Jean-Louis Murat & The Delano Orchestra - Babel
Avant chaque album, Jean-Louis Murat assure l’exercice de promo qu’il aime détester. Il rencontre ainsi les journalistes, leur donne la pâtée et la phrase choc qu’ils sont venus chercher en lui tendant un micro et s’en va en tournée. Avec la sortie de Babel, le natif de La Bourboule ne déroge pas à la règle si ce n’est qu’aussi désabusé soit toujours son propos, il se fait moins polémique. Alors, fatigué le Murat ?

1. Chacun Vendrait Des Grives
2. Chant Soviet
3. J’Ai Fréquenté La Beauté
4. Blues Du Cygne
5. Dans La Direction Du Crest
6. La Chèvre Alpestre
7. Qu’Est-Ce Qu’Au Fond Du Coeur
8. Les Ronces
9. Mujade Ribe
10. Vallée Des Merveilles
11. Le Jour Se Lève Sur Chamablanc
12. Neige Et Pluie Au Sancy
13. Col De Diane
14. Noyade Au Chambon
15. Tout M’Attire
16. Frelons D’Asie
17. Long John
18. Chagrin Violette
19. Camping A La Ferme
20. Passions Tristes


A en croire la quantité de morceaux disponibles, pas du tout, puisque cette nouvelle sortie prend la forme d’un double album s’étalant sur plus d’une heure et demie. Un an et demi seulement après le très bon Toboggan, on hésite entre deux visions de l’esprit, la première tendant à considérer qu’incontestablement, l’artiste est prolifique et l’autre nous mettant en garde face au partage d’un contenu aussi dense dix-huit mois seulement après sa dernière moisson.
C’est que les doubles albums sont souvent ennuyeux. A l’issue de leur écoute, il n’est pas rare d’hésiter entre l’impression que l’artiste, en épurant de quelques morceaux, aurait pu faire un chouette LP ou celle voulant qu’aussi réussies soient les deux parties du double, elles auraient eu autant de sens si elles avaient fait l’objet de sorties indépendantes.
Dans l’absolu, ces deux pensées trouvent un écho dans l’écoute de Babel. Si Jean-Louis Murat est clairement inspiré, il aurait pu faire l’économie de quelques morceaux plus dispensables, particulièrement à la fin du premier disque (Les Ronces) ou au début du second (Col De Diane, Noyade Au Chambon).

Revendiquant toujours un idéal qui s’inscrit loin de la vie parisienne et des nouvelles technologies, l’ermite n’est néanmoins pas seul dans sa tour sur Babel puisqu’il convie les membres du Delano Orchestra qui lui ont apporté, dit-il, "leur savoir-faire et leur technique". Si le premier disque explore essentiellement le sillon creusé depuis Le Cours Ordinaire Des Choses par un Murat désabusé à l’énergie rock (Chacun Vendrait Des Grives, J’Ai Fréquenté La Beauté), les Clermontois teintent clairement les compositions de l’auteur de Lilith à partir de Mujade Ribe et surtout sur le second volet de cet opus.
A la mélancolie et au spleen dégagés par Jean-Louis Murat, les membres du Delano opposent en effet des éléments plus lumineux, à commencer par les cuivres. Sur cette face instrumentalement riche, on pense parfois aux Tindersticks (Tout M’Attire, Frelons d’Asie) pour l’émotion sur le fil et l’harmonie rare entre cuivres et cordes.
Par ailleurs, le jeune sexagénaire n’oublie pas de faire preuve d’audace comme sur Camping A La Ferme où des voix d’enfants répondent à la sienne, non pas pour donner une dimension lyrique bancale comme c’est trop souvent le cas dans pareille situation, mais pour dynamiser l’ensemble, ce qui est ici réussi avec brio.
Le verbe déclamé d’une façon inimitable et plus ambitieux musicalement que ses deux prédécesseurs (Toboggan et le plus anecdotique Grand Lièvre), Babel parvient, en évoluant brillamment d’une énergie folk-rock vers une pop jazzy sans même que l’auditeur s’en rende véritablement compte, à éviter le surplace rédhibitoire dans bon nombre de doubles albums.

Quelles sont les raisons qui nous font, chaque année, lire et relire les différents tops affolant webzines et presse spécialisée ? Si ces objectifs plus (la volonté de partager de nouveaux disques) ou moins (l’illusion d’être un défricheur) avouables rendent l’exercice de plus en plus raillé, j’y vois essentiellement l’occasion d’ordonner mes découvertes (...)

C’est qu’il est agaçant le Jean-Louis. Avec sa mine bourrue, sa tendance à ne sourire que lorsqu’il se pince et ses avis parfois (souvent trop) tranchés, il n’a pas tout à fait le profil du joyeux-drille.


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