Interviewé dans nos colonnes à l’époque de cette série d’articles sur la crise de l’industrie du disque puis à nouveau trois ans plus tard pour parler plus avant de cette fabuleuse structure électro ukrainienne capable de la plus grande radicalité expérimentale sans jamais tomber dans la démonstration poussive ou dans l’egotrip prétentieux, le patron Dmytro Fedorenko s’était rapidement imposé sur des sorties telles que Revolt ou même Reset comme le plus abstrait, microsonique et déconstruit des musiciens de l’écurie Kvitnu, sorte de Ryoji Ikeda ou de Mark Fell slave en plus chaotique et strident.

Depuis, de collaborations avec les compères kiéviens Zavoloka et Dunaewsky69 d’un côté ou de l’autre ses poulains portugais de Sturqen, le discret manitou du renouveau IDM et techno-noise d’Europe de l’Est a su injecter tension dramatique et sonorités harsh plus organiques sans sa musique parfois trop hermétique. De cette lente maturation, l’EP Rozviy est l’aboutissement : trois titres savamment emboîtés qui pulsent avec acharnement leurs saturations abrasives et cisaillent les neurones à coups de lames de bruit blanc, de larsens analogiques et de synthés distordus, à l’image de l’artwork toujours parfait de Zavoloka.

Mathématique toujours, la musique de Kotra est ainsi dans le même temps devenue viscérale, presque sensuelle dans sa mixture de minimalisme mutant et d’impulsivité charnelle. Petit disque par la durée, mais grand, très grand par son impact sur les synapses comme sur le corps, transformé en zone sismique par les beats corrosifs et les secousses très deep des basses de l’Ukrainien.