Wailin Storms - Rattle
Rattle, nouvel album de Wailin Storms, creuse exactement le même sillon que les précédents et provoque exactement le même attachement. Grand.
1. Rattle
2. Rope
3. Grass
4. Wish
5. Teeth
6. Sun
7. Crow
8. End
Dès l’entame, Rattle plante le décor : ça sera sombre, rugueux, souvent calciné mais d’une belle élégance. On connait Wailin Storms, on sait les concepts que le groupe manipule - en gros, la part d’ombre de l’Amérique, le poids de la religion, la violence et au bout, peut-être mais non, la rédemption - et on s’attend toujours à ce que l’impact soit profond mais à chaque fois, on s’y laisse prendre comme au premier jour. En gros, Rattle, c’est l’amalgame de One Foot In The Flesh Grave (2015) et de Sick City (2017), l’exacerbation du côté halluciné du parfait premier débarrassé des quelques lourdeurs du néanmoins excellent second et le constat reste le même : ce n’est toujours pas avec celui-ci que le groupe frôlera l’anecdotique. Trop de passion, trop d’engagement, trop de choses fondamentales et de conflits intérieurs à expulser pour cela.
Dès l’entame, Rattle plante le décor : un long cri habité et ce « Shadow My World, Break My Heart, Place place your hand, Upon upon... » Quoi ? Ce n’est pas dit mais ça ne fait aucun doute. Le très sec suivant s’appelle d’ailleurs Rope. Manière - si j’ose dire - de boucler la boucle. La musique de Wailin Storms montre toujours cette grande capacité à s’emberlificoter aux entrailles et à serrer la gorge : le maelström de cris et d’ondes dévastatrices touche le pré carré épidermique normalement dévolu au Gun Club, aux Cramps et autres prédicateurs auxquels, et ce sont bien les seuls, on croit. Rattle déborde de brumes électriques dissimulant des freaks pas clairs et des émotions noires, un sang d’encre torréfié irrigue ses veines et une nouvelle fois, l’album vise juste et provoque beaucoup.
Dès l’entame, Rattle plante le décor et on sait bien alors qu’on ira jusqu’au bout. Pas un titre en-dessous des autres, tous accaparent alors qu’ils proviennent du même moule. Pas de surprises, pas d’écarts, pas de variations : on reste sur la même corde raide tout du long et une fois lancé, au risque de se casser la gueule, on est bien obligé d’avancer. On aimerait pourtant que ça dure plus longtemps que les trente-cinq minutes réglementaires. Le swampy-noise-blues halluciné de Wailin Storms fait toujours merveille et sait comment s’y prendre pour faire vibrer le corps tout entier.
Je pense que tout le monde aura compris : l’éponyme en ouverture plante le décor et tout le reste sera à l’avenant. Guitares exacerbées - quand l’une laboure, l’autre balance des stridences vrillées - basse possédée et batterie bloquée en mode rafale travaillent la gangue pour en sortir des idoles dangereuses et joliment sculptées. Les circonvolutions hantées de la voix finissent de leur donner vie. Les très habités Rattle, Grass ou Wish ferraillent avec des déflagrations un poil plus brèves mais toujours hallucinées (Rope ou Sun plus loin) et la mystique de Wailin Storms culmine certainement durant les presque six minutes du très lent et très méandreux Crow. Des titres d’un seul mot, tous secs mais épiques, exempts de fioritures, allant systématiquement à l’essentiel et empreints d’une intensité désespérée qui permet de mieux comprendre en quoi, selon Justin Storms, « Rattle is about feeling hopeless in a world that is very broken to me ».
Certes, la musique du groupe met en scène un folklore très localisé qui n’est certainement pas le nôtre mais le fait avec un tel engagement qu’on a l’impression qu’il a toujours fait partie de nous. Écouter Rattle, c’est se retrouver à batifoler dans des eaux saumâtres en psalmodiant des prières oubliées alors qu’on n’a jamais été croyant. On pourrait reprocher à Wailin Storms d’en faire des tonnes alors qu’au contraire, pris comme on l’est, il en fait juste assez.
Bref, une nouvelle fois, on tombe sous la coupe de sa musique violente et belle et une nouvelle fois, on attend impatiemment la suite, en quête d’une dose supplémentaire de mystique marécageuse puisqu’il est clair qu’avec ce groupe, on en veut toujours plus.
Après le phénoménal One Foot In The Flesh Grave de 2015, Wailin Storms revient ces jours-ci avec Sick City. Toujours pas assagie, un peu plus plombée, leur musique tient toutes ses promesses.
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