En 2015, IRM a aimé... 10 albums hip-hop

Jusqu’à mi-janvier, l’équipe d’IRM au complet revient par catégories plus ou moins définies sur ses indispensables de l’année, ceux qui nous mettent d’accord ou du moins ceux qui nous évitent de trop nous écharper. Coup d’envoi avec le hip-hop, sans doute le consensus le plus facile à atteindre du lot, c’est dire si ces dix disques classés par ordre alphabétique ont placé haut la barre en terme de groove, de sincérité, d’expérimentation décomplexée, d’atmosphère et d’efficacité.




Backburner - Eclipse




"Ce deuxième véritable album du collectif alt-rap d’Halifax reprend les choses là où Heatwave les avait laissées il y a 4 ans sur le même label Hand’Solo, à savoir pile en équilibre entre good vibes funky de nerds en bermuda blindées de grooves rondelets et de name-dropping improbable, et bad trips façon séries B qui jouent à se faire peur en télescopant SF geek, pop culture prépubère, mythes revisités et autres allégories surnaturelles sur fond de tension au cordeau et d’angoisses véritables. Quant au milieu d’album, on y trouve trois tueries sidérales, les effluves orientaux du morceau-titre faisant écho au hip-hop égyptologique de Golden Empire, tandis qu’In The Place s’impose aisément comme le manifeste tardif de cette fine équipe : un festival de couplets de bravoure où surnagent un Jesse Dangerously fou comme feu Ol’ Dirty Bastard, Mister E en surtension d’emblée et The Mighty Rhino en guest pour un final au bord du pétage de plombs, Fresh Kils signant pour l’occasion un véritable instru d’anthologie."


(Rabbit)




< streaming du jour >< 2ème du top albums en mars >




Busdriver - Thumbs




Un an après Perfect Hair, le vétéran de la machine à rimes haut-débit claque un grand Thumbs en forme de résumé d’une carrière exemplaire de plus de 20 ans ! Busdriver a vécu les mutations du petit monde du hip-hop de l’intérieur : il y est venu historiquement grâce au Project Blowed où il a musclé son flow athlétique, créé un style et cultivé une certaine conscience sociale, mais lorgnant depuis toujours vers l’expérimentation électro-rap de l’underground californien, il prêche maintenant la bonne parole du coté du Hellfyre Club. Thumbs est un peu un condensé de tout ça, mais c’est avant tout une réussite magistrale qui surpasse le perfectible Perfect Hair. Busdriver trouve enfin l’équilibre jouissif entre flow mitraillette et sing-rap actuel. Niveau featurings de luxe, on croise aussi bien le vieux Del the Funky Homosapien que les jeunes Jeremiah Jae, Milo ou Zeroh. Quant aux productions toutes signées par l’excellent Kenny Seagal et Mono/Poly, elles frisent trap ou chill tout en collant parfaitement à Busdriver qui prouve qu’il a bel et bien les pieds ancrés dans son temps, mais que ses yeux ne peuvent pas faire autrement que de regarder les étoiles et d’innover ! Grand !


(Spoutnik)






Ceschi - Broken Bone Ballads




Légende de l’alt-rap ricain, emcee tout-terrain, apôtre du cross-over multidirectionnel, activiste indé et patron de Fake Four Inc, Ceschi Ramos nous avait gravement manqué ! Broken Bone Ballads est son quatrième album après une longue absence de cinq ans (si on fait abstraction de la sublime "compilation" Forgotten Forever sorti sur le label français Cooler Than Cucumbers l’année dernière et de ses featurings dans tous les sens). Pas de suspense, Broken Bone Ballads est un petit chef-d’œuvre, l’alchimie avec Factor à la production est limpide et parfaite (une autre légende mais canadienne cette fois-ci, d’ailleurs ne loupez pas son Famous Future Time Travel avec Myka9, encore une légende mais californienne cette fois-ci). Tantôt épique, tantôt folk, tantôt sing-rap, tantôt hip-hop canal historique, mais toujours organique et viscéralement humain, l’album porte le flow bondissant et à fleur de peau du rappeur de New Haven à des profondeurs d’introspection inégalée. Un opus qui redonne foi en la vie malgré toutes les merdes qu’elle peut nous réserver (et Ceschi en a connues ces derniers temps), le seul problème est qu’on ne pourra pas attendre encore cinq ans pour un nouvel album du bonhomme...


(Spoutnik)






Ghostpoet - Shedding Skin




"Shedding Skin est un disque profondément tourné vers l’extérieur là où Some Say I So I Say Light se voulait plus introspectif, l’album faisant alors suite à une rupture délicate. Suivant cette logique, Ghostpoet invite de nombreux artistes, de Melanie De Biasio à Paul Smith (Maxïmo Park), en passant par Lucy Rose ou Nadine Shah. Une forme d’urgence émerge du disque, mais il ne s’agit pas de ce type d’urgence qui hésite avec le cafouillage ou l’empressement. Les instrus hip-hop d’autrefois se font ici plus discrets. L’électricité s’impose comme la force dominante, atteignant son paroxysme au cœur de l’album, sur un Yes, I Helped You Pack dénonçant, sur un versant lorgnant sur le trip-hop industriel, les violences conjugales."


(Elnorton)




< chronique >< 3ème du top albums en mars >




Ka - Days With Dr. Yen Lo




Depuis pas mal de temps chez IRM, nous guettons chaque album de Ka : Grief Pedigree en 2012, suivi par l’excellent The Night’s Gambit, puis 1200 B.C. l’année dernière, l’emcee de l’East Brooklyn ne nous a jamais déçus et encore une fois à l’heure des bilans, son Days With Dr. Yen Lo a été l’une des sorties hip-hop qui a marqué l’année 2015. Produit par Preservation (déjà aux manettes sur 1200 B.C.), l’album fait référence au psychiatre sadique de "The Manchurian Candidate", film de John Frankenheimer sorti en 1962, chaque piste s’inspirant librement d’un jour passé avec le docteur Yen Lo et le résultat collant parfaitement au style hypnotique et néoréaliste de Ka. Au programme (comme d’habitude, mais quand le rendu est excellent, je ne vois pas où est le problème), un flow lent et brut, glacial et brutal servi par une production lugubre et minimale, une sorte de transe primitive en milieu carcéral qui fait de Ka l’une des plus passionnantes anomalies du hip-hop moderne.


(Spoutnik)






Monsieur Saï - La guerre de fait que continuer




Le rappeur et producteur manceau nous en met plein les nerfs, plein la conscience, plein les tympans surtout avec ce nouveau brûlot qui le voit déléguer une partie des instrus aux compères O.S. de La Mauvaise Humeur (l’ultra saturé et tous riffs dehors Qui nous protège de nos protecteurs ?), Le Crapaud & La Morue (le minimaliste Homme sandwich tout en tension larvée à l’image de son texte), Pierre The Motionless (le fiévreux La sagesse ne viendra jamais) et autre Rico des Cornershop Beatmakers (l’ethno-boom-bap des tout aussi martiaux Peu de gens le savent et Le pendu et l’esclave). Quant au fidèle Arth ?, il laisse traîner son saxo désabusé sur l’appel aux armes de Dernier verre avant la guerre pour mieux le torturer ensuite sur un 65 millions de grimaces acrimonieux à souhait puis nous en marteler les conduits auditifs en mode jazz-indus sur Caféine, triplette de prods rageuses en ouverture sur lesquelles Monsieur Saï laisse libre cours à son envie de passer la tiédeur ambiante au micro-ondes jusqu’à l’implosion.


(Rabbit)




Onoe Caponoe - Voices From Planet Cattele




"Avec ce nouveau Onoe Caponoe, nous naviguons dans de hautes sphères cannabiques et spectrales, et même d’encore plus hautes sphères puisque le concept central de Voices From Planet Cattele est l’espace. Donc au programme, des aliens, de la weed, de la sci-fi, de la new age et pas mal de space bitches, avec le flow impeccable de Onoe Caponoe, nonchalant et un peu nasillard, aussi bien chirurgical que cool, jouant sur la technique, le débit, la voix et la cadence. L’album tient autant du rock psychédélique sous substances hallucinogènes des années 60/70, du funk intergalactique que du boom-bap 2.0 et même du grime futuriste. La production est donc bien planante sur l’ensemble du projet, avec un Chemo ajoutant comme un magicien des couches de claviers éthérés et de synthétiseurs atmosphériques sur à peu près chaque piste."


(Spoutnik)




< streaming du jour >< 5ème du top albums en janvier >




OptimisGFN - Iller Thriller !




Encore une fois Bertrand Blanchard (Hello.L.A.) et Justin Bieler (I Had An Accident) ont eu le nez fin en allant nous extirper OptimisGFN des limbes du rap indépendant des années 2000. Après quelques mixtapes et surtout quelques feats fabuleux sur le Beta One de Komadose, le gars du Lost Channel de Cambridge (Massachusetts) était complètement sorti des écrans radar. 2015 sera donc l’année de sa renaissance avec deux sorties admirables. D’abord Young Whipper Snapper, un EP limpide et parfait puis avec Iller Thriller !, un long format plus complexe et torturé et autant le dire immédiatement, ce sont deux claques imparables ! Le style d’OptimisGFN a quelque chose proche de l’abstract californien, un je-ne-sais-quoi de Knxwledge sous amphétamine, un truc solaire et contemplatif mais aussi quelque chose de profondément berlinois (où il habite maintenant), un truc expérimental, sombre et répétitif, presque calibré pour le clubbing. Niveau flow, on se rapproche un peu de son pote K-The-I ???, le style est proclamé, mais incroyablement sensible et assurément impeccable. OptimisGFN vient de signer un retour gagnant et on attend avec impatience ce que son futur nous réservera !


(Spoutnik)




L’Orange & Kool Keith - Time ? Astonishing !




On avait aimé les débuts surannés et jazzy (Old Soul avec la voix de Billie Holiday un peu partout), parfois presque trip-hop (cf. The Mad Writer ou The Orchid Days) de L’Orange, un poil moins le hip-hop à la Rhymesayers d’un City Under The City qui manquait peut-être un peu de folie mais depuis The Night Took Us In Like Family en début d’année avec le toujours classieusement nonchalant Jeremiah Jae, le producteur désormais basé à Nashville revient en beauté du côté cinématographique et syncopé de la force, avec une bonne dose de samples improbables et autres émissions martiennes sur cette collab rétrofuturiste ressuscitant le Kool Keith de Dr. Octagon en plus décontracté et moins dépravé. Délicieusement barré comme une semaine de vacances les doigts de pied dans la Voie Lactée, Time ? Astonishing ! est un petit traité de physique quantique pour touristes intergalactiques avec pour seul défaut de filer comme une supernova.


(Rabbit)






Billy Woods - Today, I Wrote Nothing




"Des beats urbains dark et oppressants, des boucles d’électro ou de dub nébuleux, des circonvolutions jazzy, pianotages libertaires ou synthés menaçants, une production subtile télescopant sans discontinuer pesanteur et légèreté quasi impressionniste, coolitude et tension, densité et économie de moyens, le tout couronné par un flow ultra-déterminé... Today, I Wrote Nothing est minimaliste et plein comme un œuf, inventif et sans concession, sincère jusqu’à la nausée, flirtant par moments avec le chaos pour mieux retrouver l’instant d’après ce sens du tranchant brut et habité qu’on vous vante depuis deux ans déjà, à se demander comment Billy Woods, bien épaulé sur ce 5e opus par Elucid son compère et producteur d’Armand Hammer et leur homme de l’ombre Messiah Musik, n’est pas encore devenu le nouveau rappeur culte de toute cette génération qui fait doucement le deuil des El-P, Sole et autre Aesop Rock."


(Rabbit)




< 4ème du top albums en mars >


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