La dernière fois qu’on vous causait (doublement) de Noventa, c’était en 2021, pour l’excellent Novlangue (Tome 2) et un EP, D3PR35510N 2, qui déjà délaissait le rap au profit d’instrus abrasifs et lo-fi aux beats décharnés. Depuis, le prolifique Lyonnais du vrai underground hip-hop de chez nous n’a toujours pas retrouvé le chemin du micro mais offre avec D3PR35510N 3 une suite en long format et d’autant plus radicale à ce dernier. À ce stade, les morceaux n’ont même plus de noms mais seulement des séries plus ou moins longues de pointillés, quant aux rythmiques, elles n’apparaissent subrepticement, ici et là, que par le biais d’éclats samplés de quelques poignées de secondes (à un moment j’ai cru reconnaître Public Enemy, à tort qui sait ?), surgissements de boucles de drums hypnotiques qui semblent parfois tomber comme un cheveu sur la soupe, tels les vestiges d’un rap désormais bouffé de l’intérieur par les idées noires.

Car D3PR35510N 3, ça n’est plus vraiment voire plus du tout du hip-hop, mais la bande-son caverneuse et ultra-minimaliste d’un mal-être paradoxalement vertigineux. Avec comme principal matériau sonore les saturations d’une pédale d’effets, Noventa explore un drone malsain, équivalent déliquescent de la proverbiale tempête sous un crâne et finit par nous happer dans le lent vortex de sa déréliction. Plus rien n’a de sens, les morceaux peuvent durer une minute, ou 3, ou 8, dérouler tout du long une austérité viscérale pour finir sur trois loops de breakbeat old school. D3PR35510N 3, c’est le cauchemar de la page blanche, la conscience entêtante de ne plus rien espérer et de n’aller nulle part et si l’on vous conseille de vous y pencher, ça n’est pas forcément pour le bien-être de votre santé mentale ou de vos tympans. Vous voilà prévenus !