Le streaming du jour #1301 : Emika - ’Klavírní’ & ’DREI’
Déçus par DNA, on attendait Emika au tournant. L’ex Bristolienne, Berlinoise d’adoption, resterait-elle donc l’artisan d’un seul grand disque avant la chute ? La voir de retour cette année avec une paire d’albums autoproduits après avoir un temps fait figure de "next big thing" pour une écurie aussi prestigieuse que Ninja Tune n’avait rien pour nous rassurer...
L’opératique Dem Worlds, toutes nappes de cordes élégiaques en avant, ayant sauvé DNA de la débâcle il y a deux ans, pas si étonnant que Klavírní et ses variations au piano agrémentées ici et là de discrètes manipulations électroniques remporte largement nos suffrages tout comme ceux des fans de la première heure, d’ores et déjà épuisé en vinyle sur Bandcamp et presque sold out en CD.
Derrière la rupture stylistique d’apparence radicale, cette série de courts instrumentaux minimalistes renoue en effet avec la sensualité ambivalente et tourmentée qui sous-tendait les joyaux noirs de l’album éponyme. D’accords cafardeux voire funèbres (Dilo 10, Dilo 11) en arpèges angoissés (le troublant hommage à Satie de Dilo 7, le touchant Dilo 13 que rehaussent sur la fin d’étranges pulsations d’outre-rêve), on y perçoit assez nettement l’ombre dramaturgique de Michael Nyman (cf. les Dilo 8 et 12), et bien que subsistent également quelques vestiges des structures chères à Philip Glass, mentor de ce dernier, ces fragiles remparts de lyrisme caressés par l’abîme du néant (Dilo 5) ne constituent qu’une éphémère échappatoire aux réminiscences de schizophrénie (Dilo 9) qui ne cessent d’aller et venir sous les gammes désespérées de l’Anglo-Tchèque, culminant sur la mélodie terrassante de tristesse d’un Dilo 6.
Quant à DREI, troisième véritable opus comme l’indique son nom en allemand, c’est logiquement lorsque la musicienne de formation classique y retrouve l’instrument à cordes frappées que l’album se découvre un relief à la hauteur de cette sensibilité troublée, à l’image de Miracles et surtout de son très beau Prelude. Car pour le reste, rien à chérir ou à jeter dans cette électro-pop néo-gothique au romantisme malmené : un cran au-dessus de DNA malgré cette agaçante propension aux effets d’écho sans finesse, mais malheureusement - à l’exception peut-être de l’ambivalent Rache (Revenge) - loin d’être d’aussi vénéneuse ou hantée que sur un éponyme pour lequel Emika avait peut-être trop donné de son âme et de son talent, bien trop vite... n’en déplaise a tous ceux qui n’auront pas su à l’époque goûter la profondeur de ce sommet de bass music à mi-chemin de Björk et de Massive Attack, parfait trait d’union entre Bristol et Berlin dont l’aura bien gardée n’a pas diminué d’un iota en 4 ans.
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