Avec ce nouvel album aussi attendu que le retour du plein-emploi dans le bassin de la Sambre, le groupe a tout contre lui. Comme tous les artistes accusés, bien malgré eux le plus souvent, d’avoir contribué à fonder un nouveau courant musical (en gros, le post-métal, dans le sillage de Neurosis), la bande à Aaron Turner est forcément guettée au tournant par tous les fans intransigeants du "genre", ses spécialistes autoproclamés et ses thuriféraires sans imagination. Et pour ne rien arranger, ils prennent trois ans pour pondre un album ! La pression, comme on dit dans les vestiaires de foot, elle est sur eux.

Mais Isis n’a rien à prouver et le montre avec ce Wavering Radiant qui n’est certes pas le chef-d’oeuvre de l’année, mais qui a le mérite de ne pas se prendre pour le nouveau phare qui montrera la voie de la Vérité à une génération de barbichus. Juste un excellent album de post-rock métallisé qui a trouvé sa voie, même si l’on peut encore juger qu’il cherche sa voix. Les gueulantes hardcore laissent ici régulièrement la place aux mélopées en voix claire et je reconnais que j’ai eu tendance à trouver celles-ci un peu envahissantes lors des premières écoutes. Mais la bonne nouvelle est que Wavering Radiant est, par excellence, un disque qui gagne à être réécouté.

La basse gorgée de chorus qui prend souvent la direction des opérations, les
orgues très présentes qui colorent les morceaux de touches atmosphériques et mélodiques, les arpèges de guitare mélancoliques contrastent admirablement avec les explosions hardcore. On n’atteint jamais de véritable sommet d’émotion, mais à défaut d’être bouleversant cet album solide a au moins le mérite de n’être jamais ennuyeux (quoi qu’en disent certains grincheux) ni racoleur.

"Isis ne sera jamais plus proche de faire un album pop" a ironisé Turner. Il s’agit certes, toutes proportions gardées, d’un disque assez direct, aux attaques franches, aux rythmes moins biscornus qu’à l’accoutumée. Mais avec des titres dont la durée oscille entre 7 et 10 minutes (à l’exception de l’interlude éponyme), ce n’est pas ce disque-là qui marquera la conquête des FM par Isis.