Interview sur un nuage - 1/ Arno M.
Les plus fidèles de nos lecteurs auront certainement remarqué des messages subliminaux distillés ces dernières semaines sans ostentation dans nos pages, concernant un ambitieux projet prévu pour les fêtes de fin d’année. Coupons court au mystère, si ce n’est au suspense : il s’agit d’une compilation, entièrement composée de morceaux inédits que nous ont gracieusement offerts un certain nombre d’habitués des colonnes d’IRM. Et... c’est tout pour le moment ! Vous en saurez plus très bientôt en suivant les petits cailloux que la rédaction sèmera à raison de deux interviews par semaine, agrémentées d’énigmes et de surprises, jusqu’à la mise à disposition de l’objet. Une invitation à vous familiariser avec l’univers de nos contributeurs de tous horizons géographiques et musicaux, en espérant qu’ils vous surprennent et vous enthousiasment autant que nous.
Vous l’aurez compris au regard de notre première entrevue "sous les cendres", cette série sera bipolaire et alternera chaque semaine interviews de l’ombre et de la lumière. Le soleil, Arno M. connaît sûrement, lui qui nous vient de la Côte d’Azur... et pourtant ces Musiques pour le Vide qui le placèrent sur notre route au tout début de la rubrique "streaming du jour" nous évoquent plutôt ce moment de flottement aux dernières lueurs de l’éveil, de rêveries ambient en élégies acoustiques sillonnées de réverbérations en clair-obscur et de claviers en suspension. S’en étaient suivis en fin d’année dernière le linceul de drones de l’EP Louisette tantôt nostalgique ou plus angoissé, et un troublant Bocalland aux allures de recherche du temps perdu qui ne pouvait que laisser augurer du meilleur pour le morceau que nous a concocté le discret Arno. Un artiste complet, également dessinateur, photographe et vidéaste de talent, qui nous livre enfin ici quelques-unes des clés de son univers intimiste aux charmes singuliers.
L’interview
IRM : Y a-t-il deux ou trois choses que nos lecteurs devraient savoir de toi avant d’écouter la compil’ ?
Arno M. : Rien de particulier, j’espère que la musique parlera d’elle-même.
Tu as commencé par le dessin, et aujourd’hui ton travail s’étend à la photographie et à la vidéo. Que cherches-tu à capter dans la musique qui échappe à la représentation visuelle ?
Ce qui me séduit totalement dans la musique (et que je retrouve dans le dessin, mais différemment) c’est le fait de créer spontanément de façon sensorielle, émotionnelle et instinctive, sans passer par l’intellectualisation. Ça n’empêche pas d’avoir des idées de concept, de thèmes ou autres, mais il y a vraiment le plaisir créatif simple de toucher un instrument et d’en faire sortir une note, sans aucune autre forme d’explication ni de réflexion. C’est aussi pour ça que je me consacre pour l’instant à la musique instrumentale.
Depuis ton premier album Musiques pour le Vide, on compare volontiers les atmosphères de tes instrumentaux à celles des compositions fantasmatiques et éthérées d’Angelo Badalamenti. Le cinéma t’a-t-il influencé, et celui de Lynch en particulier ?
Plutôt que le cinéma en tant que tel je dirais que les univers de certains artistes m’ont influencé et parmi eux, bien sûr, fortement, il y a David Lynch. J’adore ses créations, dans tous les domaines qu’il aborde d’ailleurs. Là aussi, il n’y a aucun message intellectualisé et pourtant ça dit énormément de choses, et de choses différentes selon la sensibilité de celui qui s’y intéresse…
Qu’est-ce qui t’a décidé à prendre part à ce projet de compilation ?
Le soutien d’Indie Rock Mag à mes travaux et leur sympathie.
Si tu devais décrire ta contribution en une phrase ?
Oula... euh, en un mot : nuageuse ?
Tes multiples talents aidant, tu es un adepte du Do It Yourself, de l’enregistrement aux pochettes de tes disques en passant par leur distribution. Est-ce un choix naturel pour préserver la dimension intime de ta musique, ou le seul fait des circonstances ?
Plus ou moins les deux mais c’est loin d’être uniquement le fait des circonstances : depuis toujours, et déjà en tant que spectateur, auditeur, etc. je suis sensible à l’art brut, mal arrangé, un peu rugueux… ça ne veux pas dire que je ne sois pas amateur d’un film à grand budget ou d’un album ultra produit, si ça me touche. Mais j’ai toujours eu une tendresse particulière pour les œuvres faites par une seule et même personne, un peu artisanalement, dans son coin. Et dans le monde ultra professionnalisé, codifié et industrialisé qui nous entoure, j’ai de plus en plus besoin de ça.
La musique "gratuite" ça t’inspire quoi ?
Vaste débat. J’élargirai le champ de la question : de mon point de vue, l’être humain est ainsi fait qu’il a besoin de payer quelque chose (que ça soit avec de l’argent, avec son temps ou de sa personne) pour pouvoir lui accorder de la valeur, quelle que soit cette valeur et quelle que soit cette chose. D’une manière générale, plus une chose est abondante et facilement disponible, moins on arrive à se sentir impliqué auprès d’elle. Du moins j’en ai l’impression. Mais personnellement, je ne gagne pas ma vie avec ma musique et j’ai un métier à côté donc ça ne m’empêche pas de créer et, bien au contraire, ça me donne une liberté importante.
Un disque à écouter sur un nuage ?
Plutôt une chanson : Questions In A World Of Blue chantée par Julee Cruise sur la BO de Twin Peaks ... et merci aux gens d’Indie Rock Mag et à ceux qui écouteront la compile !
Quelques liens utiles
La surprise
Il vous faudra être patients pour découvrir No Clouds Over Berlin, l’instrumental composé par Arno pour notre compilation. Mais dans l’intervalle, un chien noir se rue des tiroirs infernaux du Français, qui en plus de cet inédit au spleen irréel parsemé de glitchs cavaleurs nous en a sorti quelques dessins en exclu pour illustrer cette interview.
Les dessins :
1. Dreamer
2. Girl
3. Firehead
A écouter et télécharger librement :
Clouds et Clashes, les deux premières parties de notre compilation - qui en comptera trois.
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