Si on avait laissé Kanye West l’an dernier sur la semi-déception d’un troisième album partagé entre maturité d’écriture et créativité inhabituellement bridée, cet inégal Graduation, néanmoins joliment concis et touchant, nous permettait dans ses meilleurs moments d’entrevoir un futur passionnant pour le rappeur de Chicago, devenu en l’espace de quelques années le producteur le plus sollicité par les artistes hip-hop et r’n’b aux Etats-Unis.
Car si cette suite du formidable Late Registration (2005) avait déjà des allures d’album-gueule de bois, il devrait en être de même pour 808s & Heartbreak, quatrième opus à paraître le 25 novembre toujours chez Def Jam : entre le décès de sa mère en novembre 2007 (le morceau Cold Winter lui est dédié) et une séparation douloureuse cette année qui semble avoir inspiré à l’album sa pochette au coeur ratatiné, son titre et ceux d’un certain nombre de morceaux du tracklisting annoncé récemment par MTV.com, Kanye West a visiblement passé une année difficile sur le plan personnel, et ses chansons risquent de s’en ressentir à l’image du premier single Love Lockdown :
Beat tribal obsédant (tiré de la drum machine Roland TR-808 dont le son devrait être omniprésent sur l’album à en croire son titre), mélodie de piano minimaliste, percussions africaines, un chant r’n’b vocodé à l’Auto-Tune en guise de flow... autant dire qu’on est loin des comptines bariolées de The College Dropout.
Par ailleurs l’américain, épaulé par T-Pain mais seul à la prod pour la première fois depuis ce coup de maître inaugural paru en 2004, n’a jamais été aussi concis, 11 morceaux seulement d’annoncés et un minimum de featurings : Lil Wayne, Young Jeezy et Kid Cudi, chacun sur un morceau, ainsi que Jon Brion, déjà co-producteur sur Late Registration et Graduation, aux arrangements de cordes sur l’intro. L’album, enregistré à Hawaii en trois semaines à peine et déjà encensé par Common notamment, parviendra-t-il à captiver autant que ses prédécesseurs ? Le début de réponse que nous donnent les quelques extraits supplémentaires disponibles plus moins officiellement sur la toile (notamment le second single Heartless, Cold Winter, et un certain Robocop qui devrait semble-t-il bénéficier de nouveaux arrangements par le jazzman Herbie Hancock d’ici la sortie du disque à en croire le producteur Mike Dean responsable du mixage), en confirmant la direction prise par ce premier single, n’est pas forcément des plus rassurantes à ce sujet. A suivre...