Jordan - Back to the gym, kid
Bruit et fureur, mais aussi une belle écriture pop... une certaine idée du chaos organisé.
1. The Game of Jenga
2. Reptiles
3. Non buttare i soldi dalla finestra
4. Montreal
5. Tacklin’ Fuel
6. Cabs are promising
Oh, la honte m’empourpre les joues. Ce CD, je l’ai depuis cet hiver, je me promets bien souvent d’écrire une chronique sur lui, et à chaque fois je me dérobe. C’est qu’il n’est pas si simple d’approche, ce Jordan. Aussi vrombissant qu’une Formule 1 de l’écurie éponyme, rageur et prenant aux tripes, il faut du temps pour l’apprivoiser. Enregistré à l’Hotel 2 Tango de Montréal, fief de Godspeed ! You Black Emperor, c’est bien la même intrangisence musicale qui habite ce disque, mais dans un tout autre style.
Le disque se lance sur le somme toute classique The Game of Jenga, puis enchaîne avec Reptiles, tendu et froid comme la mort, dans un son bien brut qui fleure la bonne prise live, bien garage. Et les éructations commencent. Réfractaires au chant hurlé, c’est à ce moment que vous passerez votre chemin. Pour les autres, ceux qui ont déjà tout absorbé des violences post-hardcore et des dissonnances à la Sonic Youth, c’est à ce moment-là que vos oreilles s’ouvriront.
Au départ, j’ai même pensé qu’ils auraient dû envoyer le disque à notre spécialiste de l’urgence brute, notre sémillant confrère Spoutnik (oui, je sais, ça fait deux fois que je le place dans une chronique, et alors ?) tant l’urgence hardcore, cette façon de brûler les étapes et de foncer dans le mur est prenante et plus dans ses cordes que dans les miennes. Et puis j’ai tout oublié à l’écoute, même de lui en parler... car le disque se dévoile au fil des écoutes. On oublie les cris et les fureurs guitaristiques pour se pencher sur les claviers (le piano au début de Non buttare i soldi dalla finestra, par exemple) et on apprécie une écriture finalement plus pop qu’il ne semblait. Les guitares mordent, vrombissent (Montreal, inouï de sauvagerie schizophrène), d’une évidence incroyable, les rythmes chaloupent, on pense au formidable cross-over qui nous avait donné il y a quelques années les chefs-d’oeuvre magistraux de Refused, il y a là la même fougue, le même refus des barrières, aller au-delà d’une étiquette hardcore évidente et réductrice, tout avaler sur son passage, et tout donner. Et quelques titres moins rentre-dedans d’emblée qui font un bel effet, aussi (Tacklin’ fuel, qui finit sur les chapeaux de roue, et le super riff de Cabs are promising, clôturent le EP en beauté)
En bref, une belle réussite, et de surcroît avec un artwork formidable, signé Jack Dylan. Une seule envie à l’écoute de Jordan, se lever et bouger vite, fort, et crier nous aussi. Fort, très fort.
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