronica.
Modeste, le Français jure pourtant ne pas être très familier avec ces sonorités, expliquant seulement avoir été attiré par les différents projets de Thom Yorke et Modeselektor avant, aujourd’hui, de commencer "à peine à écouter de la techno".
A l’écoute de Where Can Your Glory Fade ?, il apparaît pourtant évident que celui qui était chargé des parties de MAO au sein du combo Figures In Motion est à l’aise avec les machines. Sur certains titres tels que Brace Yourself ou le magnifique Paralyzed dont le désespoir semble s’accentuer jusqu’à un break salvateur à cinq minutes qui laisse place à un univers plus minimaliste, l’aspect torturé de la voix de Capucine Bernades, l’utilisation de machines aux sonorités froides et les rythmiques synthétiques évoquent allégrement le Kid A de Radiohead ou le Tomorrow’s Modern Boxes de Thom Yorke.
Mais il convient de ne pas réduire la qualité de ce projet à la seule influence de l’auteur de The Eraser. Avec une moitié de pistes instrumentales, l’opus s’avère aussi passionnant lorsque Rag And Bones décline des vaporations organiques minimalistes à la Will Samson (Ghost Horses), se frotte au néoclassique sur la base d’un piano tantôt entêtant, tantôt dubitatif (On Purpose) ou assume totalement sa nouvelle orientation IDM à mi-chemin entre Vessels et Moderat (It’s No One’s Business But Mine ou l’odyssée granuleuse finale de One Must Wait).
Explorant une nouvelle veine de manière à la fois cohérente et diversifiée, s’appuyant sur l’héritage du maître Yorke sans jamais le plagier et dressant des ambiances froides qui excluent toutefois le misérabilisme, Where Can Your Glory Fade ? fait penser aux lendemains d’un séisme. La mue est inévitable, le désespoir est évident mais il y a trop à faire pour pleurer sur son propre sort. Tout est à reconstruire, et Mathieu Poterie remplit admirablement ce labeur en s’appliquant, tel un funambule, à concilier les émotions contradictoires.
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