L’overd00’s : 2004
L’overd00’s du Forum Indie Rock ici retranscrite par la rédaction est le fruit de deux mois passés par nos membres à dresser le bilan de la décennie qui vient de s’achever. Tout au long des semaines à venir, nous allons vous faire replonger dans le meilleur des années 2000, 11 articles qui viendront fleurir la Une du Mag, résultat d’une élection passionnante, éprouvante et agrémentée des choix tout à fait personnels de la rédaction. Souvenirs et découvertes garantis.
Blonde Redhead, Girls In Hawaii ou les Dears parmi les groupes parfois très bien classés de ce bilan, The Czars, Stina Nordenstam ou Julien Ribot en coups de coeur repêchés par nos rédacteurs, vous ne verrez ça dans aucun autre classement de la décennie écoulée. Et pour cause, on en fait de ces découvertes sur le FIR, passées ensuite d’oreille en oreille par la magie d’une passion communautaire dont les fondements remontent justement à cette année 2004. Un grand merci à Iansich, fondateur aujourd’hui discret sans qui toutes ces rencontres n’auraient sans doute jamais eu lieu, et à tous les inscrits passés, présents et futurs, qu’ils fassent vivre encore longtemps cette belle aventure.
Air - Talkie Walkie
Avec ce petit chef-d’oeuvre de poptronica en apesanteur, le duo versaillais est à la croisée des chemins : à la fois intimiste et spacieux, entre la limpidité électro-acoustique du futur Pocket Symphony et les hybridations orchestro-synthétiques du visionnaire 10 000 Hz Legend (cf. Another Day, sommet de lyrisme aux boucles mouvantes dont la surprenante économie de moyens rappelle les Teardrop, Two Rocks And A Cup Of Water et autres Paradise Circus de Massive Attack), aussi rêveur que le séminal Moon Safari mais définitivement sorti de l’enfance à l’image de la BO composée pour le Virgin Suicides de Sofia Coppola, centré pour la première fois sur un songwriting préfigurant celui de Darkel (Jean-Benoît Dunckel est déjà au micro) non sans ménager quelques plages instrumentales à la beauté éthérée (cf. le majestueux Alone In Kyoto entendu dans Lost In Translation de la même cinéaste), et toujours parfaitement accessible sans pour autant présager de l’easy-listening en pilote automatique du récent et décevant Love 2, comme en témoigne l’électro équilibriste d’un Run aussi audacieux que planant, le piano à contre-temps de Mike Mills en hommage à leur vidéaste des débuts, la guitare aux faux-airs de clavecin à la John Barry de l’efficace Surfin’ On A Rocket ou les sifflements morriconiens sur banjo country et nappes stellaires du western instrumental Alpha Beta Gaga :
Car cette dernière ascension avant la descente brutale dixit les mauvaises langues - et exception faite des douceurs aurorales et autres rondeurs de basses du superbe 5:55 de Charlotte Gainsbourg, ils n’auront pas tout à fait tort - se démarque avant tout de ses successeurs malgré quelques passages plus en retrait (le single Cherry Blossom Girl un brin routinier ou le folky Universal Traveller plus anecdotique) par une singularité dans le confort toujours aussi marquée, à l’aune de ces chansons touchées par la fascinante étrangeté du sentiment amoureux (le merveilleux Venus en ouverture faisait figure de profession de foi), et sublimées par les choeurs de Lisa Papineau (M83) et les arrangements du maître Michel Colombier, également présent au piano sur le touchant Biological tout en délicatesse cotonneuse.
(RabbitInYourHeadlights)
Arcade Fire - Funeral
Comment le Funeral d’Arcade Fire a t-il réussi à se hisser sur le podium ? Si ce n’était qu’un concours de circonstances, on dirait qu’il a eu la chance de paraître au milieu de la décennie. Si ce n’était uniquement dû qu’à ses qualités intrinsèques, on s’arrêterait pour parler des titres les plus pêchus : Laïka, Power Out. On pourrait aussi prendre pour prétexte une petite envie de revival eighties pour les anciens, une grosse envie de s’approprier un nouveau groupe pour les plus jeunes. Mais ça ne suffira pas, on parle des années 2000, années terribles où le déclin des ventes d’albums se conjugue avec l’avènement de l’internet. Ce ne sont pourtant pas les vidéos (live) du groupe, qui ont fait le tour du monde, auxquelles on doit rendre hommage aujourd’hui, mais tout simplement à leurs prestations scéniques ubuesques, théâtrales, pleines d’entrain, de conviction et de communion. Internet c’est bien, mais sans prestation live point de salut. Arcade Fire est la preuve vivante que tout est encore possible, mais à quel prix ? Il leur aura fallu se donner à 200 %, aussi bon que soit l’album. Il leur aura fallu convaincre soir après soir un public toujours plus nombreux, rester humbles et sympathiques face au succès qui rapidement pointait. On n’a rien sans mérite, vraiment bravo les Canadiens.
(indie)
Archive - Noise
Cinquième album du groupe formé par Darius Keeler et Daniel Griffiths, Noise conclue le triptyque marqué de l’empreinte du chanteur et guitariste Craig Walker, qui devait quitter l’aventure peu après. En suite logique de You All Look The Same To Me et - quoiqu’on en dise - de Michel Vaillant, tout l’album tourne autour de cette notion de perte, ou plutôt de l’éloignement progressif et irrémédiable qui va mener à cette perte et du refus qu’elle provoque.
Musicalement, si l’on retrouve parfois le lyrisme de Take My Head, ce sont surtout les guitares répétitives et oppressantes qui ont la part belle ici, notamment sur deux des sommets du disques, Fuck U et Get Out, ce qui n’empêche en rien Archive de ménager quelques éclaircies plus éthérées et réminiscentes du trip-hop de Londinium à l’image du single Sleep :
(Spydermonkey)
Blonde Redhead - Misery Is A Butterfly
Composé et arrangé en étroite collaboration avec le bassiste d’origine islandaise Skúli Sverrisson - auquel Amedeo Pace rendra la pareille deux ans plus tard sur le poignant Sería - ce sixième album de notre trio de choc (les frères Pace) et de charme (le filet de voix ténu et un brin plaintif mais tendu comme un arc de Kazu Makino) tranche assez radicalement avec le noise rock qui les avait révélés quelques années plus tôt en héritiers prometteurs de Sonic Youth.
Spleen baroque et luxuriance instrumentale sont en effet au rendez-vous de ce Misery Is A Butterfly, dont les mélodies sans âge au souffle quasi désespéré se parent pour la première fois chez les new-yorkais d’arrangements acoustiques devant tout autant à l’influence de Sverrisson ou Serge Gainsbourg (la ressemblance de Kazu avec Jane Birkin est d’ailleurs frappante en live ci-dessous) qu’à leurs propres envies d’émancipation rêveuse, confirmées trois ans plus tard par la dream-pop du beau 23.
(RabbitInYourHeadlights)
Nick Cave & The Bad Seeds - Abattoir Blues/The Lyre Of Orpheus
Get ready for love ! Après un tristounet Nocturama qui, avouons-le, ne faisait dresser l’oreille que lors de son épique conclusion, Nick Cave sent bien qu’il a besoin de remettre un peu de nerf dans son rock gothique. Chose faite dès l’ouverture du premier de ces deux albums, un vrai morceau de bravoure qui voit l’Australien, en mode « prêcheur fiévreux », mobiliser un chœur gospel et toute la puissance de feu de ses Bad Seeds pour un hymne exalté à la gloire du Tout-Puissant. Plus loin, les frénétiques There She Goes, My Beautiful World et Supernaturally finiront de démontrer le tonus des Mauvaises Graines.
Les deux disques dégagent dans leur ensemble un sentiment d’ampleur et d’exaltation, bien illustré en conclusion par les hymnes choraux Carry Me et O Children. Mais ce que j’aime surtout ici, entre deux magnifiques ballades (Messiah Ward en particulier). c’est le Cave habité qui trousse de méchants blues teintés d’ironie (The Lyre Of Orpheus) ou de perversité (l’explosif Hiding All Away).
Et quand il saisit l’acoustique pour une petite session folk autour du feu de camp (Breathless), on ne résiste pas à l’envie de reprendre en chœur.
Certes, rien de tout cela ne satisfera les nostalgiques du Nick Cave maladif des années 80. On aime moins le crooner pop en pilote automatique des Nature Boy et autres Let The Bells Ring, si calibrés qu’on douterait presque d’avoir affaire à l’auteur de Tupelo. Mais il passe dans ce double album joliment emballé un souffle qui fait plaisir à retrouver et une indéniable énergie.
(jediroller)
The Czars - Goodbye
Et si c’était eux ? Les perdants magnifiques et solitaires de notre millénaire en cours. Les Czars avaient tout. Trop défaitistes, trop humbles sûrement, ils sont les grands oubliés de la décennie qui s’achève. Qu’importe.
L’Histoire a toujours tenté de recoller les morceaux de ces groupes injustement laissés dans l’ombre. Les Czars étaient de ceux-là donc. D’instinct, on ne peut s’empêcher de penser que ce groupe était trop parfait. Trop fragile pour arrêter d’agir dans l’ombre et le secret d’une poignée de fervents admirateurs. La formation demeure encore aujourd’hui le secret le mieux gardé de l’Amérique.
Les Czars étaient également trop beaux. Quel autre groupe peut se payer le luxe de s’offrir un aussi beau chant du cygne que ce Goodbye, dont la seule évocation file le cafard ? Splittés dans l’indifférence générale à la suite de ce disque difficile habité par un romantisme hanté et une mélancolie chevrotante qui ne fait parfois qu’une avec la dépression la plus noire. Hantées par la voix de crooner désabusé de John Grant, les compositions exquises de ce disque unique resteront à jamais gravées dans les mémoires de ceux qui ont eu un jour la chance de dépoussiérer ce trésor oublié.
Écartés sur le bord de la route, les Czars ne seront sûrement jamais ramassés par la Grande Histoire. Il en est peut-être bien mieux ainsi.
(Casablancas)
The Dears - No Cities Left
Il est fort possible qu’un beau matin, Murray Lightburn se soit levé convaincu que lui aussi pouvait le faire. Il devait les avoir tous en joue depuis belle lurette, prêt à dégainer, la main de fer dans un gant de velours. Et pourtant, tout Montréalais que sont The Dears, c’est bien en direction des îles britanniques, un peu vers la France aussi que les coups au coeur ont été portés.
The Smiths ont sorti de sacrés albums, The Dears via Who Are You, Defenders Of The Universe, Lost In The Plot et Don’t Lose The Faith nous montrent également qu’ils en sont capables. Pulp et son Jarvis Cocker de chanteur ont fait des folies sur This Is Hardcore, Murray Lightburn sur Expect The Worst, ’cos She’s A Tourist et Pinned Together, Falling Apart prouve aussi qu’il en a sous le pied. Le temps d’un Warn and Sunny Days, puis d’un 22, The Death Of All Romance, c’est les années érotiques avec ou sans Gainsbourg qui ressurgissent sous leur meilleur jour. Et comme si tout ça ne suffisait pas, écoutez bien l’intro (et le reste avec) de l’éponyme No Cities Left. 5min43 contre 6min43, le tempo forcément plus rapide, la voix grave contre le chant surélevé de Thom Yorke. Oui le morceau de clôture de cet album est le contre-pied parfait ou plutôt la mise au cachot du Paranoid Android qui a fait la gloire d’un certain groupe d’Oxford ... celui-là même qui tira la couverture des années 90 à son compte. Oui The Dears a trouvé la formule, pour transformer l’eau en vin. Alléluia.
Tant d’influences, de grandiloquence et de déraison, il n’en fallait pas plus, pas moins, pour permettre à cet album de devenir remarquable. La grande classe.
(indie)
Destroyer - Your Blues
Certains parmi nos lecteurs se demanderont pourquoi ne pas avoir choisi Destroyer’s Rubies, souvent considéré à juste titre comme le chef-d’œuvre de Dan Bejar en solo. On répliquera que les compositions baroques de cet impeccable Your Blues, tout en mélodies à tiroirs et fausses ballades aigries trouvaient peut-être plus leur place ici dans le sens où ce disque ouvre une trilogie somptueuse qui se poursuivra avec Destroyer’s Rubies donc (2006) puis Trouble In Dreams (2008).
Disque fantasque, rencontre entre le glam-rock d’un Bowie taquin titillant les meilleures compositions d’un Stephin Merritt pris avant les Distorsion et autres Realism, Your Blues est avant tout un disque de grandes chansons dominées par les claviers où les titres aux textes impénétrables (It’s Gonna Take An Airplane) côtoient de grandes plages intimistes soufflées dans le creux de l’oreille (Certain Things You Ought To Know ou Don’t Become The Thing You Hated).
Et puis il y a cette voix étrange et éraillée, qui vous prend à la gorge dès les premières mesures, comme la première fois que l’on rencontre Neutral Milk Hotel ou les Mountain Goats. Celle d’un véritable stakhanoviste dont on déplore un peu plus chaque jour l’anonymat dans lequel il baigne. Pourtant, bien loin de ces considérations, Bejar, en véritable caméléon musical, multiplie les projets (les super-groupes New Pornographers et Swan Lake entre autres) sans autre but que celui de satisfaire sa soif d’ouverture d’horizons musicaux. God bless Bejar.
(Casablancas)
The Divine Comedy - Absent Friends
Neil Hannon, à nouveau seul aux manettes non sans l’aide précieuse de son fidèle arrangeur Joby Talbot et de quelques rescapés du line-up des deux albums précédents de The Divine Comedy, aura finalement réussi à dépasser son modèle Scott Walker (cf. Leaving Today, où le timbre du chanteur résonne avec la même sensibilité solennelle dans un océan de silence seulement fendu par l’éclair des violons à l’instant de vérité d’une séparation forcée), réinventant la chamber pop des grands espaces avec cette ode au départ, à la solitude et à l’amitié déçue.
Tombant enfin le masque de trivialité du Casanova post-moderne, le dandy irlandais laisse éclater au grand jour une sensibilité exacerbée par un songwriting plus intime qu’à l’accoutumée et des compos aussi lyriques et majestueuses que possible en l’absence de toute grandiloquence, lesquelles trouvent un écrin à leur démesure dans les orchestrations d’un Talbot en constante économie de moyens pour un maximum d’effet (cf. le clavecin solaire de l’instrumental Laika’s Theme), tandis que Yann Tiersen, qui avait offert à Hannon d’interpréter Les Jours Tristes sur son album L’Absente, laisse déambuler son accordéon spleenétique sur le fabuleux Sticks & Stones.
A la croisée de la pop baroque des débuts et de l’ampleur de production de l’intermède brit-pop Regeneration (Nigel Godrich a remis le couvert au mixage), cet Absent Friends animé du même souffle continu que le séminal Liberation est tout simplement beau à coller le frisson. Une beauté souvent tragique (du dépressif The Wreck Of The Beautiful au déchirant Our Mutual Friend), ou douce-amère (la cavalcade du titre éponyme en ouverture ou My Imaginary Friend, nostalgique d’une enfance passée à feindre l’amitié) mais parfois plus lumineuse à l’image du single Come Home Billy Bird magnifié par les choeurs rêveurs de Lauren Laverne, ou du désarmant Charmed Life qui clôt ce chef-d’oeuvre sur une note d’espoir bucolique.
(RabbitInYourHeadlights)
Electrelane - The Power Out
Fidèles à une ligne directrice artistique sans concession, les quatre demoiselles de Brighton se sont appuyées sur Steve Albini à la production pour un deuxième album qui a su mélanger expérimentations et mélodies lancinantes et irrésistibles. Cette ligne ne dévie jamais de cette basse à la rythmique linéaire et hypnotique, cette batterie à la cadence binaire et martiale, sur lesquelles des vagues étourdissantes et entêtantes de clavier farfisa trouvent leur juste mesure.
Devant une telle simplicité et une métronomie à ce point parfaite, le groupe a su se créer un son qui lui est propre et reconnaissable immédiatement, un son que l’on pouvait déjà apprécier sur le premier album Rock It To The Moon qui était entièrement instrumental. Mais avec ce deuxième opus, The Power Out, les filles se sont mises au chant pour un résultat étonnant et inspiré que ce soit dans leur langue natale (The Valleys avec l’ensemble classique Chicago A Capella), notre langue française (Gone Under Sea), celle de Cervantes (Oh Sombra !) ou bien celle de Nietzsche dont les paroles de This Deed sont tirées.
Il y a quelque chose de mystique et d’étrange à l’écoute de ces diverses chansons, croisement idéal de Young Marble Giants et Stereolab. Et même si cette musique d’influence krautrock peut paraître réfléchie et intellectuelle au premier abord, elle sait se montrer le plus souvent instinctive et incontrôlable quand se libèrent cette guitare ou ce saxophone capables de mettre en transe tout son auditoire (notamment sur l’hallucinant Only One Thing Is Needed ou l’endiablé Take The Bit Between Your Teeth). C’est tout le charme d’Electrelane, groupe unique en son genre qui a su marquer cette dernière décennie avec des albums aussi remarquables et des concerts d’une rare intensité avant de se séparer en 2007.
(darko)
Flotation Toy Warning - Bluffer’s Guide To The Flight Deck
Apparu et disparu tel un mirage, le temps d’un miracle, à savoir cet album unique qu’est le mirifique Bluffer’s Guide To The Flight Deck en 2004, Flotation Toy Warning fait partie de ces groupes qui malgré leur discrétion ont réussi à laisser une trace qui ne s’est jamais estompée avec le temps pour celles et ceux qui ont eu l’occasion d’y jeter une oreille. Pénétrer dans l’univers de ces Anglais dont on sait finalement peu de chose, c’est découvrir un nouveau monde étrange et merveilleux où tout semble respirer la plénitude et la beauté, où tout semble couler de source comme cette eau entendue en ouverture ou ces symphonies cotonneuses et rêveuses.
Au premier abord, les compositions pastorales et mélancoliques semblent être dans la parfaite continuité d’un Deserter’s Songs, il est vrai, mais le quintet a su se démarquer d’un Mercury Rev encore au sommet de son art, en exposant un monde unique encore inexploré qu’il semblait seul à connaître, un endroit tel que Jules Vernes pouvait peut-être en imaginer et dont nombre d’explorateurs auraient désiré faire la découverte, les illustrations de cet album et présentes sur le site faisant allusion à toutes ces excursions d’un autre temps. Ainsi, cette musique à la fois ample et solennelle se révèle atemporelle le long de ces 70 minutes de voyage sonore parmi les plages élégiaques de clavier, avec pour guide la voix mélodieuse et apaisante de Paul Carter que l’on a pris plaisir à réentendre au travers de The Fitzcarraldo Sessions. Et si depuis la parution de cet album envoûtant dont on n’a toujours pas fini de parcourir les moindres parcelles, les nouvelles du groupe se font rares, il semblerait qu’un deuxième miracle puisse avoir lieu prochainement, ce que l’on espère avec une certaine impatience.
(darko)
Girls In Hawaii - From Here To There
Avant que Girls In Hawaii ne s’appelle Girls In Hawaii, jamais ne me serait venu l’idée d’écouter un groupe qui s’appellerait Girls In Hawaii. Avant même que je lise les rapprochements souvent faits à leur égard avec les américains de Grandaddy, jamais je n’aurais imaginé tant bouder les Grandaddy (bien sympathiques quand même) depuis que j’écoute Girls In Hawaii. Et la scène belge, dont tout le monde vous bassine, nous les premiers, moi avec, soit, mais l’herbe est quand même bien plus verte chez les Girls In Hawaii. Je me demande même si un jour on ne finira pas par organiser un pélerinage jusqu’à Braine-l’Alleud, histoire nous aussi d’aller d’ici à là-bas. Oui, ce serait chouette et triste, beau et paumé, pop et moderne. Parce qu’il semblerait qu’on soit nombreux à dire qu’il y a eu un avant et un après From Here To There. Et c’est tant mieux.
(indie)
The Go ! Team - Thunder, Lightning, Strike
Initialement réalisé par le seul Ian Parton avec force de samples en 2004 puis réenregistré l’année suivante avec Ninja au chant et toute la bande, ce premier album du sextet de Brighton secoue Sonic Youth, Public Enemy, Curtis Mayfield, Morricone et les Avalanches dans un même shaker pour livrer un cocktail des plus fervents et rafraîchissants.
Du breakbeat jouissif et coloré du single Ladyflash aux touches de country urbaine à la Fred Neil de l’instrumental de clôture Everyone’s A V.I.P To Someone dont les arrangements de cordes désarmants feraient battre la chamade à un coeur brisé, en passant par l’exaltation soul/hip-hop de We Just Won’t Be Defeated - qui constitue l’un de trois ajouts de la version 2.0 avec notamment la pop song piano/voix Hold Yr Terror Close interprétée par la japonaise de poche Chi Fukami Taylor -, les cuivres héroïques sur guitares noisy du génial Junior Kickstart ou la douce candeur de Friendship Update, Thunder, Lightning, Strike est plus que jamais l’album parfait pour faire du double jump en amoureux.
Et pour conclure, rien de mieux que Bottle Rocket, sommet du disque auquel on pourra toutefois préférer la version 2004 avec ses samples vocaux de sauteuses de double dutch :
(Spydermonkey & RabbitInYourHeadlights)
Isis - Panopticon
Avec ce troisième opus, Isis creuse en profondeur le sillon dégrossi sur ses deux efforts précédents, Celestial et Oceanic : en gros celui d’un post-rock parsemé de gueulantes gutturales et de débauches furieuses caractéristiques du métal contemporain qui semble bien trouver son équilibre sur ce Panopticon.
Très souvent comparé à Neurosis, il est vrai qu’Isis entretient des liens de parenté plus qu’évidents avec les musiciens patibulaires d’Oakland mais à bien y regarder, pas tant que ça finalement puisque Neurosis officie dans un registre plus bestial et féroce. Non pas que la musique d’Isis est incapable de se montrer elle aussi brutale (loin de là) mais sans doute la bande à Aaron Turner aime-t-elle davantage prendre le temps de développer ses constructions pour atteindre le climax souhaité à coup d’arrangements tour à tour languides et barbelés. Les morceaux sont peu ou prou construits sur les mêmes bases, une longue montée en puissance pour arriver à l’explosion furieuse et cathartique. Alors, bien sûr, comme ça, c’est vrai que l’on pourrait avoir l’impression que ce disque est quelconque : les groupes qui suivent le sillage du post-métal sont légion, la dynamique mer d’huile/houle/tempête n’est pas non plus nouvelle mais c’est qu’Isis constitue un peu le dernier maillon de la chaîne. Ce qu’ils font, ils le font à la perfection. Et cet album est une véritable merveille.
Sur Panopticon, Isis gagne en subtilité ce qu’il perd en rage démonstrative, les cris de Turner s’y font rares, les angles semblent s’être légèrement arrondis au profit d’une tension sourde et palpable qui dévore chaque minute de ce diamant noir dépoli minutieusement, que ce soit dans ses moments les plus atmosphériques ou dans ceux à l’âpreté indéniable.
Probablement pas assez métal pour les gardiens du temple et beaucoup trop pour les autres. Et alors ? Avec ses muscles longs et fuselés sous la peau, ses pelotes de nerfs et son absence de graisse, la musique d’Isis est incontestablement bien foutue.
(leoluce)
Morrissey - You Are The Quarry
Plus le temps passe, plus on s’éloigne des années 80 et de l’époque glorieuse des Smiths, plus les critiques autour de Morrissey se font acerbes. La faute à un chanteur vieillissant ? La faute à des musiciens qui ne suivent pas ? Ou tout simplement la faute à des journalistes aigris car bien trop jeunes pour avoir vu les Smiths en vrai, ou bien trop vieux et réclamant la fougue qu’ils ont eux-même perdue ?
Si on fait fi des mauvaises langues, Morrissey continue de faire rêver à la scène, dans des salles combles, continue à être prolifique en studio et parfois bien inspiré. Pas une décennie ne passe sans qu’on ne se résigne à l’aimer encore et encore. En 1994, c’est Vauxhall & I qui avait surpris la critique et les fans, 2004 et c’est au tour de You Are The Quarry de tutoyer les anges déchus que nous sommes. All The Lazy Dykes en tête, une ritournelle d’une langueur sans pareille et le chant de Morrissey qui nous va droit au cœur, dieu que nous sommes faibles. De l’amour, encore de l’amour avec la complainte Let Me Kiss You et le survitaminé I Like You, du rock, encore du rock avec Irish Blood, English Heart et First Of The Gang To Die, des pleurs, encore des pleurs avec I Have Forgiven Jesus et You Know I Couldn’t Last. Who Put The M in Manchester dira-t-il un peu plus tard, sauf à ce que quelqu’un nous prouve le contraire, on est nombreux à croire en notre idole.
Car le charme de Morrissey ne peut se résumer à son corps mis en pâture, à ses déhanchements qui nous ont fait frémir, à ses indéniables talents artistiques. Oui, on le concède, Morrissey c’est notre corde sensible, celle sur laquelle il ne faut pas trop jouer, celle qui a permis de ramener cet album dans le top de la décennie. Un album indispensable pour tout fan qui se respecte.
(indie)
Stina Nordenstam - The World Is Saved
Après trois albums plus immédiats, dont le disque de reprises lo-fi People Are Strange et surtout le superbe This Is en 2001, petit chef-d’oeuvre de pop moderne avec Brett Anderson de Suede en featuring vocal sur deux morceaux, la divine suéoise au timbre fluet renoue avec l’ambition de ses débuts et signe avec ce dernier opus en date sa plus belle réussite depuis And She Closed Her Eyes, entre pop éthérée et ambient-jazz, douceur amère et malaise intérieur parfois au bord de la psychose (cf. le torturé et bouleversant Butterfly).
Depuis, six années de hiatus entrecoupées de quelques belles échappées dont une particulièrement marquante pour le projet électro-jazz Nine Horses de David Sylvian, et on n’en sait pas plus. Espérons simplement que Stina ne nous fasse pas le coup de son alter-ego masculin Mark Hollis, effacé peu à peu du paysage musical au gré de ses mélodies et arrangements impressionnistes...
(RabbitInYourHeadlights)
The Organ - Grab That Gun
La discographie de The Organ est simple comme bonjour, un album, quelques EPs de ci de là et puis s’en va. On aurait pu penser que ça fasse léger au moment de tirer le bilan d’une décennie, mais comptes certifiés à l’appui, c’est officiel, les canadiennes finissent en très bonne place.
Alors c’est le Canada qui a gagné ? Non, non, c’est les Smiths les grands vainqueurs, donnant le la tout au long de cet album. The Organ a beau être composé de cinq filles, le diapason donné par le couple Marr/Morrissey convient à merveille à tant de féminité. Et ça ne nous surprend même pas, on se plaît à rappeller qu’il y a eu un précédent dans l’histoire, avec beaucoup de gouaille et d’empressement en la personne de Sonia Madan au sein du groupe Echobelly.
Mais Grab That Gun met la barre encore un cran plus haut. Les guitares de Debora Cohen sont cristallines au possible, le timbre de voix de Katie Sketch vibre de toute sa mélancolie, Shmoo Ritchie et Jenny Smyth respectivement à la basse et à l’orgue posent le son si personnel du groupe tandis que Shelby Stocks à la batterie fait un travail discret mais parfait. Et c’est ainsi que The Organ s’est accroché à nos coeurs : un groupe furtif comme il en existe souvent, mais qui avec ses morceaux de bravoure et tant de personnalité a réussi à sortir du lot, largement. Mémorable.
(indie)
Julien Ribot - La Métamorphose de Caspar Dix
De cette Métamorphose de Caspar Dix je pourrais aussi bien en dire très peu, en évoquant la place que je lui ai attribuée dans mon top personnel de la décennie (premier devant le Kid A de Radiohead, rien que ça), que beaucoup, en répétant en d’autres mots tout ce que j’ai déjà pu en dire ici. Mais dans chacun des cas on se retrouverait face au parti pris trop important d’un amateur de musique électro-pop qui a vu son amour pour un album grandir en y découvrant les multiples facettes et secrets qu’il a à nous offrir au fur et à mesure des écoutes. Car ce deuxième opus de Julien Ribot est avant tout une œuvre qui nécessite une implication personnelle de l’auditeur au cœur d’un univers et d’une intrigue qui se dessinent petit à petit sous ses yeux. Musicalement irréprochable, cet album atteindra des sommets pour qui saura l’écouter autant avec ses oreilles qu’avec son esprit.
(Pol)
Regina Spektor - Soviet Kitsch
Dans la famille "Rockeuses à piano", je demande la petite sœur un peu foldingue qui porte des jupes fluo, des rubans dans les cheveux et des bas dépareillés, et qui chante à tue-tête en sautant à pieds joints sur le lit. Bonne pioche avec cette Américano-Russe gentiment cintrée et son troisième album, ce Soviet Kitsch généreux et désarmant. La jeune New-Yorkaise y multiplie les clins d’œil à son éducation musicale classique autant qu’à ses racines russes (le final de The Flowers), s’amuse avec le langage autant qu’avec les mélodies et passe sans effort du punk potache (Your Honor) à l’hymne pop de chambre (Us). Mais derrière l’image de la fofolle au piano, mi-fillette capricieuse, mi-diva dévergondée, on découvre une chanteuse à la maîtrise bluffante et une musicienne capable de vous atteindre en plein cœur avec de délicates ballades (Carbon Monoxide) ou de se lancer dans des numéros d’équilibriste (l’enthousiasmant Chemo Limo) sur des sujets aussi joyeux que le cancer ou le divorce.
(jediroller)
Laura Veirs - Carbon Glacier
C’est avec cet album, son troisième, que Laura Veirs s’est fait connaître du vaste monde. Porté par une irrésistible déclaration d’amour à l’art et à la poésie (Rapture), Carbon Glacier révélait en Veirs une espèce de petite sœur campagnarde de Suzanne Vega. L’album convainc sans effort grâce à des chansons profondément touchantes (Snow Camping, Icebound Stream, inspirées par son enfance dans le Colorado) et à une certaine fraîcheur naïve, contrebalancée par de discrets arrangements de cordes qui assombrissent le propos et démontrent le goût très sûr du producteur Tucker Martine.
(jediroller)
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