2011, entre voyage initiatique et valeurs sûres (live part)
Si, il y a un an de cela, je me demandais si 2010 avait été l’année de l’Islande, je n’en ai plus aucun doute pour 2011 où les Iceland Airwaves ont considérablement orienté mes choix de disques à écouter tout au long de l’année, entre artistes totalement inconnus en dehors de leurs frontières et d’autres, au contraire, dont la réputation n’est plus à faire. Un festival, donc, mais aussi des concerts - peu nombreux mais mémorables - à travers la France et enfin 40 albums auront marqué mon année musicale 2011.
Quelle année ! Et que de groupes déjà "cultes" pour occuper le devant de la scène, entre les sorties tant attendues des albums de PJ Harvey, Björk ou Radiohead, pour ne citer qu’eux, et les concerts - si rares - de Godspeed You ! Black Emperor ou encore de Portishead ! 2011 s’annonçait très belle et plus encore, elle s’est bonifiée au fil des mois, au point de ne plus trop savoir où donner des oreilles.
2011 : Un festival - Iceland Airwaves
Très rapidement, ce Festival m’est apparu à la hauteur de la réputation qu’il a gagné après onze éditions avec une programmation à vous donner des vertiges. Il faut dire qu’avec environ 60% d’artistes islandais dont une bonne partie m’était complètement inconnue, j’ai eu de quoi m’occuper jusqu’à ce froid et humide week-end d’octobre.
Je n’ai malheureusement pas assisté à la première soirée, faute à un timing serré. Et ce fut très regrettable compte tenu du programme. A commencer par Náttfari, groupe local formé en 2000 mais en break entre 2002 et 2010, et dont le premier album, Töf, qui fait très bonne figure aux côtés des sorties post-rock/noise de l’année, doit être une belle claque sonique sur scène. Parmi les artistes de la soirée figuraient également Valdimar - révélation 2010 des Iceland Music Awards, Epic Rain et Beatmakin Troopa, producteurs hip hop reconnus dont l’album commun sorti cette année est un bijou, Pétur Ben & Eberg, stars locales de la scène rock, et... Björk, mais contrairement à une majorité des festivaliers que j’ai croisés, ce n’est pas pour la voir que j’avais fait le déplacement.
C’est donc le jeudi seulement que je suis entrée dans le vif du sujet avec ma révélation 2010 : Nóra, au détriment de PORQUESI et de l’Orchestre Symphonique d’Islande interprétant Bjarnason, Reich et Sigurðsson. Après Jón Jónsson, un blondinet à guitare offrant un set groovy pop sympathique mais finalement pas transcendant, le quintette a attaqué avec Bringsmalaskotta, un nouveau morceau twee pop et enjoué à l’image de leur premier album Er einhver að hlusta ? qui sera en partie interprété, rejoint parfois par quelques cuivres du groupe Orphic Oxtra (sur Bólaheiðfall et Sjónskekkja). Force est de constater que le groupe est tout aussi efficace sur scène que sur disque, bien que mes titres préférés - les plus sombres - n’aient pas été joués, mais c’était pour mieux présenter leurs nouveaux morceaux, quatre au total, avec notamment Kolbítur, titre le plus noisy du set, qu’il me tarde de trouver en écoute, peut-être sur le second album qui se profile ?
Le vendredi s’annonçait tout aussi bien avec l’une des programmations les plus riches du festival et j’ai finalement opté pour une soirée avec Vigri (photo), ma révélation 2011 cette fois, avec leur Pink Boats. Et l’affiche était alléchante avec Hljómsveitin Eg, que je ne connaissais pas, Mugison et Ólöf Arnalds. Vigri fut largement à la hauteur de mes espérances. L’ouverture avec Sleep (qui est illustré par le plus beau clip de l’année) nous donnait des frissons d’entrée, bien aidé par la présence d’un quatuor à cordes et des cuivres, appuyant la dimension orchestrale voire symphonique de leur musique. Un set globalement lyrique, mais le quintette a prouvé qu’il savait être rock avec une interprétation toute en puissance de These Are The Eyes. Finalement, mon seul regret a été que la salle soit si peu remplie.
Hljómsveitin Eg a enchaîné. Sur le descriptif fourni par le festival, ils sont comparés à Deep Purple... que je ne connais finalement pas plus. Toujours est-il que oui, c’est très rock’n’roll, mais un peu lassant sur la longueur. Par contre, c’est très efficace sur scène et l’ambiance de la salle commence à décoller au fur et à mesure qu’elle se remplit. Car après, la place est à Mugison, presque aussi populaire à l’étranger qu’en Islande, en témoigne la salle désormais comble. Évidemment, le dernier album, Haglél, a eu la part belle. Le bonhomme est on ne peut plus sympa et drôle et les musiciens sont simplement excellents ! Le live rend les chansons nettement plus rock que sur disque, mais toujours dans la finesse et alternant avec des ballades plus folk telles que Stingum Af ou encore Ljósvíkingur. Enfin, Ólöf Arnalds m’achevait. Je ne connaissais pas plus que ça, et la première première référence à laquelle j’ai pensé fut Joan Baez, tant dans la particularité de la voix (chacune d’elles étant très reconnaissable) que dans la présence scénique et la gentillesse. Un set folk et intime, idéal avant d’aller rejoindre Morphée...
... car le samedi devait être un bel enchaînement de concerts. En effet, en plus d’une programmation officielle riche et variée en soirée, le festival off bat son plein dès le milieu de journée au quatre coins du centre-ville. Cette organisation peut ainsi faire office de session de rattrapage. Après une promenade dans Reykjavik dans la matinée, ma journée a commencé dès midi, une fois de plus à l’Harpa, pour assister à Of Monsters And Men. Cette fraîcheur pop, rappelant les meilleurs moments d’Arcade Fire, m’a plongé dans une contemplation nostalgique hors du temps. On devrait d’ailleurs de plus en plus entendre parler du sextette après un 1er album, My Head Is An Animal, très réussi et porté par un Little Talks tubesque, même si, personnellement, seul Your Bones a la capacité de me ramener dans le hall du récent centre culturel islandais. Après cela, je me suis laissée porter jusqu’à une auberge de jeunesse qui m’intéressait tout particulièrement pour les venues de Lockerbie et Vigri, que j’ai donc vu deux fois dans la journée. La première, en acoustique dans cette auberge, juste après Lockerbie. On pourrait peut-être reprocher à ces derniers un certain manque de créativité, leur album faisant souvent penser à For A Minor Refection mais à leur décharge ils sont jeunes et essaient malgré tout de ne pas copier le son de leurs pairs. Ólgusjór se révèle être un disque post-rock classique, alternant douceur et montées soniques inhérentes au genre, sincère et homogène. Puis, Vigri en acoustique, et sans leur clarinettiste / pianiste. J’ai un peu appréhendé en observant la configuration, mais c’était sans compter sur leur talent. Le set était effectivement moins explosif et n’avait pas la même grandeur, mais on revenait à l’essence même des chansons qui ne perdaient rien de leur lyrisme. Je me suis ensuite rendue dans un bar où Ben Frost et ses copains de Bedroom Community étaient annoncés. Malheureusement, après seulement quelques minutes d’un set expérimental et bien électrique, les plombs ont simplement lâché la sono. Ils n’ont finalement pas poursuivi et j’allai établir mon camp mobile au Bar 11 où s’apprêtaient à enchainer Vigri (quand on aime...), De Staat, Japanese Super Shift, Dad Rocks !, Nóra et quelques bières pour faire passer tout ça ! De Staat et Japanese Super Shift ne m’ont pas laissé un souvenir impérissable. En revanche, Dad Rocks ! a de quoi trouver un public, si ce n’est pas déjà fait. Comme son nom ne l’indique pas, il s’agit d’un groupe folk mêlant trompettes et violons dont le dernier album, Mount Modern, contient quelques surprises très agréables à écouter. Je les retrouverai un peu plus tard dans la soirée, entre Song For Wendy, duo folk très charmant donc je n’aurai entendu que quelques titres, et surtout Esmerine, le projet commun de Bruce Cawdron et Beckie Foon, contributeurs actifs de la scène "Constellation". Le groupe a été tout simplement bluffant, captivant l’audience avec leur expérimentation instrumentale aux touches néo-classiques faisant la part belle au violoncelle.
Et déjà, c’était dimanche. La fin du festival se faisait sentir. Beaucoup d’étrangers étaient sur le départ, et surtout, la programmation n’avait rien de comparable à celle des jours précédents. Il faut dire aussi qu’il y avait Björk. J’avais donc choisi de me rendre au (à ?) Gaukur á Stöng, une salle de concert où ont joué Orphic Oxtra, ensemble de cuivres et vents influencé par la musique des balkans. Ils ne sont d’ailleurs pas sans rappeler Beirut. Changement d’ambiance, ensuite, qui m’a permis de faire de belles découvertes. Coral, tout d’abord, dont le power rock s’approche parfois des grandes heures de Placebo (Saviourism en est un bel exemple). Comme sur leur album, Leopard Songs, les islandais nous ramenaient deux décennies en arrière, sans pour autant s’avérer passéistes, d’autant que ce style se prête merveilleusement bien au live et à une soirée de clôture que je ne voulais pas triste. Et ça allait crescendo avec We Made God, islandais également, pour passer d’un math rock déjà puissant à un post-metal guttural impressionnant. Leur album, It’s Getting Colder, après l’avoir apprivoisé durant quelques écoutes a fini par intégrer in extremis mon top 40 grâce notamment à des titres comme Oh Dae-Su ou Glossolalia.
2011 : Trois concerts
1. Godspeed You ! Black Emperor + Colin Stetson - L’Espace Julien (Marseille)
La nouvelle d’une reformation du groupe canadien tombait en août 2010 pour le bonheur de fans qui n’osaient plus y croire et trois dates françaises étaient annoncées, Paris, Marseille et Toulouse. J’avais donc pris rendez-vous à la Grande Halle de Paris, avant de craquer également pour l’Espace Julien marseillais. Et bien m’en a pris puisqu’à Marseille, il y a eu un première partie, et non des moindres, assurée par le saxophoniste Colin Stetson ! Au-delà du jeu de mots trop facile, il est à couper le souffle avec un set drone-ambient-human beat box impressionnant. Ses compositions étonnantes de créativité se sont révélées idéales pour introduire le combo canadien.
Alors forcément, après une attente si longue, le risque d’être déçu est grand, et ce fut le cas de certains. De mon côté, les pensionnaires du label Constellation ont livré une prestation au-delà de mes espérances. Certes, ils ne bougent ni ne communiquent beaucoup, mais ce n’est absolument pas ce qu’on leur demande et la communion avec le public se fait naturellement au rythme des ambiances souvent sombres et inquiétantes qu’ils créent. Et comme sur disque, Rockets Fall On Rocket Falls fut le point d’orgue de ce concert troublant autant que jouissif.
2. Portishead + Mogwai - Les Arènes de Nîmes
Portishead aussi, a installé une attente désespérée avant de réapparaître en 2008, soit un break d’une dizaine d’années. En 2011, le groupe passait par Nîmes en compagnie de Mogwai. Bien que les récents albums de ces derniers ne fassent pas l’unanimité, les Écossais ont conservé toute leur puissance sonique en concert, et l’excellent son des Arènes y a largement contribué, où même les titres vocodés les plus décriés de Hardcore Will Never Die, But You Will firent bon effet.
Cependant, il faut bien avouer que j’ai fait le déplacement pour le trio de Bristol et je savais que je ne serais pas déçue en cette nuit inhabituellement fraîche. Si Third est évidemment interprété - ce qui ne m’a pas dérangé le moins du monde tant des titres comme The Rip, Magic Box ou encore Threads, en final torturé, me paraissent essentiel - Portishead n’en oublie pas pour autant ses classiques Glory Box en tête, mais également et surtout Roads (la plus belle chanson de tous les temps ?) ou encore Wandering Star où les trois membres historiques se retrouvent seuls pour une version épurée et plus inquiétante encore que l’originale avec des vocalises fantomatiques laissant littéralement mon frère, qui les voyait pour la première fois, sans voix.
3. Gablé + Jesus Christ Fashion Barbe - Le Point Ephémère (Paris)
Du 100% made in France, pour finir dans la bonne humeur ce top 3 de mes concerts les plus marquants de l’année, avec les Normands Gablé et Jesus Christ Fashion Barbe. Il y a quelque temps, nous vous présentions le premier EP de Jesus Christ Fashion Barbe dont les membres sont habitués à parcourir les routes, soit avec leurs précédents projets, soit avec leur groupe actuel, et cela s’entend à travers un rock sans fioritures. Et lorsqu’en plus d’une musique d’excellente qualité, on ajoute une bonne dose d’humour et de dérision, on peut être sûr que la soirée sera bonne pour le moral ! D’autant plus que c’est également la recette de Gablé, trio discret qui s’est imposé au fil de ses albums comme l’un des groupes phares de la scène indé française à travers une musique absolument inclassable et complètement efficace, leurs concerts étant de véritables bouffées d’air frais.
A suivre...
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Náttfari sur IRM
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