The Last Morning Soundtrack & Anonymous Choir - L’Antipode (Rennes) - 13/12/2015

Réchauffement climatique oblige, l’hiver breton est moins froid qu’à l’accoutumée. En ce milieu d’après-midi dominical, les badauds affluent pourtant aux abords de la porte d’entrée de l’Antipode, frigorifiés et pressés qu’ils sont de rejoindre un environnement disposant d’un système de chauffage.

Mais la véritable attraction, c’est évidemment l’alléchante doublette de concerts programmée sur un créneau peu conventionnel puisque la première représentation débutera à 16 heures 30. Avant cela, aux abords de la buvette, ce sont les thés, cafés et gâteaux qui se substituent aux habituels demis, suscitant alors la convoitise d’un public très familial.

De par son format relativement réduit, la salle de l’Antipode donne déjà habituellement le sentiment d’enfermer les auditeurs dans une forme de cocon forcément contenant. Cet après-midi, l’impression est accentuée puisque, aux premiers rangs, des coussins sont disposés au sol alors que des tables - autour desquelles des sièges sont agencés - ont été installées à quelques mètres de la scène. Muni d’une boisson chaude et d’une part de gâteau, assis auprès de l’une de ses tables, l’impression d’être dans un café-théâtre prime.

Ce cocon va devenir plus confortable et palpable dès lors que Sylvain Texier joue les premières notes d’un concert lors duquel il reprendra de manière presque exclusive les titres de son deuxième opus intitulé Promises Of Pale Nights, sorti en octobre dernier, et dont on reparlera forcément dans ces lignes tant il est abouti.

Ce dimanche, The Last Morning Soundtrack se présente sous la forme d’un trio, emmené par son leader qui alternera entre la guitare et le piano, tout en assurant quelques parties de percussions discrètes, assisté par Gerald sur certaines parties de piano et de la fidèle Juliette Divry au violoncelle.

Tous les morceaux forts du dernier opus de la formation rennaise sont à l’honneur : de l’inévitable Our Wasted Sighs à From Now On, en passant par Your Lights, que Sylvain Texier dédie à une mystérieuse personne présente dans la salle qui lui aurait sauvé la vie, ou encore Your Tomorrows, évoquant les lendemains d’une relation amoureuse, et dont l’introduction du morceau permet aux musiciens d’assurer quelques traits d’humour.

La communication avec le public mérite justement que l’on s’y attarde. Il n’est pas facile de décupler l’enthousiasme d’une salle dans un contexte comme celui de ce concert dominical. En ce sens, malgré une timidité évidente, les membres de The Last Morning Soundtrack trouvent la bonne formule, entre autodérision, clins d’œil à l’actualité en cette journée d’élection, et discrétion. Cette dernière dimension se justifie par la nécessité d’être authentique. Tout artifice supplémentaire pourrait en effet altérer l’aspect onirique de la prestation.

Dans un esprit oscillant entre les univers de Damien Rice, Bon Iver ou Sigur Rós - des références que l’on retrouve également sur le disque, ce qui n’a rien d’étonnant puisque ces versions live sont assez proches de la copie rendue en studio - l’ambiance est forcément à la contemplation. On se surprend à fermer les yeux et se perdre dans ses pensées tout en gardant un contact évident avec la musique distillée, pour toujours revenir vers l’essentiel avant la fin du morceau, comme si ces allées et venues avec notre conscience étaient télécommandées par les musiciens.

Quittant la salle de manière trop pressée pour que l’on envisage sérieusement qu’il n’y ait pas de rappel - les applaudissements soutenus et continus des spectateurs se chargeront du reste -, les Rennais reviendront avec The Last Chapter, titre final de A Distance. A Lack, premier album que la formation avait sorti en 2011.

Une prestation empreinte de mélancolie mais jamais plombante, qui nous a permis d’approcher les étoiles, avant d’atterrir tout en douceur - il ne suffit pas d’envoyer l’auditeur loin, la transition vers la réalité constitue un art à ne pas négliger - et le Third de Portishead diffusé par la sono n’est pas de trop pour que l’on se remette de nos émotions.

Place ensuite à Anonymous Choir, formation menée par Nona Marie Invie de Dark Dark Dark, qui prend place auprès d’un piano à queue, tournant de trois quarts le dos à une partie du public, tandis que Annika Kaplan, Erin Smith, Emily Temte et Alyssa Hill, les quatre choristes, sont alignées face à elle.

A la lecture du programme, la mention "Anonymous Choir Sings Leonard Cohen" laissait supposer que l’œuvre du Canadien serait l’unique objet des revisites du quintet féminin. Ce ne sera pas le cas puisque des titres de Joni Motchell, Neil Young, mais également Radiohead (No Surprises) ou Angel Olsen seront interprétés.

La production de Leonard Cohen n’est pour autant pas mise de côté, et de larges frissons seront assurés sur une reprise de The PartisanNona Marie Invie se charge même avec efficacité des parties vocales en français.

Dans un exercice constitué intégralement de reprises, l’ensemble peut parfois manquer de liant, et quelques titres paraissent plus dispensables. Le cas échéant, les relectures peuvent avoir un caractère trop scolaire si bien que, face à ses quatre choristes, la chanteuse de Dark Dark Dark peut ressembler à une professeur de piano dont la bienveillance ne saurait toutefois être remise en question.

Fort heureusement, le plus souvent, ces reprises situées aux confins de la folk et du gospel - l’origine nord-américaine du quintet est en ce sens parfaitement perceptible - sont chargées d’émotion sans jamais être larmoyantes. Minimalistes, puisque le piano constitue le seul soutien aux cinq paires de cordes vocales, ces prestations ne sont jamais soporifiques. Le risque était pourtant réel.

La communication avec le public est minimale, mais Nona répète à plusieurs reprises son plaisir d’être présente en France pour défendre ce projet jusqu’alors rodé aux Etats-Unis dans le cadre de tournées locales.

Après ces deux sets d’une heure chacun, il ne reste plus qu’à braver de nouveau le froid breton. La nuit est tombée, et l’ambiance environnante accompagne en ce sens tout à fait la mélancolie jamais totalement désabusée que chacun des artistes a su partager avec un public absolument conquis.


Articles - 14.12.2015 par Elnorton
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