Envelopes : les nouveaux lutins ?
A l’heure où Indie Rock Mag en termine avec ses Incontournables, il est de mise de vous parler d’un groupe, qui, parti comme il l’est, pourrait bien en être un dans quelques années, aux côtés de leurs "grands frères" des Pixies pour lesquels il ne cache pas son admiration. Il y a quelques mois, les divers chronique, billet de blog et autre live report montraient notre amour naissant pour Envelopes, amour qui, si c’était nécessaire, se trouve confirmé à la suite de cet entretien, où Audrey Pic, guitariste, chanteuse et claviériste du groupe, parle de tout. Lund, la vie étudiante en Suède, Joy Division et même les animés japonais sont autant de sujets qui nous permettent d’en apprendre un peu plus sur le plus bel espoir de 2008.
Indie Rock Mag : Comment se répartissent les rôles au sein du groupe ? La contribution de chacun est-elle précisément définie dans l’élaboration des morceaux ?
Audrey Pic : Non les rôles sont interchangeables. C’est généralement Henrik qui fournit les premières rythmiques et paroles, ensuite Fredrik et moi on rajoute les guitares. Mais ça varie beaucoup de nos jours. Au début, je ne faisais que les solos de guitares ou des synthés, et ensuite j’ai aussi fait des chansons, comme Freejazz, ou Boat. Fredrik et notre ex-bassiste ont aussi écrit pas mal de morceaux comme Life On The Beach, ou Isabel And Leonard. Mais sur nos deux premiers albums c’est Henrik qui compose le plus. En ce moment on vire un peu instrumental, donc la balance change aussi. C’est difficile d’attribuer les crédits d’une chanson à uniquement une seule personne parce qu’on travaille vraiment collectivement et les chansons se transforment au fur et à mesure qu’on rajoute des trucs les uns sur les autres. Dans une chanson comme Freejazz, la ligne de basse est primordiale, plus même que le chant. On est tous impliqués, c’est un peu le premier qui se bouge pour trouver un truc qui gagne la partie, mais il faut que tout le monde soit d’accord. Ou presque tout le monde. Des fois ça se complique.
Votre album Here Comes The Wind est assez kaléidoscopique, il touche à la pop, au rock à guitares, à l’électro... Quelles sont vos principales influences musicales ? On pense tout de même particulièrement aux Pixies, c’est l’un de vos groupes favoris ?
Pas seulement favori. Ils sont hors compétition. Personne n’a encore égalé ce qu’ils ont fait. Pixies c’est une référence absolue, c’est même plus la peine de le préciser. Ce n’est pas seulement du divertissement. Ça te rappelle quelle attitude adopter dans la vie.
Le côté joyeux, presque enfantin qui ressort de certains de vos morceaux et que l’on ressent surtout à travers ta voix très fraîche Audrey, rappelle également Belle & Sebastian par moments. Ce genre de groupes pop porcelaine fait-il partie de vos influences ?
Quand les premiers albums de Belle & Sebastian sont sortis, ça m’énervait un peu. Un peu trop mielleux, genre gentil scout. Mais si tu considères uniquement les compositions sans l’impression qu’elles génèrent, tu es forcé de t’incliner devant le talent d’écriture et la fluidité des compositions. S’il y a une influence de Belle & Sebastian sur Envelopes, elle est indirecte et fortuite, on a pas consciemment chercher à les imiter. Quoique... pour Sötnos, il est possible que ce soit une influence directe. Je ne peux pas parler pour Henrik. Mais pour moi en tout cas, consciemment j’ai des ambitions plus ironiques. Ce qui ne veut pas dire que je réussisse à les accomplir. Je veux peut-être inconsciemment être un gentil scout.
D’ailleurs tout l’album semble avoir été conçu dans un ambiance joyeuse. On ne vous imagine pas vraiment déprimés dans la vie de tous les jours et on vous voit mal rester plantés dans votre lit un après-midi de pluie à écouter du Joy Division. C’est important pour vous ce côté festif dans la musique ?
Tu serais surprise de connaître toutes nos pathologies mentales. C’est vrai que notamment sur notre premier album, il y a vraiment une légèreté qu’on pourrait qualifier de provocatrice. Au début c’est vrai aussi que l’idée que la bonhommie soit incompatible avec la véritable qualité artistique nous a traversé l’esprit. Mais bon. Je considère que l’état joyeux qui accepte les conditions de la vie humaine dans toute son absurdité en trouvant ça amusant finalement succède toujours à l’état dépressif qui t’amène à considérer cette même absurdité comme insupportable. C’est une sorte de boucle. Chez Envelopes, on est toujours meilleurs dans la phase joyeuse. On est plus rapides en tout cas. Mais la phase déprimée peut générer des bonnes choses aussi. Comme Party. Par ailleurs, on aime tous Joy Division.
Comment une française s’est-elle retrouvée à jouer avec quatre suédois ?
J’ai étudié pendant 6 mois en Suède, programme Eramus. A Lund, une petite ville de 100 000 habitants, les étudiants organisent beaucoup de soirées, mais ça n’a rien à voir avec les soirées étudiantes en France, genre gros hangar / salle polyvalente / DJ pourri. En suède, ils font venir jouer des groupes toutes les semaines. J’ai vu Pluxus et International Noise Conspiracy là-bas. Ils sont très actifs les suédois au niveau culturel. J’ai rencontré Henrik à une soirée où il jouait avec son ancien groupe, The June Platoon. Noodles thailandais à volonté. On s’est parlé parce que c’était l’ami d’un ami qui allait venir étudier le français pour 6 mois à Paris avec lui.
Quel est l’impact de cette pluriculturalité sur votre musique ? Vous semblez en outre voyager souvent, le fait de rencontrer de gens de cultures différentes est une source d’inspiration pour vous ?
Pas vraiment. Le fait de voyager pour l’instant n’a pas eu trop d’impact... je crois qu’on fait un genre de musique typiquement occidental, et anglophone de surcroît, donc finalement ça laisse peu de place à ce qui pourrait être les influences d’une autre culture. On est tous plus ou moins pareil. Etats-Unis, Europe, UK, même le Japon... c’est ce qui est le plus frappant quand tu voyages. L’uniformité.
Il y a beaucoup de références à la mer sur l’album, jusqu’à cette énigmatique pochette reproduisant une œuvre du peintre néerlandais Willem Van de Velde Le Jeune. Il y a quelque chose derrière tout ça ?
En fait pas consciemment depuis le début. L’idée de la pochette est venue en dernier. Quand nous-même avons réalisé qu’effectivement il y avait plusieurs chansons qui faisaient référence à la mer dans l’album. Et aussi on a tellement galéré pour finir l’album que la représentation visuelle du bateau perdu dans la tempête nous a paru assez explicite.
Audrey, tu as collaboré avec Hey Hey My My pour un morceau de leur premier album sorti l’an dernier, vas-tu renouveler l’expérience ? De manière plus générale, y a t-il des artistes avec lesquels vous aimeriez tout particulièrement travailler ?
Julien et Julien de Hey Hey My My c’est une longue histoire. Au début on buvait surtout des bières et on conduisait nos scooters dans Paris. Enfin eux ils avaient des scooters, moi j’avais un 103 Peugeot. On s’est connus quand Envelopes, qui s’appelaient à l’époque The Nicotines, jouaient en première partie de British Hawai (le premier groupe de Hey Hey My My) à Paris. Avec Envelopes, on pense pas trop à collaborer parce qu’on a déjà assez de mal à s’organiser et à trouver du temps entre nous, mais il faudrait peut-être qu’on y pense. il faut trouver un bon équilibre relationnel, des gens avec qui c’est facile de communiquer et de se comprendre.
Vous avez tourné aux USA avec Ratatat en 2006, ce sont eux qui vous ont contactés ?
YES. Je leur avais laissé un message sur Myspace genre 6 mois avant qu’ils nous contactent pour la tournée. Apparemment ils écoutaient notre album assez souvent. C’est le meilleur qu’il nous soit arrivé en tant que groupe. Ratatat remplit les salles aux US donc du coup nous on a pu jouer devant des salles bondées aussi... ce qui n’arrive pas souvent normalement. C’est un de nos meilleurs souvenirs, traverser les US en van aller-retour. Le désert d’Arizona, le Pacifique, tous les soirs alcool à volonté... Je pense qu’on ne pourra jamais égaler l’intensité de cette tournée.
Il semblerait qu’on parle davantage de vous partout ailleurs qu’en France. Qu’est-ce qui a changé dans vos vies depuis la sortie de votre premier album Demon en 2005 ?
Oui c’est bizarre, il y a une sorte d’épais brouillard en France autour de nous. Pourtant quand on joue à la Flèche d’Or à Paris c’est toujours bondé et les gens ont l’air de connaître nos chansons, ce qui est surprenant étant donné qu’on a eu aucun article nulle part, ni même une chronique d’album. Les gens nous trouvent sur Last FM apparemment. Nos vies ont surtout changé quand on est parti enregistrer le deuxième album en Angleterre. On a loué une grande ferme dans une campagne perdue du UK, on voulait enregistrer le deuxième album comme on avait enregistré le premier, à la maison, mais avec plus de temps et en pouvant jouer live au UK. Mais ça a complètement raté. Du coup on a tout re-enregistré en Suède 6 mois après. Ça a un peu été la catastrophe à un moment donné... Maintenant on est revenu à un stade plus normal, on vit chacun de notre côté comme avant et des fois on part en tournée ou on enregistre pendant un week-end ou 1 semaine. c’est vrai qu’on voyage plus loin qu’avant. Mais ça génère aussi une sorte d’incertitude permanente, il faut toujours être disponible et du coup c’est difficile de trouver un travail qui te permette de partir 2 mois d’affilée en tournée.
Tout juste sortis d’une tournée européenne vous attaquiez déjà quelques dates au Japon. Le nouvel album a-t-il été bien accueilli sur scène ? Avez-vous quelques anecdotes à nous raconter sur ces concerts ?
Dans le nouvel album on a Freejazz, que les japonais adorent apparemment, et on a Party qui fonctionne bien live, très Pixies dans le genre, sinon la meilleure chanson sur scène je pense c’est Put On Hold, surtout la fin avec le solo de batterie de la partie instrumentale. On ne joue quasiment que des chansons du nouvel album à part les grands classiques, comme Sister In Love et It Is The Law, du premier album. On a joué aussi des nouvelles chansons sur cette tournée mais on aurait besoin de plus de temps pour répéter et en incorporer plus dans le set. Comme on se voit toujours que 4 jours avant les concerts, on a juste le temps de répéter ce que qu’on connait déjà. Sinon côté anedoctes... je ne me rappelle rien de spécial là juste tout de suite, à part les gens plus ou moins à donf... sinon... y a Henrik qui est tombé de la scène à Tokyo, il voulait aller chercher sa guitare avant de commencer le concert, du coup la scène était totalement dans le noir et il a marché dans le vide et est tombé par terre. AWESOME !
Vous avez tourné un certain nombres de vidéos, est-ce important pour vous de donner un support visuel à votre musique ? Quelle est l’implication du groupe dans la réalisation de ces clips ?
Ce n’est pas nécessaire, ça peut aussi être néfaste, comme un appendice parasite. Mais c’est aussi amusant effectivement de faire des vidéos. Le premier clip qu’on a fait c’était pour Sister In Love, on l’a fait avec iMovie, en éditant des photos retouchées dans Paint, et mixées avec des vidéos tournées dans la ferme où on habitait. Toutes les autres vidéos on les a faites avec des amis qui avaient de meilleurs logiciels et caméras mais on est toujours à l’origine de l’idée de départ et on édite ensemble. Party et Life On The Beach, je les ai faites avec David Golagz. Sinon l’animation de Smoke In The Desert avec les dinosaures qui vomissent, j’avais demandé à une fille qu’on avait rencontrée à Portland de dessiner une route dans le désert où ça dégénèrerait progressivement et ça a donné ça... Il n’y a que pour Freejazz où on a travaillé avec des "pros", mais c’est justement celle que j’aime pas, le montage est raté, mais comme c’est des pros tu peux rien dire ou alors il faut repayer. Donc c’est pour ça qu’on préfère faire tout nous-mêmes ou avec des amis.
Quels sont vos centres d’intérêt en dehors de la musique ? Audrey, tu as par exemple fait la voix française d’un personnage de l’animé japonais Fullmetal Alchemist...
C’est un des meilleurs dessins animés que j’ai fait. Très marrant de jouer les scènes de combat et de jouer avec les autres acteurs. Sinon le doublage en soi ce n’est pas vraiment un centre d’intérêt, j’aime bien Albator et les Miyazaki mais je ne regarde jamais les VF normalement. J’aimerais bien faire la voix d’un éléphant. Et mourir.
Assez des calembours autour de votre nom dans les titres d’articles ?
Pas trop finalement. Ça doit paraître trop évident. Des fois on a des comments où les gens disent qu’ils lèchent le timbre de l’enveloppe mais c’est rare.
Au fait on vous a déjà dit que vous étiez faits pour tourner avec The Postal Service ?
Non, mais on a fait la blague nous-mêmes intérieurement. Sinon une fois on a joué avec The Postcards je crois.
Un grand merci à Audrey pour sa disponibilité.
Interviews - 15.09.2008 par
, ,Vous l’avez assurément remarqué depuis le mois dernier, indierockmag a fait le choix de relayer haut et fort quelques soirées proposées par la salle parisienne La Flèche d’Or (Paris 20e). En effet, entre une programmation pointue, quelques soirées uniques en France et une équipe avec qui on partage de nombreuses passions musicales, les liens se sont (...)
L’adage du jour : il vaut mieux être jeune que bien portant. C’est court, mais c’est bon. Enfin, je dis ça, je ne fais ni partie du groupe dont on va parler : Envelopes, ni des Pixies ou de B-52’s ; ça balance.
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