Dans la foulée de la réédition en vinyle et digital cet été par le label allemand des superbes Some Ambulance et Music In Four Movements (commenté ici), voilà que Ben Chatwin marque enfin plus officiellement son arrivée dans les rangs de Denovali avec un quatrième album solo, couronnement annoncé d’une année bien remplie qui l’aura déjà vu briller en compagnie du Canadien Damian Valles chez Textura et de l’Anglais Daniel W J Mackenzie (Ekca Liena) avec Swarm With Swarms chez TQA, structure de l’excellent Thisquietarmy - dont le nouvel album Exorcisms avait justement vu le jour en septembre du côté de l’écurie de Hambourg.
Parti au départ du challenge d’enregistrer un album entier en sept jours, And It Was So a finalement gagné en ambition à mesure de son avancement, renouant avec une instrumentation plus luxuriante après les entrelacs de drones monolithiques de Descent Into Delta paru l’an dernier chez Hibernate. Il aura finalement fallu plus d’un an au Londonien pour accoucher de ce disque dont les bourdons de guitare en suspension, les claviers cosmiques et autres samples saturés se frottent aux fûts de son frère Jordan Chatwin ainsi qu’aux cordes d’Anais Lalange, Oliver Barrett (Petrels, Bleeding Heart) et Christoph Berg (Field Rotation), comme le révèlent d’emblée le monument d’ouverture Let There Be Light ! dont le crescendo abrasif et dissonant entrecoupé de riffs doomesques se mue dans un second mouvement plus feutré en une complainte aux arrangements poignants :
... ainsi que le bien-nommé The Two Great Lights qui entremêle nappes grondantes et motifs de synthés stellaires jusqu’à un final anxiogène aux distorsions grouillantes :
L’occasion de toucher un mot de l’actu du sus-nommé Christoph Berg qui publiera début novembre un premier album sous son véritable patronyme chez Facture, sous-label de Fluid Audio auquel on devait déjà le vibrant Acoustic Tales de Field Rotation daté du printemps 2011 et quelques EPs deux ans plus tôt lorsque le projet n’en était encore qu’à ses balbutiements.
Enregistré sur plus de deux ans dans une petite pièce aux abords de la mer Baltique, mastérisé par Ian Hawgood (taulier d’Home Normal et Nomadic Kids Republic) et agrémenté d’une paire de remixes solaires et poussiéreux signés Yasuhiko Fukuzono (Aus) et Peter Jørgensen, Paraphrases dévoile la facette la plus intimiste du Berlinois d’adoption, privilégiant violon, piano et contrebasse aux amples élégies cinématiques des précédentes sorties de Field Rotation, à l’image de ce court extrait crépitant autant que déchirant :
... mais sans pour autant sacrifier la dimension plus lancinante et funèbre de sa musique, qui culmine au milieu des cris de corbeaux d’Interlude :
... ou encore dans les boucles de violon du douloureux A Small Path Crossing :
Quant à la facette plus électronique et foisonnante du projet, on pourra la retrouver en décembre au gré des sept remixes de l’EP Zeitreise. C’est le Portugais Leonardo Rosado qui ouvre le bal avec sa relecture aux beats étouffés et aux crins à nu balayés par les vents glacés de Suède (où il vient d’emménager) de ce titre initialement composé pour la BO de Neun Monate Winter, documentaire sur le développement d’une pièce de théâtre en Allemagne :
On n’a aucune confirmation sur les autres participants, certains ayant été personnellement conviés et d’autres choisis au terme d’une compétition ouverte à tous, mais on peut raisonnablement compter sur la présence de y0t0 qui avait lui-même invité l’Allemand l’an dernier sur un titre sismique à souhait de l’imposant Uriarra Road et nous livre à son tour une réinterprétation toute en flux et reflux délicats :
Et pour boucler la boucle avec Talvihorros, on se quitte sur les montées en intensité presque post-rock de l’EP Let Us Be Thankful We Have Commerce, cassette des tout débuts qui se verra rééditée le 23 novembre prochain, jour de la sortie de l’album And It was So, mais se dévoile déjà en intégralité via Bandcamp :