Le streaming du jour #1083 : Yann Tiersen - ’Infinity’
"Ce qui a peut-être un peu foutu la merde, c’est Amélie, parce que ça a amené un succès un peu trop gros, que des gens ont peut-être écouté ma musique pour des mauvaises raisons". Il est évident que la musique de Yann Tiersen a toujours évolué, délaissant peu à peu les comptines faussement naïves des débuts pour des ambiances plus sombres et volontairement moins accessibles.
Cette évolution déjà entamée sur L’Absente, Le Phare et Les Retrouvailles entre 1998 et 2005 s’est accrue avec la signature du Breton chez Mute en 2010. Dès lors, Dust Lane et Skyline posaient les bases d’une musique moins éthérée lorgnant du côté du post-rock.
Si les codes restent peu ou prou les mêmes, Infinity ne vient pas compléter ce qui serait une trilogie. Yann Tiersen a tenu à s’affranchir de certaines habitudes de composition qu’il avait pu établir. Ainsi, il a renoué avec l’utilisation d’instruments-jouets et autres éléments acoustiques - qu’il distord plus tard sur ordinateur - délaissés dans un passé récent.
Clairement influencé par la nature, ce disque a été enregistré entre l’Islande, les Îles Féroé et Ouessant, le point le plus à l’ouest de la France métropolitaine. C’est d’ailleurs sur ce dernier lieu, au bord de la mer, que l’artiste a donné un concert surprise lui permettant de roder ses nouveaux morceaux tout en en assurant la promotion.
Le thème de la pierre revient avec insistance sur Infinity. Ar Maen Bihan, un poème composé et chanté en Breton par Émilie Quinquis, aka Tiny Feet dont on parlait déjà il y a deux ans, fait la part belle à cet élément. Ce même texte sert d’illustration vocale à plusieurs morceaux chantés dans des langages différents. Les Islandaises d’Amiina, qui accompagnent régulièrement Sigur Rós sur scène, interprètent Steinn, tandis que le Féroïen Ólavur Jákupsson d’Orka (que Yann Tiersen avait rencontré à Rennes lors des Transmusicales 2008 lors d’un concert commun si intense qu’il en résulta une parution discographique) s’invite sur Grønjøro. Enfin, l’Écossais Aidan John Moffat, ancien membre d’Arab Strap, déclame ce même texte en Anglais sur l’étouffant Meteorites final.
En somme, Yann Tiersen a su piocher dans son large réseau pour en tirer le meilleur. Si les compositions sont comme toujours de qualité avec le Breton, un net regain de forme est à constater par rapport à un Skyline correct mas peu enthousiasmant. Plus encore que minéral, Infinity est un disque maritime. On ressent clairement l’apaisement inhérent à l’isolement propre à ces lieux en même temps que la force des différents éléments, un souffle semblant dominer en permanence l’album. S’il n’avait pas déjà choisi ce titre pour un opus précédent, Infinity aurait pu être baptisé Le Phare. Arrimé à un bout de rocher au beau milieu de la mer, tel est le décor auquel ce disque a tôt fait de nous renvoyer. Un isolement d’autant plus paradoxal au regard du nombre d’invités sur cet album hypnotique et poignant qui s’impose comme l’un des travaux les plus essentiels de Yann Tiersen.
En écoute jusqu’au 19 mai sur le site de NPR.
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