Le problème avec Grandaddy a toujours eu trait à l’attente de l’auditeur, qui espère de chaque sortie un nouveau The Sophtware Slump. Or malgré tout notre amour pour Sumday, le dernier grand disque du groupe, ça fait longtemps que l’on s’est rendu à l’évidence : ce chef-d’oeuvre restera à jamais trois crans au-dessus du reste dans la discographie des papis barbus de Modesto. Une fois qu’on a assimilé ça, on peut tout apprécier à sa juste valeur, des solos inconséquents mais mignons de Jason Lytle à son sympathique side project Admiral Radley, en passant même par les précédents longs formats du combo qui passé le très bel EP Excerpts from the Diary of Todd Zilla ne cassaient pourtant pas trois pattes à un canard.

La bonne nouvelle avec ce Blu Wav, bien qu’enregistré et produit par le seul Jason Lytle (les autres membres étant simplement remerciés dans les crédits), c’est qu’il s’avère rapidement supérieur à Just like the Fambly Cat et à son successeur Last Place dont 11 années séparaient les sorties. Le "moins d’attente" a probablement joué, tout comme les petites cascades électroniques en clin d’oeil à Jed l’Humanoïde et ses copains (dès le bien joli Cabin in My Mind) ou autres interludes SF réminiscents de cet univers d’anticipation rêveuse (Yeehaw Ai in the Year 2025). Mais ce sont surtout la douceur cotonneuse, par moments presque ambient, et la mélancolie épurée de ce nouvel opus qui font (relativement) mouche par leur minimalisme et leur humilité, recentrant l’univers du "groupe" - ou de ce qu’il en reste - sur une dream-pop aux choeurs lyriques sans être ostentatoires (Long as I’m Not the One), une alt-country enluminée de synthés aux textures presque Badalamenti-esques (You’re Going to Be Fine and I’m Going to Hell, On a Train or Bus, Jukebox App, Ducky, Boris and Dart), et quelques ballades pop à peine plus dynamiques (le single Watercooler, petit classique instantané, puis Nothin’ to Lose qui renoue discrètement pendant quelques instants avec le soupçon de désespoir des grandes heures) ou introspectives au piano (le très beau East Yosemite, l’outro instrumentale Blu Wav Buh Bye), le tout rehaussé d’une pincée d’envolées kosmische en apesanteur (Let’s Put this Pinto on the Moon).

Un chant du cygne touchant et plutôt attachant à défaut d’être renversant donc, si toutefois il s’avérait que Blu Wav demeure, comme annoncé il y a quelques mois, l’ultime sortie du projet.