The Adelians - s/t
Ces jours-ci sort le bel éponyme de The Adelians, disque magnétique qui associe l’émotion de la soul et l’énergie du punk.
1. Naive
2. Come Back
3. It’s Too Late
4. Dis-moi Oui Ou Non
5. Hey !
6. Tu M’Ennuies
7. Stay (feat. Charlène)
8. Let Us Live
9. Seule
10. There’s A Kind Of Hush
11. Nothing Without You
Pour faire vite, on dira que The Adelians associe soul nucléaire, rythm’n’blues sauvage particulièrement rythmique et énergie punk avec une pincée de garage canal historique (en particulier sur l’utilisation démoniaque des claviers) pour lier le tout. En soi, l’amalgame est déjà irrésistible et se montre capable de réveiller les morts mais c’est sans compter sur la voix de Florence Pitard, la très énergique frontwoman d’à peine vingt ans qui chante comme si sa vie en dépendait et à qui il semble difficile d’en remontrer. Déclamant avec morgue et beaucoup de fougue des textes en anglais ou en français parlant essentiellement des mecs, de leur vanité et de leur manque d’engagement, des petits tracas de la vie quotidienne ou de ceux plus remuants des relations humaines, elle rajoute une couche supplémentaire à l’impact déjà important des arrangements. Tout cela aurait pu paraître désuet, il n’en est rien. On y croit tout du long et on se laisse emporter sans la moindre résistance dans le disque, hypnotisé par les cuivres vifs, la rythmique sèche et les circonvolutions racées de l’orgue qui dessinent des bombinettes fuselées qui pénètrent avec beaucoup de facilité les couches dures de l’épiderme pour faire vibrer les strates bien plus tendres qui se cachent en-dessous. The Adelians électrise tout sur son passage. Mené par sa Soul Sister #1 (dixit le label sans qu’on y trouve quoi que ce soit à redire) et ses Soul Warriors, leurs morceaux abrasifs mais particulièrement bien achalandés se montrent immédiatement jubilatoires.
On distingue quelques reprises dont la vieille scie There’s A Kind Of Hush (popularisée par les suaves Herman’s Hermits et les trop sucrés The Carpenters) que The Adelians débarrasse de ses excédents de glucose ou encore le Stay de Rihanna (avec une apparition de Charlène derrière le micro) dont ils ne conservent que le nerf pour mettre en avant la mélodie qu’on n’avait pas su distinguer jusqu’ici. Deux morceaux qui pourraient avoir été écrits par eux car s’intégrant parfaitement dans la collection des neuf autres sans être le moins du monde saillants, preuve que le groupe possède sa propre patte qui fait sonner si bien tout ce qu’il joue. Ainsi, de l’introductif et très soul Naive au plus arraché Dis Moi Oui Ou Non en passant par les très classes It’s Too Late ou Let Us Live plus loin, c’est un festival de refrains rigolos (« Tu es sexy / t’as une ferrari/ un compte bien rempli / mais j’ne veux pas de toi pour mari / parce que toi tu m’ennuies » sur le bien nommé Tu M’Ennuies par exemple), de lignes d’orgue rutilantes (Come Back, Seule et tant d’autres), de cuivres bondissants (Hey !), de guitares contrites pourtant capables de montrer leurs crocs fuzzy (It’s Too Late) et de chœurs adhésifs (Naive). Sans être le moins du monde complaisant, le tout donne simplement envie de danser un grand sourire aux lèvres quand, habituellement, on n’a pas trop envie de danser et encore moins de rigoler. Pas de grosses ficelles à l’horizon ou de trucs trop débordants venant dramatiquement dégouliner à la sortie des enceintes. Ce qui frappe au contraire, c’est que ce groove nucléaire se déploie sur un parterre paradoxalement très sec d’où absolument rien ne déborde. The Adelians reste dans les strictes limites de la soul mais y déploie une énergie qui les repousse.
Réunissant des membres de Radek Azul Band et des Chacals (dont Arnaud Dandelot déjà croisé chez Abject Object ici à la basse, Mathias Luszpinski au ténor qui fut un temps membre du Jim Murple Memorial ou encore Guillaume Briard au baryton, bien connu des amateurs de reggae), on sent bien que tout ce petit monde est entièrement dévoué à sa musique et maîtrise son sujet. De là sans doute la grande efficacité de ce convulsif éponyme. Fidèle aux Tables de la Loi tout en tordant les stéréotypes (en injectant par exemple du Français dans la soul, ce que l’on n’avait plus entendu avec autant de réussite depuis des lustres), on a là un disque magnétique qui ne demande qu’à être écouté. Un nouveau sans-faute à porter au crédit de Specific Recordings conjointement au très chouette Q-Sounds Recording, label créé sous l’impulsion de Chris Thomas et des deux Joyful Noise, Ludovic Bors et Antoine Demantké (que l’on retrouve d’ailleurs ici derrière l’orgue et la batterie, la guitare féline de Jake Blackbird venant compléter le line-up) pour sortir la musique qu’ils voulaient - systématiquement couchée sur bandes analogiques - en suivant un schéma hérité de la soul 60s’ américaine : « Un groupe maison capable de produire et jouer le répertoire des différentes voix du label ». Une affaire de puristes, The Adelians. Mais qui s’adresse à tous.
Électrisant.
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