Catatonia - Paper Scissors Stone
En 2001, les gallois de Catatonia livraient un sixième et dernier album avant de splitter sur le final prémonitoire du clip de son unique single, Stone By Stone, plan sur des instruments laissés à l’abandon dans un salon déserté. Pour qui avait suivi dans la presse musicale anglaise les aventures en désintox de sa charismatique chanteuse Cerys Matthews, la séparation semblait inévitable, et cela prit sans doute une part importante dans l’accueil mitigé que reçut à l’époque Paper Scissors Stone.
1. Godspeed
2. Immediate Circle
3. Fuel
4. What It Is
5. Stone By Stone
6. The Mother Of Misogyny
7. Is Everybody Here On Drugs ?
8. Imaginary Friend
9. Shore Leave
10. Apple Core
11. Beautiful Loser
12. Blues Song
13. Village Idiot
14. Arabian Derby
Pourtant, Catatonia y apparaissait comme le chaînon manquant entre le Radiohead d’ OK Computer, l’univers musical d’Alpha et le futur d’un Ooberman alors tout juste sorti de l’oeuf : un compromis parfait et organique entre l’énergie d’un rock moderne et racé, et l’irréalité nébuleuse d’une pop éthérée habillée d’électro, deux facettes déjà explorées par le groupe sur ses albums précédents mais jamais fusionnés jusqu’alors avec tellement de profondeur et d’évidence.
L’intensité du chant de Cerys Matthews, qui depuis continue joliment l’aventure en solo, n’est pas pour peu de chose dans cette réussite. Sucrée-salée, à la fois douce et éraillée, caressante et véhémente, pop et punk pourrait-on dire, comme on imaginerait volontiers celle d’une Ambrosia Parsley élevée au grunge (Is Everybody Here On Drugs ?) ou d’une Alanis Morissette des débuts coachée par Michael Stipe (Blues Song), sa voix est le fil conducteur de ces 14 chansons, autant de micro-univers d’une densité captivante dont elle habite avec fièvre l’intimité cosmique.
Transcendant l’anxieté et la fatigue nerveuse qui la minait alors, la chanteuse, totalement à nu sans masque ni artifice, parvenait mieux que jamais à toucher l’auditeur au plus profond du coeur, du déphasage onirique de Godspeed au refrain rassurant d’Arabian Derby, en passant par le bouleversant The Mother Of Misogyny, la douce amertume de Shore Leave ou le douloureux Imaginary Friend, dédié à l’ami et roadie du groupe Barry Cawley mort dans un accident de la route l’année précédente.
A sa sortie, de nombreux critiques ont descendu l’album pour son soi-disant classicisme. Sûrement les premiers symptômes d’une surdité précoce, car pour qui consent à leur prêter plus qu’une oreille distraite, la sinuosité sous-jacente de ces morceaux complexes mais d’une accroche mélodique immédiate, issus de l’imaginaire de Mark Roberts, également principal auteur des chansons depuis sa séparation d’avec Cerys à la ville, se révèle déroutante, envoûtante, en un mot passionnante.
Influencés dans leur construction et leurs arrangements par les chansons de Burt Bacharach et les compositions de John Barry, ils savent également s’ouvrir, sans départir l’album de sa parfaite homogénéité, à des sonorités dub et drum’n’bass (What It Is), aux pulsations charnelles et apnéistes d’une Björk sous prozac (Apple Core) ou encore à l’urgence de percussions tribales (Village Idiots). Autant de circonvolutions qui font aujourd’hui de Paper Scissor Stone, bien loin de la britpop à laquelle certains le rattache toujours à tort et des moqueries vis-à-vis d’un nationalisme affiché que le groupe n’a pourtant jamais pris au sérieux, une pierre angulaire du grand métissage pop des années 2000, à réhabiliter d’urgence.
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